jeudi 5 janvier 2012

Oh my God !, l'hystérie au féminin

Oh my God !, l'hystérie au fémininQuand l'hystérie féminine s'invite dans les salles obscures, ça donne à peu près ça : « Aaaah yeeees Ohohohoooo hiiiii... Oh my God ! ». Enfin, pas quand on a pas affaire à A Dangerous Method de David Cronenberg, mais plutôt à Oh my God ! de Tanya Wexler, une comédie romantique rondement menée qui rend un vibrant hommage à l'invention de la savante mécanique orgasmique communément appelée vibromasseur. C'est face à la recrudescence de cas d'hystérie féminine à la fin du 19ème siècle que la médecine met en place ce remède infaillible. L'ustensile, qui fait une entrée fracassante dans les asiles d'aliénées et les cabinets médicaux, mettra plusieurs décennie pour se mettre au service... du plaisir seul.

Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Le saviez-vous ? Maggie Gyllenhaal est la soeur de l'acteur Jake Gyllenhaal.

Oh my God !, ou l'histoire d'un médecin aux doigts de fée qui avait une crampe à la main


Définition du mot hystérie (extrait) : « l'hystérie est une maladie particulière au sexe féminin ; c'est le plus souvent elle que l'on désigne vulgairement sous les noms de vapeurs, de maux de nerf, d'attaques de nerfs. Chez les femmes d'une forte constitution, elle cesse quelquefois spontanément par le mariage » (Dictionnaire de médecine, de chirurgie, de pharmacie, des sciences accessoires et de l'art vétérinaire, 1840)

Dans l’Angleterre victorienne, un jeune médecin, Mortimer Granville (Hugh Dancy), est initié au traitement de l'hystérie féminine par un spécialiste en mal de main d’œuvre, le Dr. Dalrymple (Jonathan Pryce). Ce dernier lui enseigne le plus naturellement du monde comment soigner ses riches patientes : de l'art et de la manière de stimuler avec doigté l'intimité des malheureuses pour apaiser leurs pulsions dévorantes. Dorénavant, c'est main dans la main que les deux compères élargissent leur clientèle. Mortimer, fort d'un physique avantageux, fait rapidement salle comble en mettant la main à la pâte. Toutes les hystériques de Londres se disputent les vaillants services de cette main de fer dans un gant de velours : dépressives, hypersensibles, femmes au foyer, veuves, jeunes filles irritables et grands-mères acariâtres, etc. Malheureusement, après un démarrage en grande pompe, la rançon du succès a un goût amer : une méchante crampe à la main lui fait perdre la main. Ces dames, mécontentes, se plaignent aussitôt au Dr. Dalrymple. Licencié sur-le-champ, Mortimer ne baisse pas les bras. Lorsqu'il revient proposer ses services, c'est armé d'un accessoire révolutionnaire élaboré par une main secourable, son meilleur ami, Lord Edmund St. John-Smythe (Rupert Everett), un Géo Trouvetou huppé aux mœurs libérées, qu'il conquiert haut la main la gente féminine : le premier vibromasseur. Est-il besoin de préciser que le curieux objet, originairement destiné au ménage (un plumeau tournant), fait très vite le bonheur des dames ?

La bande-annonce du film Oh my God !, tiré d'une histoire vraie :


Oh my God !, la main de Dieu à portée de main

« [Le médecin] ne peut comprendre l'hystérie, en face d'elle il est incompétent. Ce qui ne vous plaît guère quand on a l'habitude de tenir en haute estime sa propre science. Les hystériques perdent donc la sympathie du médecin, qui les considère comme des gens qui transgressent les lois (comme un fidèle à l'égard des hérétiques). Il les juge capables de toutes les vilenies possibles, les accuse d'exagération et de simulation intentionnelles ; et il les punit en leur retirant son intérêt. » (Sigmund Freud, Cinq leçons sur la psychanalyse)

Sigmund Freud Lorsque le Dr. Mortimer promeut son formidable dispositif sur le marché de la médecine, cela fait déjà plusieurs siècles que les scientifiques se battent contre leur pire cauchemar, l'hystérie. Personne ne sait comment traiter ce mal typiquement féminin, véritable fléau dans une société qui n'envisage la sexualité que d'un point de vue strictement masculin. C'est Hippocrate, le célèbre « père de la médecine », qui donne un nom à cette maladie polymorphe à partir de la racine grecque « hyster », désignant l'utérus. A l'époque, il faut en effet savoir que l'organe non fécondé était suspecté de terribles coups fourrés, qui prenaient la forme de déplacements intempestifs pouvant mener celui-ci jusque dans la gorge de la victime, provoquant au passage mille et un symptômes. Tandis qu'au Moyen Âge, la tolérance frise les 0% (nombre d'hystériques sont tout bonnement brûlées, puisque seules les sorcières considérées comme hérétiques ont une sexualité), au 19ème siècle, le débat est relancé : l'hystérie est-elle une maladie cérébrale, un désordre mental ou émotif, une névrose, une vaste supercherie ? Tandis que Charcot, Janet, Babinski, Breuer, Freud, Bernheim, éminents spécialistes parmi tant d'autres, se passionnent pour les troubles hystériques (hypnose, psychanalyse, médecine légale, observation...), dans les asiles et les cabinet médicaux, on opte pour une méthode radicalement différente : à l'image du jeune Mortimer, on éradique la douleur manu militari. Et lorsque les hommes répugnent à la tâche ou ne se montrent pas assez efficaces, ce sont les femmes qui prennent le relais en soulageant leurs consœurs avec bonne grâce et en toute solidarité, cela va sans dire.

Femmes hystériques Femmes hystériques
Femmes hystériques Femmes hystériques

Oh my God !, le combat des femmes de main


« L'opinion générale qui rattache l'hystérie aux troubles des fonctions des organes génitaux ou même à la rétention de la liqueur spermatique, a conduit les médecins, depuis les temps les plus reculés, à se livrer à des manœuvres, à des attouchements dont le moindre inconvénient est d'être le plus souvent inutiles » (Traité de Médecine pratique et de Pathologie iatrique ou médicale, Pierre-Adolphe Piorry, 1850)

Avec Oh my God !, Tanya Wexler abandonne les drames (Finding North (1998), Ball in the House (2001)) pour revêtir sa blouse de psychologue et s'essayer au jeu de la comédie, avec succès. Récompensée au Festival International du Film de Rome (2011, Prix du Public et Grand prix du jury), la jeune réalisatrice de ce film au sujet sulfureux n'y va pas de main morte quand il s'agit de bousculer les idées reçues. Non seulement une femme sexuellement insatisfaite a toutes les chances de tomber aux mains des démons de l'« hystérie », mais il s'avère qu'en plus, il y a beaucoup mieux que l'homme (mais si, médecins y compris) pour répondre à ses attentes : la mécanique. Lorsque le Dr. Mortimer sort l'arme magique, le verdict tombe : les exquises vibrations de la machine prennent immédiatement l'ascendant sur les charmes indéniables du jeune homme. L'ère industrielle, en libérant la main, semble favoriser le recul du patriarcat. La suffragette Charlotte Dalrymple (Maggie Gyllenhaal), une jolie jeune femme (dont le beau Dr. Mortimer rêve de demander la main) qui cumule deux handicaps, le socialisme et le féminisme, est d'ailleurs là pour nous rappeler qu'à cette époque, on se battait bec et ongles pour défendre la condition de la femme. Le plaisir, comme le droit de vote, étant une affaire d'hommes, les patientes du Dr. Dalrymple pouvaient bien s'égosiller dans son cabinet calfeutré, ruer des quatre fers, enchaîner les vocalises et les mugissements, ce ne pouvait être que les effets d'un traitement... purement médical.

Auteur : Cécile Duclos

La fiche du film Oh My God !, une comédie romantique britannico - américano - luxembourgo - franco - allemande  :
Titre original : Hysteria
Sortie en France : le 14 décembre 2011
Durée :  1 h 39
Réalisateur :   Tanya Wexler
Scénario :  Jonah Lisa Dyer, Stephen Dyer, Howard Gensler
Acteurs : Maggie Gyllenhaal (Charlotte), Hugh Dancy (Mortimer Granville), Rupert Everett (Lord Edmund St. John-Smythe), Jonathan Pryce (Dr. Robert Dalrymple), Felicity Jones (Emily Dalrymple), Ashley Jensen (Fanny), Sheridan Smith (Molly the Lolly).

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L'hystérie vue par Freud
Cinq leçons sur la psychanalyse : Suivi de Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique, Sigmund Freud, Payot, janvier 2010.

Quoi de plus naturel que de confier au fondateur même de la psychanalyse le soin d'exposer ses découvertes et leur signification ? Dans ces cinq conférences qu'il prononce, en 1909, à la Clark University, aux États-Unis, Freud s'adresse à un public de jeunes psychiatres et psychologues qui ignorent à peu près tout de ses travaux. Le style et le ton du propos sont donc particulièrement clairs et didactiques. Freud s'efforce de présenter un résumé très concis du savoir qu'il a acquis depuis plus de quinze ans : les travaux sur l'hypnose et l'hystérie, en collaboration avec Breuer ; la découverte de l'inconscient ; le rêve ; la sexualité infantile ; le transfert et la sublimation...



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