vendredi 11 novembre 2011

Diane Arbus au Jeu de Paume

Diane Arbus au Jeu de PaumeDiane Arbus débarque à Paris pour un évènement exceptionnel, une exposition-fleuve qui rassemble quelques 200 clichés en noir et blanc (dont la plupart n'ont jamais été présentés en France) venus de musées et de collections privées du monde entier. A vos agendas : Diane Arbus au Jeu de Paume, c'est jusqu'au 5 février 2012. La première rétrospective française consacrée à la célèbre photographe new-yorkaise, ça se fête, non ? 


Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Ce que l'on a aimé : Le choix des œuvres qui reflètent parfaitement l'incroyable ouverture d'esprit de Diane Arbus, son courage, l'originalité et la profondeur de ses travaux. Les deux dernières salles où l'on trouve pêle-mêle une volée de renseignements sur sa vie et son matériel photographique (les modèles de ses appareils photos sont exposés, excellente initiative !).
Ce que l'on a moins aimé : Le parti pris de laisser les visiteurs déambuler sur deux étages sans repère chronologique ni thématique, sans même une explication (tout cela n'arrive qu'à la fin, dans les deux dernières salles). Une façon de ne pas rompre le rêve ? Une bonne raison, en tout cas, pour y retourner, histoire de voir l'exposition d'un autre œil...

La chasseuse d'images Diane Arbus au Jeu de Paume

Diane Arbus au Jeu de Paume : de l'ordinaire à l'extraordinaire

Diane Arbus photographiée par son mari Allan Arbus en 1949La sensible et audacieuse Diane Arbus possède un don : saisir le moment qui compte, celui qui dérange, bouleverse, agace, attriste, intrigue, révolte, attendrit... Photographe de mode, Photographe d'art, photographe de presse pour des magazines comme Esquire, Harper's Bazaar ou encore The Sunday Times Magazine, Diane Arbus, en cessant de travailler pour l'univers glamour de la mode, renonce aux lauriers de la gloire commerciale. Le sentier tortueux de la liberté artistique s'ouvre à elle, Diane s'y jètera à corps perdu. En 15 ans d'une carrière fulgurante, elle révolutionne le monde de la photographie en mêlant les contraires, ordinaire et extraordinaire, beauté et laideur, maigreur et obésité, richesse et pauvreté, normalité et anormalité, jeunesse et vieillesse, joie et tristesse... Devant son objectif, l'Amérique des années 50-70 prend des allures de pieuvres aux mille visages. Diane Arbus au Jeu de Paume, c'est un ouragan dans la maison blanche.

La consécration post mortem de Diane Arbus au Jeu de Paume

La 26 juillet 1971, à Greenwich Village, Diane avale des barbituriques avant de s'ouvrir les veines au rasoir, dans sa baignoire. Elle a 48 ans, elle souffre d'hépatite et de dépression chronique. Son suicide aurait pu annoncer la fin d'un mythe, au contraire, il entérine sa notoriété. Un an plus tard, en 1972, ses œuvres sont exposées à la Biennale de Venise ; Diane devient la première photographe américaine retenue par la prestigieuse manifestation artistique. Les années suivantes, des millions de gens se pressent dans les galeries et les musées où l'on peut voir ses œuvres. La présence de Diane Arbus au Jeu de Paume n'est qu'une consécration parmi d'autres. Car Diane Arbus n'est pas uniquement la « photographe des freaks » (Diane redoutait d'être réduite à cette seule épithète) et l'alchimiste des chambres noires qui développait ses tirages elle-même pour mieux maîtriser le rendu final. Diane Arbus est aussi inscrite au panthéon de la Photographie, aux côtés d'artistes qui ont permis, comme elle, à cette discipline d'être reconnue à sa juste valeur.

Deux jumelles identiques, New-York, 1967
La jumelle de droite sourit légèrement, celle de gauche fronce vaguement les sourcils. 
Stanley Kubrick s'est inspiré de cette photo pour ses jumelles Grady qui hantent Shining.

En 2004, un tirage a été vendu 478 400 $ aux enchères.

Pour le fun, les sœurs Grady en vidéo : Come Play With Us


Les photographies choc de Diane Arbus au Jeu de Paume

Diane Arbus n'a jamais froid aux yeux. Sa main ne tremble pas, ses pas ne l'arrêtent jamais à la lisière d'un territoire interdit. Son adage ? « Ce que je préfère, c'est aller où je ne suis jamais allée ». Rien de surprenant donc à ce que ses pérégrinations nous emmènent loin, très loin. Pour preuve, quelques uns de ses thèmes de prédilection : les nudistes (en couple en lisant leur journal ; en famille à la plage), les handicapés mentaux (bouleversée par les patientes d'un centre psychiatrique, Diane fixera sur la pellicule leur beauté intérieure et leur joie un soir d'Halloween), les vieilles dames (endimanchées, raides dans leurs meubles comme dans un mausolée ; valsant et posant en reines déchues ; immobiles et dignes, attendant la mort telles des vanités de chair), les adeptes du genre en tout genre (travestis, hermaphrodites, garçonnes, transformistes...), les enfants et les bébés (qui pleurent, grimacent, menacent, bavent ; les jumeaux et les triplés), les aveugles, les gens du cirque et autres freaks (des nains, un géant juif, un homme criblé d'épingles, un avaleur de sabre, une femme obèse, des gens sans tête, un homme tatoué de corps et de visage)...
Diane Arbus au Jeu de Paume nous tend la paume pour explorer le monde avec ses yeux à elle, des yeux grand ouverts, des yeux qui toujours saisissent l'instant, cet instant éphémère où le temps s'arrête le temps qu'une émotion plie ou déplie un visage.

Un géant juif à la maison avec ses parents dans le Bronx, New-York, 1970
A propos de cette photo, Diana aurait dit à un ami  :
« Tu sais que toutes les mères font des cauchemars quand elles sont enceintes, qu'elles rêvent qu'elles accouchent d'un monstre ? Je crois que j'ai vu ça, sur le visage de la mère...».
En 2007, un tirage a été vendu 421 000 $ aux enchères.

Les photographies chics de Diane Arbus au Jeu de Paume

Un enfant avec une grenade jouet à la main dans Central Park, New-York, 1962Diane Arbus au Jeu de Paume, c'est également le monde du journalisme et de la mode, l'univers culturel des arts et des médias. Aussi quelques portraits de stars ornent-ils les murs : Marcello Mastroianni à moitié allongé sur un lit immaculé ; la doyenne Mae West façon grandeur et décadence, toute en frou-frou, en cheveux et en rides, qui fixe l'objectif avec l’œil malicieux d'une jeune première ; James Brown, chez lui, avec... des bigoudis ; Marcel Duchamp et sa femme Alexina Suttler, chez eux, partageant le même siège ; Norman Mailer, une cigarette à la main, vautré sur son gros fauteuil comme le mafieux du coin. De-ci de-là, quelques vues oniriques de Disneyland côtoient des photos de posters plaqués dans des halls d'immeubles. Un peu partout, enfin, le résultat de longues ballades dans Central Park et Washington Square, d'étonnants portraits croqués sur le vif : des couples de jeunes overlookés, maussades et désabusés ; une blonde peroxydée aux épaules voûtées, le regard perdu dans les fourrés ; des femmes aux lunettes plus extravagantes les unes que les autres. Il est vrai que pas bien loin, dans ces mêmes parcs, rôdent un aveugle, un homme très très très maigre, des enfants mijotant quelque mauvais coup, un jeune garçon à l'expression démente, une grenade en plastique à la main, un couple de lesbiennes vêtues en hommes, un trio de trisomiques faisant des roulades dans l'herbe fraîche... Rien n'est blanc, rien n'est noir, sauf les clichés noir et blanc de la magicienne Diane.

Les photographies chaudes de Diane Arbus au Jeu de Paume

Un couple nu enlacé sur un matelas ; un homme et une femme en cuir et en chaînes, dans des mises en scène SM ; une blonde vêtue de la tête aux pieds... sauf les seins ; une jeune fille torse nu assise sur son lit ; un nain mexicain dans les draps froissés de sa chambre d'hôtel ; une couple de femmes  posant bras dessus bras dessous aux pieds d'un lit défait ; un homme assis en porte-jarretelles, bas et soutien-gorge ; un transsexuel en costume d’Ève ; une petite fille assise dans un lit avec son petit-ami... La liste de ces moments d'intimité partagés est longue. Sans tabou ni voyeurisme, ces clichés de Diane Arbus au Jeu de Paume accrochent sans anicroche.

Auteur : Cécile Duclos

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Informations pratiques
Exposition Diane Arbus au Jeu de Paume
Dates : du 18 octobre 2011 au 5 février 2012.
Adresse : 1 place de la Concorde, 75008 Paris.
Horaires : mardi de 12h à 21h, du mercredi au vendredi de 12h à 19h, samedi et dimanche de 10h à 19h, fermeture le lundi.
Tarifs : entrée 8,50 €, tarif réduit 5,50 €.
Exposition organisée par le Jeu de Paume, Paris, en collaboration avec The Estate of Diane Arbus LLC, New York, et avec la participation du Martin-Gropius-Bau, Berlin, du Fotomuseum Winterthur et du Foam_Fotografiemuseum Amsterdam.

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Catalogue :
Réédition de Diane Arbus, 1972, coéd. La Martinière / Jeu de paume.
Pour mieux connaître la vie de Diane Arbus :
Diane Arbus, une biographie, Patricia Bosworth, Seuil, 439 pages.
Voir tous les produits (livres, films...) autour de Diane Arbus



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