lundi 16 janvier 2012

L’expressionnisme à la Pinacothèque

L’expressionnisme à la Pinacothèque : Kirchner, Baigneuses (île de Fehmarn), 1912Jusqu’au 11 mars 2012, un courant artistique majeur est à l'honneur dans la capitale française, l'expressionnisme. A la Pinacothèque de Paris, l'exposition Expressionismus & Expressionismi (Berlin-Munich 1905-1920) présente près de 150 œuvres, des tableaux essentiellement, mais aussi des dessins, croquis, lithographies, gravures et sculptures. Son angle d'approche ? Une comparaison édifiante entre Der Blaue Reiter et Die Brücke, ses deux Écoles fondatrices. Les artistes exposés ? Franz Marc, Vassily Kandinsky, Marianne von Werefkin, Ernst Ludwig Kirchner, Erich Heckel, Emil Nolde, et bien d'autres.

Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Le saviez-vous ?
Der blaue Reiter est le nom donné par Vassily Kandinsky et Franz Marc à un recueil sur l'art moderne ; selon Kandinsky, ce titre a été choisi parce qu' « [ils aiment] tous les deux le bleu, Marc aimait les chevaux, [Kandinsky] les cavaliers ».
Van Dongen, qui a fait l'objet d'une très belle exposition Fauve, anarchiste et mondain au Musée d'Art moderne de la ville de Paris de mars à juillet dernier, s'est rapproché du groupe Die Brücke.

L’expressionnisme à la Pinacothèque de Paris : Die Brücke vs Der Blaue Reiter


Marianne von Werefkin, La Grand' route, 1907

Appelée Expressionismus & Expressionismi en référence à la manifestation Futurisme & Futurismi organisée à Venise en 1986, l'exposition consacrée à l’expressionnisme à la Pinacothèque de Paris s'articule autour d'un concept pertinent, la décomposition de ce mouvement allemand en deux courants fondamentaux, Die Brücke (en français, Le pont) et Der Blaue Reiter (en français, Le cavalier bleu). Les œuvres rassemblée à cette occasion, exceptionnelle, proviennent de plusieurs musées, allemands pour la plupart : le Museum de Wiesbaden, le Wilhelm Lehmbruck Museum de Duisburg, le Kunstmuseum de Gelsenkirchen, l'Osthaus Museum de Hagen, la Marianne Werefkin Foundation, le Leopold-Hoesch-Museum...

Die Brücke (Le Pont), subjectivisme et expressionnisme à la Pinacothèque

Kirchner, Scène de rue berlinoise, 1913Formé à Dresde en 1905 par Ernst Ludwig Kirchner, Fritz Bleyl, Erich Heckel et Karl Schmidt-Rottluff, Die Brücke (l'un des deux courants artistiques présentés dans l'exposition consacrée à l'expressionnisme à la Pinacothèque) migrera quelques années après à Berlin, où une exposition se tiendra en 1910. 
Les artistes de ce mouvement, parmi lesquels figurent également Emil Nolde, Max Pechstein et Otto Mueller, se laissent guider par leurs émotions, leurs sensations, leurs rêves, leurs perceptions. L'inspiration est psychologique et instinctive, la création, subjective. Les règles, conventions et autres carcans qu'impose la société n'ont pas lieu d'être, l'expression doit refléter la liberté de l'artiste. Le contenu prend l'ascendant sur la forme, entraînant, de fait, une relative simplification des œuvres : le trait est plus rapide ; les couleurs, vives et pures, sont peu mélangées ; les contrastes sont très marqués ; l'influence de l'art primitif est perceptible. 
Qualifiés de « dégénérés » par le régime national-socialiste, les acteurs controversés de ce groupe socialement engagé assisteront, impuissants, à la décadence pangermanique. En 1911, Emil Nolde se retire du mouvement ; deux ans plus tard, le mouvement disparaît, victime des désaccords de ses membres. 

Der Blaue Reiter (Le cavalier bleu), objectivisme et expressionnisme à la Pinacothèque

« Il vaut mieux ne pas jouer le rôle du temps, il travaille mieux que nous. » (Kandinsky)

August Macke, Femmes claires devant une boutique de chapeaux, 1913Fondé à Munich en 1911 par Vassily Kandinsky et Franz Marc, Der Blaue Reiter (l'autre courant artistique présenté dans l'exposition consacrée à l'expressionnisme à la Pinacothèque) organisera deux grandes expositions, en 1911 et en 1912. La première franchira les frontières allemandes (Munich, Cologne, Berlin, Francfort, Hambourg...) pour tourner en Europe (Budapest, Oslo, Helsinki...). La seconde, organisée dans le fief bavarois du mouvement, à Munich, réunira plus de 300 œuvres, dont certaines appartenant au courant antagoniste, Die Brücke. Parmi les artistes peintres qui rejoindront Der Blaue Reiter, citons : August Macke, Gabriele Münter, Paul Klee, ou encore Alexej von Jawlensky.
Composé d'intellectuels (penseurs, philosophes...) et d'artistes, Der Blaue Reiter s'appuie sur une démarche basée sur la théorie, la spiritualité, la recherche d'un idéal, d'une harmonie commune aux différentes disciples artistiques (musique, arts plastiques, littérature, etc.). L'inspiration est conceptuelle, la création, objective.

Franz Marc, Petite Composition III, 1913

L'une des plus grandes révolutions picturales du XXème siècle, l'abstraction, naîtra de ce courant allemand qui s'éteint avec la première guerre mondiale : Jawlensky et Kandinsky sont rapatriés de force en Russie, August Macke et Franz Marc meurent sur les champs de bataille.

Quelques bonnes raisons pour aller (re)voir l'exposition consacrée à l’expressionnisme à la Pinacothèque de Paris...

Macke, August Macke Nu assis à l’oreiller, 1911 L'exposition Expressionismus & Expressionismi, dédiée à l'expressionnisme à la Pinacothèque de Paris, met en exergue tant les divergences que les similitudes des deux principaux courants d'un seul et même mouvement, l'expressionnisme allemand. Des commentaires très complets (les biographies des artistes, disséminées au fil du parcours, sont les bienvenues !) même si parfois la traduction anglaise s'avère plus compréhensible que la version française quelque peu alambiquée, associés à un code couleur spécifique (chaque courant est ainsi identifié avec précision pour l'ensemble des œuvres) nous rappellent à tout moment en quoi artistiquement, politiquement, d'un point de vue théorique et matériel, les deux courants diffèrent et se rejoignent, tant dans les thèmes traités (nus, bestiaire, paysages, portraits...) que dans la gamme de couleurs, flamboyantes et inhabituelles.

Otto Mueller, Gitans, 1920Au sujet de la sélection des œuvres, si l'on déplore l'absence de célèbres toiles (où sont donc passés les chevaux bleus aux robes chatoyantes de Franz Marc ?) qui auraient illustré à merveille cette éclatante exposition, on retiendra tout de même la présence d'admirables pièces, parmi lesquelles : Le Chiffonnier (1917) de Marianne von Werefkin, un tableau intriguant, hypnotisant, aux couleurs aussi déconcertantes qu'harmonieuses ; le jeune couple de Gitans (1920) à la physionomie animale d'Otto Mueller ; la Femme nue allongée (1911) d'Hermann Max Pechstein, troublante dans son abandon ; le Nu assis à l’oreiller (1911), charnel et onirique, d'August Macke ; les Arabes III (1911) de Kandinsky, mêlant esthétisme et orientalisme ; Le Fou (1914), effrayant dans son réalisme, d'Erich Heckel ; et le Groupe d’artistes (Conversation d’artistes) (1913), aux traits vifs et acérés, d'Ernst Ludwig Kirchner.

Eve et l’expressionnisme : à la Pinacothèque de Paris, la peinture est aussi une affaire de femmes

« Pourvu que l'on ait une auge, on trouvera les cochons. »
(Alexandre Pouchkine)

Marianne von Werefkin, auto-portrait, 1910Parcourir l'exposition sur l’expressionnisme à la Pinacothèque, c'est également découvrir une poignée de  femmes peintres allemandes méconnues dont le travail s'inscrit dans cette époque charnière d'avant-guerre. Des femmes libres en apparence, tant dans leurs relations, leur vie privée que leur métier,  qui toutefois, ont toutes un point commun : un compagnon artiste peintre...
Élève du peintre Ilya Repine, Marianne von Werefkin (1860-1938) est d'origine russe. Quelques années après sa rencontre avec Alexi von Jawlensky (en 1892), celle à qui l'on doit Le Chiffonnier (1917), Jumeaux (1909), Dimanche après-midi (1908), Ville industrielle (1912), Avant la représentation (Cirque) (1908/1910) ou encore La Grand’ route (1907), entre dans le mouvement Der Blaue Reiter.

Gabriele MünterAppartenant au même courant artistique, Gabriele Münter (1877–1962) intègre en 1897 l'École d'art pour femmes de Düsseldorf, à défaut des Beaux-arts dont les femmes sont alors encore exclues. Après deux ans sur le sol américain, la Berlinoise s'installe à Munich en 1901. C'est là qu'elle rencontre Vassily Kandinsky, dont elle deviendra l'élève, puis la maîtresse jusqu'en 1917. Dans leur maison de campagne à Murnau, le couple reçoit maints artistes, dont Marianne von Werefkin et Alexej von Jawlensky, Franz Marc et August Macke. On doit à Gabriele Münter de nombreuses lithographies, des toiles expressionnistes comme Paysage au mur blanc (1910) ou Homme dans un fauteuil (1913), ainsi que certaines œuvres de Kandinsky qui, sans elle (et les caves de sa maison de campagne), auraient succombé à la seconde guerre mondiale.

Nathalie GontcharovaLa russe Natalia Gontcharova (1881-1962) (arrière-petite-nièce de l'épouse d'Alexandre Pouchkine), enfin, dont vous pourrez admirer l'huile sur toile Baignade (1911), étudie la sculpture et la peinture à Moscou. Sa rencontre avec le peintre russe Michel Larionov, avec qui elle partagera sa vie, marque un tournant dans sa carrière : elle se consacrera désormais au dessin, à la lithographie, aux décors de théâtre et de ballets, ainsi qu'à la peinture au travers de divers courants artistiques comme le cubisme, l'impressionnisme, le futurisme, le rayonnisme ou encore l’expressionnisme, avec le mouvement Der Blaue Reiter.

Auteur : Cécile Duclos

FNAC_expos2.gif
Informations pratiques (à propos de l'exposition sur l'expressionnisme à la Pinacothèque) :
Exposition  Expressionismus & Expressionismi (Berlin-Munich 1905-1920)
Dates : du 13 octobre 2011 au 11 mars 2012
Adresse : Pinacothèque de Paris, 28 Place de la Madeleine - 75008 Paris
Horaires : tous les jours de 10h30 à 18h30, nocturnes les mercredis et vendredis jusqu’à 21h.
Tarifs : entrée 10 €, tarif réduit 8 €.

Mon espace conso
Le catalogue de l'exposition :
Expressionismus & Expressionismi : Berlin-Munich 1905-1920 - Der Blaue Reiter vs Brücke, Marc Restellini et Raimund Stecker, Pinacothèque de Paris, 17 octobre 2011, 375 pages.
Voir tous les produits (livres, DVD...) sur le mouvement expressionniste
Le livret de l'exposition :
Expressionismus & Expressionismi : Berlin-Munich 1905-1920 - Der Blaue Reiter vs Brücke, Marc Restellini, Pinacothèque de Paris, 14 octobre 2011, 63 pages.
Voir tous les produits (livres, DVD...) sur le mouvement expressionniste



Articles liés

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire

 
Design by Free WordPress Themes | Bloggerized by Lasantha - Premium Blogger Themes | Best WordPress Themes