Tout le monde connaît l’expressionniste avant-gardiste Edvard Munch, ses tableaux aux couleurs sauvages, ses coups de pinceau fougueux, ses tracés torturés. Mais qui a déjà vu ses photographies ? ses films amateurs ? ses sculptures ? Jusqu'au 9 janvier 2012, l'exposition Munch au centre Pompidou propose une expérience hors-du-commun : voir les choses autrement, au-delà des apparences et des idées reçues, devant et derrière l’œil moderne d'Edvard Munch, un visionnaire éclairé. 140 pièces (une soixantaine de toiles, une sculpture, une cinquantaine de photographies, quelques œuvres sur papier et sur bobine) pour dépoussiérer Munch, neuf thèmes pour saisir l'insondable norvégien, douze salles pour oublier Le Cri à Oslo et à Bergen... Pari ambitieux, pari gagné.
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Le saviez-vous ? Quand on a accusé Munch de fabriquer des tableaux à la chaîne, il s'est récrié : « Je n’ai jamais fait de copies de mes tableaux. Quand j’ai utilisé le même motif, c’est uniquement pour des raisons artistiques et pour approfondir le motif. », avant de citer Cézanne et Monet comme... contre exemples : « quand on voit des peintres peindre ad infinitum des pommes, des palmiers, des clochers et des meules de foin ». Ah ! Monet ! On se souvient très bien, en effet, de sa fratrie de meules de foin au Grand Palais, l'hiver dernier... .
Le saviez-vous ? Quand on a accusé Munch de fabriquer des tableaux à la chaîne, il s'est récrié : « Je n’ai jamais fait de copies de mes tableaux. Quand j’ai utilisé le même motif, c’est uniquement pour des raisons artistiques et pour approfondir le motif. », avant de citer Cézanne et Monet comme... contre exemples : « quand on voit des peintres peindre ad infinitum des pommes, des palmiers, des clochers et des meules de foin ». Ah ! Monet ! On se souvient très bien, en effet, de sa fratrie de meules de foin au Grand Palais, l'hiver dernier... .
Exploration et introspection : l'exposition Munch déstabilise
L'exposition Munch : de la Compulsion à l'Approfondissement
PROLOGUE et REPRISES, les deux premières salles de l'exposition Munch au centre Pompidou, donnent le ton : deux, trois, quatre fois... dix fois, le même motif revient. On s'arrête six fois au chevet de l’Enfant malade ; le Vampire se repait dix fois du sang de sa victime ; Le Baiser des amants commence devant une fenêtre, se poursuit sur la plage au clair de lune ; les Jeunes Filles traversent six fois le pont... Munch s'entraîne, recommence, copie, change, détaille, défait, refait, cherche, revoit, creuse, trouve, renonce, approfondit, s'enlise, s'envole, revient, repart... Quand on arrive dans la cinquième salle (EN SCENE) le temps s'arrête. Ce ne sont plus les répétitions qui sautent aux yeux, mais les différences. Les scènes se succèdent dans La Chambre verte comme au théâtre : une douce jeune fille se prostitue ; un mari jaloux imagine sa femme et son amant ; une meurtrière reste prostrée sur les lieux du crime. Et toujours, cette table ronde au premier plan, cette tenture verte qui étouffe les murs, cette banquette sur la droite. Décor d'une pièce de théâtre en plusieurs actes, la Chambre verte s'anime au fil des toiles et des drames qui s'y jouent.
L'exposition Munch : de l'Obsession à la Destruction
Avec la Femme en larmes de l'exposition Munch, la duplication atteint son paroxysme. Sur les murs et dans les vitrines de la sixième salle (COMPULSION), Rosa Meissner, le modèle du peintre, baisse la tête, debout nue devant un lit. Une fois, deux fois... à l'infini. Peintures, photographies, dessins, gravures, lithographies, sculpture... L'artiste multiplie les supports, sans relâche. La pièce est étouffante, on y respire aussi mal que dans un mausolée. Munch a-t-il réussi à immortaliser cette scène à force de la répéter ? A graver un morceau de présent dans le futur ? Quand on sait qu'il a songé à utiliser la sculpture de la Femme en pleurs pour décorer sa pierre tombale, on se dit que rien n'est impossible.
L'exposition Munch : de la Schizophrénie à l'Introspection
Dans la troisième et la dixième salle (AUTOBIOGRAPHIE et DESSINER, PHOTOGRAPHIER), le malaise prend une toute autre dimension. Munch est multiple, scindé. Combien d'autoportraits, photographiés à bout de bras ? Armé d'un Kodak, Munch expérimente, se regarde, se dédouble. Crise d'introspection. Que voit-il derrière le papier cartonné ? Dans la huitième salle de l'exposition Munch (L’AMATEUR DE CINÉMA), il revient devant l'objectif, celui d'une caméra amateur cette fois-ci, une « Pathé-Baby ». Il filme la ville, ses proches, puis il pose l'appareil et se poste devant. Que voit-il derrière la lentille de verre ? Le Dédoublement de Faust, qui n'attend que nous dans la pièce suivante, illustre à merveille cette scission psychique, l'impression qu'avait parfois le peintre de marcher à côté de lui-même.
Pulsions de vie, pulsions de violence : l'exposition Munch dérange
Dans la neuvième salle de l'exposition Munch (LE MONDE EXTÉRIEUR), l'artiste quitte son univers intérieur, oublie ses angoisses et les drames familiaux qui ont ponctué sa vie, pour se plonger avec volupté... dans le malheur des autres. Quand les flammes dévorent une maison, il court peindre la scène. Quand on exécute les communistes en Finlande, quand la panique s'emparent des rues à Oslo, l'inspiration gronde en lui. La violence des faits divers le nourrit. Voyeurisme morbide, pulsions de vie et de violence ; en 1902, il se blesse à la main d'un coup de revolver. Une dispute de couple qui aurait pu tourner au drame si la vie ne l'avait pas emporté sur la violence.Visions et hallucinations : l'exposition Munch rayonne
Hallucinations et dissection
À 45 ans, Edvard Munch passe 6 mois dans une clinique, à Copenhague : dépressif, il souffre de troubles nerveux et d'hallucinations. La quatrième salle de l'exposition Munch (L'ESPACE OPTIQUE), sans doute l'une des plus remarquables, nous ouvre les portes d'un monde troublant. Un tronc d'arbre jaune crève la toile, un cheval au galop se rue sur nous, la neige fraiche d'une avenue glisse à perte de vue, des travailleurs qui rentrent chez eux nous observent comme s'ils étaient derrière la fenêtre, les arbres se tordent dans le vent, le sang coule sur la table d'opération... L'imaginaire entre dans le réel, les frontières s'effondrent, les illusions d'optiques nous captent, la folie nous guette... et nous rattrape dans la septième salle (RAYONNEMENTS). Des fantômes flottent devant les femmes au bain, silhouettes transparentes et volatiles ; à peine esquissés, les enfants dans la rue perdent forme sous nos yeux ; l'ombre d'un visage traverse la nuit étoilée ; le soleil se métamorphose en œil monstrueux... Univers transparent, mouvant, rayonnant. Les ombres se parent de couleurs évanescentes ; l'éphémère flirte avec l'éternel, l'instabilité régit la matière ; la lumière brille à contre-jour. Univers des contraires : Munch joue avec les ondes, la rétine, les vibrations, la densité de la matière, les faux pas de la lumière. D'un coup de pinceau, il en extrait l'essence ; le chirurgien des couleurs opère.
L’œil moderne d'un visionnaire éclairé
À 60 ans, souffrant d'hémorragies oculaires, Munch doit réapprendre à voir, à regarder, à discerner. Des corps flottants envahissent son champ visuel, perturbant sa vision du monde, des autres et de lui-même. Les deux dernières salles de l'exposition Munch (TROUBLES DE LA VISION et LE REGARD RETOURNÉ) sont dédiées à cette période charnière et pourtant méconnue de l’œuvre du peintre. Ultime répétition, derniers autoportraits ; au seuil de la mort, l'artiste se consacre à son sujet de prédilection, lui-même. Sur son visage, il suit les ravages du temps, la progression de la maladie. Sur la toile, il peint ce qu'il voit à travers son œil malade ; la réalité n'a plus guère d'importance, ce qui compte, alors, c'est la façon dont on la perçoit. L'œil moderne de Munch, c'est ce regard-là, subjectif et personnel, sur toute chose ; ce même regard qui sera repris des années plus tard par le cinéma où l'on passe d'un point de vue à l'autre, la littérature polyphonique qui joue avec les voix, la musique contemporaine qui juxtapose les harmonies, et bien sûr, par la gigantesque toile Internet qui permet d'appréhender un événement des centaines et des centaines de fois différemment...
Auteur : Cécile Duclos
Fiche pratique
Exposition Munch au Centre Pompidou
L’œil Moderne
Adresse : place Georges Pompidou, 75004 Paris
Dates : du 21 septembre 2011 au 9 janvier 2012
Horaires : tous les jours, sauf le mardi de 11h00 à 21h00, nocturnes tous les jeudis jusqu'à 23h.
Tarifs : plein de 10 € à 12 €, réduit de 8€ à 9 €
Commissaires de l’exposition Edvard Munch, l’œil moderne : Angela Lampe et Clément Chéroux, conservateurs au Centre Pompidou.
L'exposition se poursuivra à la Schirn Kunsthalle de Francfort du 09 février au 13 mai 2012, puis à la Tate Modern de Londres du 28 juin au 12 octobre 2012.
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Le catalogue de l'exposition Edvard Munch au Centre Pompidou : Edvard Munch. L’œil moderne, éditions Centre Pompidou, 320 pages, septembre 2011. Voir tous les produits (livres, DVD...) autour d'Edvard Munch |
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