Le street art est-il en passe de devenir le mode d'expression privilégié des artistes de demain ? À en croire les murs de Paris, New York, Berlin, Londres, São Paulo ou Los Angeles, la réponse, affirmative, ne fait pas l'ombre d'un doute. On se prend alors à rêver... Nos villes se transforment-elles, jour après jour, en un tentaculaire musée éphémère à ciel ouvert ? Un musée où liberté rime avec gratuité et illégalité ? Un musée où les expositions tournent à la vitesse du vent, de la pluie et des urbanistes ?
En France, l'une des figures phare de ce mouvement en plein essor porte le doux nom de Fred le Chevalier. Sans relâche, cet incontournable acteur de la vie parisienne dessine, découpe, imprime et colle ses personnages de papier là où souvent, les circonstances le mènent. Portrait de Fred le Chevalier, poète citadin des temps modernes.
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Le saviez-vous ? Solitaire dans l'âme, Fred le Chevalier sillonne parfois la ville accompagné de Madame Moustache, Kashink ou encore Pole Ka.
Le saviez-vous ? Solitaire dans l'âme, Fred le Chevalier sillonne parfois la ville accompagné de Madame Moustache, Kashink ou encore Pole Ka.
Au royaume de Fred le Chevalier, les passants sont rois
« On est tous roi d'un pays qui n'existe pas » (Fred le Chevalier)
Des créatures fantastiques à écailles, poils, branches et cornes. Des hommes enfants, des hommes animaux, des hommes marionnettes, des hommes masqués, des hommes femmes. Une faune et une flore pétrifiées, dont les bruissements glissent sur les murs de Paris comme autant de soupirs. C'est un peuple entier, aux origines ancestrales, mythologiques et oniriques, qui surgit des murs de la ville lorsque Fred le Chevalier passe son chemin. La poésie, au détour d'un papier collé, reprend ses droits sur le béton des cités. Et nous laisse sur le macadam, stupéfait, émerveillé, charmé devant un géant de papier à la couronne blanche, deux hirondelles en cage de pierre, un cerf-volant soufflé sur un ciel de ciment. Les yeux dans les yeux, on fait connaissance. On en oublie le vacarme, la foule, les néons des vitrines. Jusqu'à ce qu'un passant nous bouscule, jusqu'à ce qu'un flash repeigne l'affiche, jusqu'à ce qu'une voiture hurle d'indignation, jusqu'à ce que la ville nous happe à nouveau, jalouse et impatiente.
Et tandis que l'on redescend en Enfer, on ne peut s'empêcher d'avoir une pensée pour ce mystérieux Chevalier, démiurge urbain d'un insolite univers parallèle. C'est armé d'un pot de colle (inhumain cette fois), parfois d'une perche, toujours d'un rouleau de figures entrelacées, que l'on imagine notre homme partir à la conquête d'un territoire ennemi, terre vierge ou sauvage, avec une ferveur quasi mystique. Cependant, lorsque l'on quitte les lieux du crime, c'est avec, dans la tête, une question qui frise l'obsession : « à repousser jour après jour les frontières d'un royaume qu'inlassablement, les éléments réduisent à néant, ne s'épuise-t-on pas ? ».
Fred le Chevalier, poète maudit des collages interdits
« Que les choses soient claires, j'ai toujours été sombre » (Fred le Chevalier)
Poète dans l'âme, Fred le Chevalier accompagne ses dessins de maximes à l'écriture déliée, qui tantôt invitent au rêve (« on se couvrait de feuilles qui ne tomberaient qu'avec nous », « si tu sais rêver, tu sais voler »), tantôt nous plongent dans une profonde réflexion (« j'ai renoncé au renoncement », « tout devient rien pour qui ne sait qu'attendre »), tantôt nous rappellent les fables de notre enfance (« je suis parti tellement tard que j'irai tellement loin »), tantôt nous font sourire (« tout vient à point à qui sait pourfendre », « à la dernière minute l'heure tourne », « si le monde se tait c'est qu'il n'est pas invité »), pour finalement nous toucher en plein cœur (« je ne t'ai cherché nulle part, tu étais partout »).
Fred le Chevalier, fer de lance du street art
« L'éternité on n'y croit qu'un temps » (Fred le Chevalier)
Sur les murs de la rue comme dans les murs d'un musée, l'art n'a pas d'âge. Qu'ils soient temporaires (comme le street art par essence), qu'ils ornent les palais vénitiens ou qu'ils s'exposent à la cour de Versailles, les arts graphiques défient les lois de la relativité : pour eux, le temps n'existe pas ; l'espace, qui s'étend bien au-delà des cathédrales, non plus.
Quelque part entre surréalisme (enfants crabes, pantalons pattes d'ours, hippocampes chevaux), art naïf (dessins léchés aux courbes généreuses), symbolisme (en vrac : clef, marionnette, masque, couronne, rose avec son épée, aile, château, note de musique, étoile, miroir, sablier...), manga japonais (monstres à la Miyazaki), art traditionnel chinois (visages et hirondelles façon yin yang) et freak show (Schlöndorff et son Tambour, Frankenstein), l’œuvre de Fred le Chevalier interroge par piqûres successives, et savamment dosées, notre imaginaire en mal d'évasion.
Les couples qui dansent et s'enlacent forment des cœurs, les pieds des garçons deviennent tronc, les cornes de cerf sont de mise pour embrasser les jeunes filles, les arbres ouvrent des yeux ronds, les hommes séduisent des hommes qui séduisent des femmes qui séduisent des femmes qui séduisent des hommes, les uns portent des chapeaux pots de fleur, les autres s'affrontent à coup d'aimants et de poupées vaudou. Dans ce monde florissant tout de noir et blanc vêtu, quelques touches de couleur (vert nature, jaune or, rouge baiser) éclatent de-ci de-là, soulignant qu'entre rêve et réalité, il n'y a qu'un pas. « Le franchirez-vous ? », semble murmurer une jolie sirène, nonchalamment abandonnée à ses vagues de mortier. Si l'on en croit Oscar Wilde, le meilleur moyen de résister à la tentation, c'est encore d'y céder.
De l'enfant roi à Fred le Chevalier
« A l'école étais-tu déguisé en enfant ? » (Fred le Chevalier)
Avec son écriture d'écolier, ses personnages sans âge aux visages angéliques, Fred le Chevalier remonte le temps d'un coup de ciseau. Retour en enfance, cet âge béni où l'on rêve de princesses et de châteaux, où l'on ne craint ni méchants ni monstres, où l'avenir déborde de promesses et de cadeaux. Cet âge honni où l'on marche sur une corde raide, sous les regards parfois cruels de nos congénères, sans que l'on ne se doute, encore, qu'existent les boucliers.
De l'ombre à la lumière, la frontière est palpable : les créatures de papier de Fred le Chevalier sont-elles muettes ou muselées ? Leurs yeux grands ouverts, à la fois vides et terriblement profonds, expriment-ils la passion ou la mélancolie, la joie ou le désespoir, l'amour ou la solitude ? Gardent-elles les portes d'un monde meilleur, une ville dans la ville, occulte, que l'on ne peut entrevoir sans retrouver son âme d'enfant ? Une ville où la nature aurait repris ses droits (« au cœur des villes on ira planter des arbres »), une ville où l'amour n'aurait pas de sexe (« l'amour n'est jamais sale »), une ville où l'amour serait plus fort que la guerre (« avec nos armes de papier on partait caresser le monde ») ? Oui, Fred le Chevalier est un guerrier, mais c'est avec d'autres armes qu'il mène le combat. L'épée, le pistolet, la rose ne blessent que par la violence qu'ils dénoncent. L'engagement se mesure au don de soi, de ses œuvres, de ses idées à une ville gargantuesque qui dévore chair, colle et papier avec un appétit affolant. Et tandis que ses fantômes déchirés courent sur les murailles, laissant derrière eux des tourbillons nuageux, poursuivant leurs rêves ou fuyant leurs démons intérieurs, on réalise, des spirales plein les yeux, que l'on a déjà mis un pied dans le monde merveilleux de Fred le Chevalier.
Le Bestiaire illustré de Fred le Chevalier
« Alors on inventait des monstres pour effrayer nos peurs » (Fred le Chevalier)
Pour terminer notre chevauchée fantastique sur les traces de Fred le Chevalier, attardons-nous quelques instants devant les êtres étranges qui s'accrochent becs et ongles sur le crépi des bâtiments de Ménilmontant. Nous trouvons, pêle-mêle, des écureuils, des chouettes (crucifiées sur les façades, comme pour éloigner le mauvais œil), des moutons, des chats (en bande, en scooter, dans l'herbe folle), des ânes qui rôdent la nuit, des hirondelles, des escargots, des tortues et des hippocampes que l'on chevauche sans vergogne, et tout un cheptel de mystérieuses bêtes à poils, cornes, sabots, écailles et carapace. Mais chut, n'en disons pas plus : à vous, à présent, de partir à la découverte de votre quartier !
En balade avec Fred le Chevalier
En exclusivité, un diaporama inédit !
Auteur : Cécile Duclos
Copyright photos : La Toile de Pandore
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Fred le Chevalier, en livre Fred le Chevalier : Papier, ciseaux, murmures, Solenn Denis, Critères Editions, septembre 2013. Voir tous les produits autour de Fred le Chevalier |
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