jeudi 4 juillet 2013

Interview de June & Lula : Yellow Leaves, l'album de l'automne-été

Interview de June & Lula : Yellow Leaves, l'album de l'automne-été Après Sixteen Times (2009), un premier album coup de cœur aux harmonies vocales ensorcelantes, empreintes de vieux blues écorchés et de comptines folk douces-amères, June & Lula reviennent dans les bacs (et sur scène) avec un nouvel opus, Yellow Leaves (sorti le 27 mai 2013). A l'occasion de cet événement très attendu, les deux jeunes femmes nous livrent les secrets de leur second disque – une histoire de tapis de feuilles jaune givrées, de swing, d'électricité et de musiciens, de morceaux de vie, d'harmonies humaine et vocale, d'appartement refuge... – et nous parlent de chants bulgares, de sexisme et de féminisme, de violences faites aux hommes et aux animaux, de discriminations et de liberté, de vaches soumises, de loups humanistes et de cochons révolutionnaires... Et ? La suite dans notre interview exclusive de June & Lula.

Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Le saviez-vous ? Mais qui est donc June ? Et Lula ? June (Céline de son vrai prénom), chante et joue de la guitare ; quant à Lula (Tressy dans la vie), elle chante et joue de la flûte et de la clarinette.

Interview de June & Lula pour leur nouvel album Yellow Leaves

« Nous nous sommes enfermées dans un appartement et nous avons longuement cherché à nous retrouver et à imaginer de nouvelles façons de se raconter. »

Pouvez-vous nous parler du titre de votre second album Yellow Leaves ?
June & Lula : Yellow Leaves – qui est également le titre d’une chanson de l’album – est un tableau d’automne : les feuilles jaunes sont tombées au pied d’un arbre, mais au lieu de se décomposer et pénétrer la terre, elles gèlent à la surface car l’hiver est en avance. Le tapis de feuilles jaunes givrées reste donc figé, comme une mémoire arrêtée en plein élan lors d’une séparation (quelle qu’en soit la raison). Les souvenirs prennent soudain une toute autre lumière, une toute autre ampleur, lorsque quelqu’un disparaît…

Quels sont les principaux points communs et différences entre cet album et le précédent ?
June & Lula : Les points communs, c’est nous ! Nous avons continué à travailler à deux, à chanter à deux, à chercher des harmonies dans la simplicité des deux voix et d’une guitare qui accompagne discrètement. Donc, c'est la même base. Ensuite, cet album est plus arrangé que le précédent, plus électrique, nous avions tout un groupe de musiciens pour nous accompagner cette fois !

Quelles sont les influences musicales de ce nouveau disque ?
June : Je crois que nous avons été influencées par plein de choses très variées. Nous sommes sorties de notre obsession pour le vieux blues des années 30. Disons que j’ai appris de nouveaux accords de guitare, en allant chercher plutôt dans le swing. Et puis on s’est permis de varier les rythmiques, d’écrire des mélodies et de les harmoniser au note à note. En gros, nous avons continué sur notre lancée, et nous sommes allées plus loin.
Lula : Nous avons gardé notre passion pour l'écriture et l'harmonisation des voix, nous avons toutes les deux des influences différentes que nous mettons en commun quand nous composons. Pour ma part, j'écoute beaucoup Ella Fitzgerald et Nina Simone, mais aussi beaucoup d'autres genres musicaux que j'ai  découverts depuis l'enregistrement du premier album comme les chants bulgares ou encore de vieilles comédies musicales comme Hair ou It's Allways Fair Weather...
June et Lula, Yellow Leaves - Copyright Claudine Doury, Agence vu

Quelles ont été vos sources d'inspiration pour l'écriture des textes ?
June & Lula : Les textes partent toujours d’un vécu personnel. Nous parlons de choses qui nous ont touchées, et nous en faisons des histoires. Nous en faisons des histoires car nos textes doivent être communs à toutes les deux, il est donc important que chacune puisse raconter l’histoire en la vivant entièrement. Nos sources d’inspiration sont donc notre vie, notre entourage, nos rencontres, l’air que l’on respire...
    
Quel sont vos thèmes de prédilection, en général ?
June & Lula : Certains textes témoignent de choses qui concernent tout le monde : du sexisme, de l’hétérosexisme, des violences faites aux animaux, des personnes qui vivent dans la rue, des expulsions de Roms... Il y a aussi des histoires très personnelles qui tournent autour de la séparation, de départs imprévus et de la vie qui continue. Toutes ces histoires ont débarqué dans notre vie et nous voulions en faire part.
    
Comment s'est déroulée la composition de votre nouvel album Yellow Leaves ?
June & Lula : Nous nous sommes enfermées dans un appartement et nous avons longuement cherché à nous retrouver et à imaginer de nouvelles façons de se raconter. Nous composons toujours à deux et personne ne peut intervenir à ce moment-là. C’était difficile de repartir après tout ce que nous avions vécu sur la route, nous avions trop de questions en tête, il fallait faire le ménage ! Et puis finalement, une fois parti, ça a été très vite ! Le cadre a changé aussi : pour le premier disque, nous étions dans une maison calme ; cette fois-ci, l’ambiance de ville refroidie par l'hiver a influencé nos humeurs.
    
Si vous rassembliez toutes les chansons de ce disque comme les pièces d'un puzzle, quelle image formeraient-elles ?
June : Ça me fait penser aux manières très différentes que nous avons de peindre, Lula et moi : je peins de tout petits détails en noir et blanc et Lula mélange harmonieusement les couleurs. Donc je vois un grand tableau dans lequel plein de personnages hétéroclites se côtoient dans un joyeux bordel, mêlant couleur et noir et blanc.
    
Avez-vous des anecdotes à nous raconter sur cet album ?
Lula : Une anecdote sur le nom de l'album : il porte le nom de l'une de nos chansons, Yellow Leaves. Avec June, nous n'arrivions pas à tomber d'accord sur le titre de ce morceau. Je voulais qu'il s'appelle When early snow comes to shorten the fall (j'aime bien les longs titres [rires]), et June voulait l'appeler Cherry tree. Aucune de nous deux ne voulant céder, la chanson n'a pas eu de titre jusqu'à ce qu'on l'enregistre et finalement, elle a donné son nom à l'album.

Dans cet album, l'une des chansons vous touche-t-elle plus particulièrement ?
June : Elles me touchent toutes différemment et ce serait impossible d’en choisir une ! Mais je crois que j’entretiens une relation toute particulière avec Naked Woman, que nous avons composée il y a longtemps. L’histoire de cette femme confrontée à ses propres fantômes me touche beaucoup, et les mélodies sont très envoûtantes à chanter.
Lula : C'est très difficile d'avoir des préférences pour ses chansons ! Mais si je devais en choisir une, je dirais The moon who talked through the wind (Ode to Delphine) ; c'est un conte qui mêle beaucoup d'émotions et qui me touche tout particulièrement quand je la chante.

Interview de June & Lula, on the road again...

« Ce qui nous motive, ce qui nous pousse à faire nos chansons, c’est la force des concerts et des rencontres avec le public. C’est la route de nos chansons : elles naissent entre nous et elles grandissent sur scène, lorsque le public les entend et les vit avec nous. »

Quand avez-vous décidé de vous lancer dans la musique ?
June : Lorsque nous avons rencontré notre producteur, j’avais plein de groupes de musique et je n’avais pas de plan d’avenir ! Disons que l’on a saisi cette chance et que j’ai décidé à ce moment-là de me consacrer à l’écriture, au chant et à la guitare, et de le faire du mieux que je peux.
Lula : Je n'ai jamais envisagé autre chose que de faire de la musique pour vivre. Je ne savais ni quand ni comment, mais c'est ce que je voulais faire. Puis nous avons rencontré Christian Herrgott, notre producteur, qui a cru en notre projet et nous a fait confiance !
June et Lula, Yellow Leaves - Copyright Claudine Doury, Agence vu

Quelle place la musique occupe-t-elle dans votre vie, hier comme aujourd'hui ?
June : Hier, c’était tout ce qui me maintenait sur terre ; ma seule voix pour m’exprimer sans les mots qui sont trop étroits. Aujourd’hui, c’est pareil, sauf qu’en plus on m’écoute ! Ça prend beaucoup de place, tout ce que je vis est ramené à la musique.
Lula : La musique a toujours pris beaucoup de place dans ma vie, j'ai toujours chanté. Mais aujourd'hui, elle prend de plus en plus d'espace puisque toute ma vie tourne autour de ce projet ; pourvu que ça dure !
    
Comment votre amitié a-t-elle évolué avec votre collaboration professionnelle, ces dernières années ?
June & Lula : Nous nous sommes beaucoup rapprochées, à force de passer le plus clair de notre temps ensemble. Ce n’est pas toujours facile de prendre soin de notre amitié au milieu de tout ce qui nous arrive. Nous avons pu faire des erreurs, et je crois aujourd’hui que le plus important est de croire l’une en l’autre, quoi qu’il arrive, s’attacher à une confiance profonde capable de surmonter la fatigue, les coups durs, et qui permet d’être patientes et bienveillantes l’une envers l’autre à chaque instant. Car les moments de joie sont aussi très nombreux et très forts, ce serait dommage de ne pas en profiter !

Êtes-vous heureuses de remonter sur scène pour une nouvelle tournée ?
June & Lula  : Oui, on n’attend que ça ! Ce qui nous motive, ce qui nous pousse à faire nos chansons, c’est la force des concerts et des rencontres avec le public. C’est la route de nos chansons : elles naissent entre nous et elles grandissent sur scène, lorsque le public les entend et les vit avec nous.

D'un combat à l'autre, interview de June & Lula

« Les humains sont des animaux comme les autres. »

Pouvez-vous nous parler du premier single, Revert to the wild ?
June & Lula  : Au début, une personne s’adresse à quelqu’un en lui faisant part de sa dévotion totale, de sa soumission complète à l’autre, notamment de son corps : cette personne dit, en gros, « fais de moi ce que tu veux ». Il s’agit en fait d’une vache qui va à l’abattoir. Nous sommes convaincues que les animaux ne méritent pas les traitements qu’on leur inflige, et cette vache rêve d’un retour à l’état sauvage.
  
Le clip de cette chanson ouvre une porte sur un univers onirique où la liberté a vaincu la discrimination ; pensez-vous que nous en sommes encore loin ?
June : Eh bien, c’est vrai que mon idéal est très très très loin de la situation actuelle. Dans ce clip, nous avons essayé de montrer que nous pourrions considérer les animaux comme nos égaux. Les humains sont des animaux comme les autres. Mais déjà les humains sont discriminés entre eux ! Nous avons aussi voulu dire que les sexes, genres et sexualités sont propres à chacun, et qu’il existe autant de possibilités que d’individus !
Lula : Nous en sommes effectivement très loin ! La télévision, les publicités qui nous entourent, les expériences du quotidien nous le rappellent sans cesse… Mais je pense qu'il faut rester positif et que chaque individu a son rôle à jouer dans la lutte contre les discriminations en tout genre…

En images, le clip de Revert to the wild, le premier single extrait du dernier album de June & Lula, Yellow Leaves :


Dans le clip de Revert to the wild, deux jeunes femmes s'embrassent. Que pensez-vous des événements qui ont accompagné la promulgation de la loi pour le mariage gay en France ?
June : Si vous parlez des manifestations contre le mariage pour tous, ce que j’en pense, c’est que c’est très grave que des personnes se prononcent aussi violemment contre l’avancée des droits d’autres personnes. Par exemple, ce n’est pas parce que je ne veux pas me marier que je peux estimer que personne ne devrait se marier ! Les gens font ce qu’ils veulent ! L’homophobie, le racisme et l’islamophobie se font beaucoup trop entendre à mon goût : au nom de la liberté d’expression il serait temps de répartir équitablement la parole si nous voulons combattre les discriminations.
Lula : Je trouve ça bien dommage que tant d'énergie soit déployée contre les droits des personnes. Il y a à la fois quelque chose de très décourageant – quand on regarde un peu en arrière, on se rend compte que les discriminations n'évoluent pas mais se déplacent … – et d'encourageant – si autant de personnes réagissent, c'est que le combat est bien réel, qu'il se passe vraiment quelque chose, et ça, c'est très important ! –.

Quel est l'événement qui a le plus marqué votre vie ?
June : La découverte du féminisme !
Lula : La mort d'un proche. Outre le fait que ce soit un événement douloureux, ça m'a marqué car ça a changé ma philosophie de vie.

Si vous pouviez effacer de la liste des défauts de l'être humain l'un d'entre eux, lequel choisiriez-vous ?
June : L’arrogance, qui nous mène toutes et tous à nous considérer comme des rivaux-rivales, des inférieur-e-s, et à nous écraser les un-e-s les autres. Faut se serrer les coudes !
Lula : La cupidité ; les gens se focaliseraient peut-être plus sur les problèmes humains...

Interview de June & Lula, les voix du succès

« Un conte nous conviendrait bien. Peut-être celui dans lequel le Petit Chaperon Rouge ne se fait pas manger ? Ni la grand-mère, et où le loup ne sévit pas contre les femmes... Mais je ne sais pas si il existe [rires] ! »

Quelles sont ont été vos grands coups de cœur musicaux ?
June : Antony and the Johnsons (I am a bird now), je ne m’en lasserai jamais, il m’élève si haut ! Nick Drake (Pink Moon) et plus récemment, Keny Arkana, parce qu’elle m’a ensorcelée.
Lula : « Le mystère des voix bulgares », des voix et des harmonies incroyables ...

Quel instrument vous bouleverse-t-il le plus ?
June : La voix de Lula !
Lula : (C'est gentil ça !) Je dirais le violoncelle de June !

Si vous pouviez vous réincarner dans la peau d'une artiste, qui choisiriez-vous ? Et dans celle d'un animal ?
June : Je voudrais me réincarner dans la peau d’Orelsan pour qu’il arrête de faire de la m**** ! Et dans la peau d’une truie pour faire la révolution des cochons.
Lula : C'est une question bien étrange à laquelle je ne sais que répondre...
    
Vous reconnaissez-vous (plus ou moins), vous et votre univers musical, dans un film ?
       
Dans un roman, une bande-dessiné ou un conte ?
June : Un conte nous conviendrait bien. Peut-être celui dans lequel le Petit Chaperon Rouge ne se fait pas manger ? Ni la grand-mère, et où le loup ne sévit pas contre les femmes... Mais je ne sais pas si il existe [rires] !
Lula : L'écume des jours.
       
Sur un tableau ou chez un peintre ?
June : Mes propres peintures peuvent nous ressembler.
Lula : Paul Klee.
Dans une comédie musicale ?
June : Là, je ne vois pas...
Lula : Peut-être Hair.

Quels sont vos projets, comment voyez-vous l'avenir ?
June : Sur la route, à faire des supers concerts, des rencontres, des kilomètres. Je ne vois que ça !
Lula : Des concerts ! Des nouvelles chansons, des nouvelles rencontres enrichissantes… La vie quoi !

Interview réalisée le 12 juin par Cécile Duclos

June & Lula, Yellow Leaves, mai 2013

Retrouvez June & Lula sur le web : sur leur site officiel et sur facebook.
Copyright Photos : Claudine Doury, Agence vu

June & Lula seront en concert le :
5 juillet au Festival La Ferme Électrique, à Tournan En Brie
11 juillet au Festival Les Estivales du Canal, à Vierzon
18 juillet au Festival Les Indézikables, à Saint Gervais
19 juillet au Jazz Festival, à Montreux (Suisse)
13 septembre aux Docks, à Lausanne (Suisse)
28 septembre au Poste à Galène, à Marseille
8 octobre au Théâtre de Haguenau, à Haguenau
12 octobre au Splendid, à Lille
2 novembre, Salle Roger Hanin, à Soustons
22 novembre au Rocher de Palmer à Cenon
17 décembre à La Source, à Fontaine

Mon espace conso
Le dernier album de June & Lula :
Yellow Leaves, June & Lula, Columbia Group, mai 2013.
Voir tous les produits (CD, mp3, collectors...) autour de June & Lula



Articles liés

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

 
Design by Free WordPress Themes | Bloggerized by Lasantha - Premium Blogger Themes | Best WordPress Themes