lundi 21 octobre 2013

Goya et la modernité à la Pinacothèque

Goya, la Folie de la PeurVous ne craignez ni les figures grimaçantes d'êtres démoniaques, ni les créatures hybrides mi-hommes mi-animaux, ni les mises en scène morbides baignant dans un romantisme d'un noir d'encre ? Jusqu'au 16 mars 2014, l'exposition Goya et la modernité, à la Pinacothèque de Paris, dévoile l'âme sombre et tourmentée du célèbre artiste espagnol, entre eaux-fortes cauchemardesques et peintures flamboyantes. Un voyage au cœur de l'humanité, entre rêves et actes barbares, religion, prostitution et éducation, mariage, folies et caprices, guerre, jeux d'enfants et tauromachie... Âmes sensibles s'abstenir !

Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Le saviez-vous ? Le père de Goya (de son nom complet, Francisco José de Goya y Lucientes) était maître doreur.

Goya et la modernité : à la Pinacothèque, l'hommage au Maître

Né en 1746 près de Saragosse, Francisco de Goya s'éteint à Bordeaux, à l'âge vénérable de 82 ans. Influencé dans sa jeunesse par les grands maîtres de la peinture italienne (notamment Tiepolo), c'est de retour en Espagne, après un voyage formateur en Italie, qu'il assure peu à peu sa renommée. Ses portraits royaux et intimistes rencontrent autant de succès que ses décorations d'églises et de palais. Pourtant, au fil de ses recueils de gravures, Goya s'expose sa vie durant à la censure politique de l'Inquisition. Ce combat permanent est-il à l'origine de la modernité de son œuvre ? Face à l'esthétisme ténébreux de ses eaux-fortes qui reflète son engagement, incessant, dérangeant, avant-gardiste, c'est la question que l'on se pose.

Goya et la modernité : quand le noir se met au service de l'histoire


Goya, Enfants jouant au taureau

Si l'exposition Goya et la modernité à la Pinacothèque s'ouvre sur une poignée de gravures religieuses dénonçant la vie secrète des moines, suivies de quelques témoignages des premières années de l'artiste (peintures religieuses tout en nuage et layette) et d'une série de scènes de jeux d'enfants où d'innocents chérubins dépenaillés, fesses nues et en haillons, s'adonnent, entre deux divertissements (Les enfants à saute-mouton), aux activités préférées de leurs aînés (guerres, combats, tauromachie, vol...), elle ne tarde pas à annoncer la véritable couleur (on ne peut plus éloignée du rose bébé !) de cette rétrospective parisienne lancée en fanfare à quelques jours de la fête des morts, le Noir.

Goya, Un toréador est désarçonné et tombe sous le taureau

Ici, la férocité inhérente à la tauromachie n'est qu'une mise en bouche face à la cruauté de conflits armés qui donnent lieu aux plus insoutenables gravures de Goya, plus de quatre-vingt planches (provenant d'une collection particulière) baptisées Les Désastres de la Guerre. Profondément ébranlé par quatre années de massacres perpétrés lors de l'invasion de l'Espagne par Napoléon en 1808, Goya réinvente la peinture de guerre : ce ne sont plus les fiers cavaliers et les soldats courageux qui tiennent le haut de l'affiche, mais des hordes de barbares qui déciment indistinctement ennemis, pareils, ecclésiastiques, femmes et enfants. Des gravures sans concession qui recensent implacablement, planche après planche, comme autant de clichés journalistiques, les horreurs de la guerre : charniers, viols, infanticides, tortures, condamnations injustifiées, massacres généralisés, famines mortelles, corps empalés, décapités, pendus, morcelés, brûlés, criblés de balles... La sauvagerie fait rage ; la population, hommes et femmes, brutalisée, prend les armes avec la même cruauté que les troupes françaises et espagnoles ; les maris pleurent leurs épouses ; les mères, leurs enfants. S'il prend parti pour l'Espagne, Goya n'en souligne pas moins la noirceur, universelle et apatride, de l'âme humaine.

Goya, Ni por esas

Les portraits de famille de Goya : et la modernité naît du réalisme

Passée la galerie des scènes de guerre, c'est avec un profond soulagement que l'on accueille les portraits souvent monumentaux de nobles fortunés, de proches et autres commanditaires plus ou moins modestes. Femmes fragiles et revêches, hommes engoncés dans leur plus bel habit, le réalisme de Goya s'exprime jusque dans les plus infimes détails : sourcils broussailleux, regards vides ou perçants, bouches pincées, corps repliés... Impitoyable, Goya croque ses modèles avec une rigueur drastique. Vive et généreuse, la peinture du maître espagnol offre néanmoins un contraste frappant (indécent?) avec la noirceur de ses gravures de guerre. On en reste le souffle coupé. Et c'est là, sans aucun doute, l'un des points forts de l'exposition Goya et la modernité à la Pinacothèque : loin des sentiers battus (et des plus célèbres peintures de Goya que l'on rêvait, certes, il faut bien l'admettre, d'admirer à Paris !), elle donne un vaste aperçu, sur plusieurs décennies, du parcours sinueux de l'artiste.

Goya, La marquesa Viuda de Villafranca, 1795

Et pour entrer tout à fait dans l'univers torturé de Goya, rien de tel que les prodigieuses eaux-fortes  exposées dans les dernières salles de la Pinacothèque...
Goya, l'Amour et la Mort

Goya et la modernité : au cœur des ténèbres, la lumière


Goya, Folie désordonnée

C'est rivé aux Caprices de Goya (publiés en 1799), à ses gravures sur les thèmes de la folie, de la sorcellerie ou encore du cauchemar, que l'on se retrouve d'un coup happé par les visions oniriques et diaboliques de l'artiste. Bêtes à têtes humaines, démons griffus et bébés-poulets, hommes volants, fous ensachés, hilares ou sanguinaires, carnavals de masques grotesques et rondes de créatures loufoques, sorcières à balais et ânes savants : impossible de résister à l'irrésistible.

Goya, Caprices, le sommeil de la raison Goya, Là ils sont plumés

Entre monstruosité et démesure, obscurantisme et démence, satires et rêveries expiatoires, le monde de Goya fascine par son absence même de limite. Ivre de liberté, le graveur à l'imagination outrageusement fertile dénonce au passage, et sous couvert, les excès du Clergé, les dérives de l'éducation (dans la série Ânerie), les désillusions de l'union maritale, la violence larvée de la prostitution... L'exposition Goya et la modernité à la Pinacothèque semble tenir sa secrète promesse, entraîner le commun des mortels dans l'Enfer de Goya !

Goya, La filiation Goya, Ni plus ni moins

Informations pratiques (à propos de l'exposition Goya et la modernité à la Pinacothèque) :
Exposition  Goya et la modernité
Dates : du 11 octobre 2013 au 16 mars 2014
Adresse : Pinacothèque de Paris, 28 Place de la Madeleine - 75008 Paris
Horaires : tous les jours de 10h30 à 18h30, nocturnes les mercredis et vendredis jusqu’à 21h.
Tarifs : entrée 12 €, tarif réduit 10 €.

Auteur : Cécile Duclos

Mon espace conso
Le catalogue de l'exposition :
Goya et la modernité, Marc Restellini, Pinacothèque de Paris, 31 octobre 2013.



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