vendredi 3 février 2012

Magritte, le principe de plaisir

Palais Albertina, VienneLa neige autrichienne vous glace ? Un petit tour à Vienne, au palais Albertina où se tient jusqu'au 26 février 2012 la rétrospective Magritte, le principe de plaisir, et il n'y paraîtra plus ! A 2 heures de Paris (comptons 1h30 de vol sur Flying Nikki et 30 minutes entre la récupération des bagages et la ligne S7 direction Wien Mitte), nous voilà rendus dans le centre ville de la capitale, non loin d’Hofburg, les quartiers de l’impératrice préférée des Français. A quelques dizaines de mètres de là, se dessine l’escalier principal du palais Albertina, qui a revêtu pour l’occasion la partie basse de la célèbre toile de Monet, Les Nymphéas. On imagine le tableau, découpé en bandes égales et recouvrant les tranches des marches. De loin, fantastique et étonnant trompe-l’œil. Les visiteurs, qu’ils descendent ou montent l’escalier, donnent l’impression de glisser sur un pan vertical.

Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Le saviez-vous ? Le saviez-vous ? L'Albertina renferme l'une des plus importante collection d'estampes et de dessins du monde : Rubens, Dürer, Rembrandt, Michel-Ange, Schiele, Raphaël, Modigliani, Cézanne, Klimt, Léonard de Vinci...

Magritte, le principe de plaisir... avant, le plaisir

Monet, La Maison dans les roses, Albertina, VienneAprès un bref passage par la « galerie des glaces » où se reflètent des bronzes de singes humanisés, par la collection Forberg avec des œuvres allant de Fernand Léger à Otto Mueller, et par la collection permanente accueillant quelques œuvres de Picasso, Modigliani, Chagall, Klee et Monet, j’accède au dernier étage de ce palais, restauré en 2003 et qui a retrouvé son faste d’origine avec ses pièces d’apparat aux précieux mobiliers style Empire, aux splendides lustres étincelants, aux dorures et autres pâtisseries murales, aux tentures de soie chatoyantes, et aux sols somptueusement marquetés…
Là, m’attend l’une des expos les plus tendances du moment : Magritte, le principe de plaisir. Pour être tout à fait honnête, je ne suis pas une adepte du surréalisme et encore moins des œuvres de Magritte que je trouve trop faciles de sens, sans intérêt particulier et qui en plus n’évoquent rien chez moi. Quand en plus, je me retrouve dans cette expo après m’être levée à 5h du matin, avoir pris l’avion, les transports, le tout avec deux sacs à dos de trekking made in Quechua, retrouvé ma location d’appartement dans le Landstrasse, mangé vite fait les sandwichs de l’avion sur le quai du métro, je n’ai guère d’espoir quant à mon appréciation finale…

Otto Mueller, Zwei Akte im Freien, 1918-1923, Albertina, Vienne

Et l’a priori est tenace, les préjugés pugnaces. Comme je viens de le préciser, je faisais bien partie de ceux qui considéraient que l’œuvre de Magritte était dénuée d’intérêt et surtout pas très variée, entre tous ces bonhommes aux chapeaux melons, toutes ces pommes aux multiples visages, ces naïfs nuages colombes moutonneux, et toutes ces pipes qui n’en sont pas (genre l’habit ne fait pas le moine, faut pas croire tout ce qu’on dit et tout ce qu’on voit, ce qu’on voit n’est pas nécessairement la vérité et le vrai, etc., etc.). J’ai envie de dire : « Oui et, what else ? ».

Magritte, le principe de plaisir : de Dali à Lynch

Mais tout cela c’était avant que je ne pénètre à proprement parler dans l’exposition consacrée au peintre, Magritte, le principe de plaisir. Avant que je ne m’enfonce malgré moi dans un monde pas si suranné, pas si naïf, et plus profond que je ne le pensais. Des corps décapités et ensanglantés dès la première salle, des toiles qui déjà mettent mal à l’aise. Alors certes, il y a bien les œuvres qui ont rendu l’artiste célèbre, et ces œuvres que l’on voit partout (un peu comme Klimt et son Baiser) tels que Le Fils de l’Homme, La Trahison des Images (avec le fameux Ceci n’est pas une pipe), Golconde, Le beau monde, Les marches de l’été, Le Prêtre Marie, L’Homme au Chapeau, Décalcomanie, Le Viol… Mais il y a également d’autres œuvres plus méconnues (même si les amateurs du peintre me contrediront certainement), comme Modèle Rouge, Les Amants, La Philosophie dans le boudoir, L’Homme du Large, Le Domaine Enchanté, Le Tombeau des lutteurs, L’Art de La Conversation, L’Assassin menacé, œuvres qui se distinguent des précédentes (à mon goût, bien sûr) par leur côté obscur, sombre, déjanté, surréaliste, version Magritte Versus Dali. Et c’est en cela que j’ai été agréablement surprise par l'exposition Magritte, le principe de plaisir qui, malgré tout, rassemble plus de 150 œuvres provenant du monde entier, affiches, photos et toiles : j’y ai trouvé deux dénominateurs communs qui ne me sont pas dénués d’intérêt : Salvador Dali et David Lynch.

René Magritte, L assasin menacé, 1927 - New York, The Museum of Modern Art © Charly HERSCOVICI Brüssel - 2011 © VBK Wien, 2011

Magritte, le principe de plaisir au-delà du réel

Des aspirations communes (n’oublions pas que Dali et Magritte sont tous deux des surréalistes qui puisent leur inspiration dans le monde des rêves et même au-delà) et des thèmes récurrents comme le passage du temps, la vie, la mort, la rupture, l’absurdité de notre cheminement sur terre, la révélation… Questions métaphysiques auxquelles on est certes continuellement et constamment renvoyées, mais qui s’imposent ici avec clarté, évidence, concision, et paraissent tellement parlantes et criantes de vérité ! La Mémoire, Le Libérateur, Les promenades d’Euclide, Le Temps Menaçant sont autant de toiles évocatrices de toutes ces questions et de ces fatalités qui, brusquement, transpirent en un coup de pinceau magistral. On retrouve également les thèmes chers au réalisateur David Lynch (qui du coup apparaît davantage comme un surréaliste post Magritte dont il a pu s’inspirer) : la porte, ce passage entre le réel et l’imaginaire, voyage initiatique entre le domaine des vivants et celui des morts, le monde du rêve et de l’inconscient, un monde aux frontières du réel, un monde d’illusions et de mystères, de secrets et d’hallucinations, un monde sans queue ni tête dans tous les sens du terme.

René Magritte, Le noctambule, 1928 - Essen, Museum Folkwang © Charly HERSCOVICI Brüssel - 2011© VBK Wien, 2011

En images, présentation de l'exposition Magritte, le principe de plaisir à l'Albertina :


Magritte, le principe de plaisir au-delà de la pipe

Je traverse les salles, sans cesse étonnée par les toiles jusqu'alors inconnues pour moi, en me demandant bien où j’étais passée lors des rares cours d’éducation artistique à l’école… A l’écart, dans une des pièces de l’exposition Magritte, le principe de plaisir, je suis intriguée par la présence d’une alcôve, fermée de chaque côté par des rideaux de fils, et qui ne renferme rien d’autre qu’une petite collection d’œuvres coquines, franchement érotiques pour ne pas être plus explicite. Là aussi, bien que je n’adhère pas artistiquement à ce que je vois, je suis une nouvelle fois stupéfaite. Magritte n’est donc plus pour moi l’homme guindé à la pomme, au chapeau melon et à la pipe, fade et insignifiant, qui croit donner un sens à ce qui n’en n’a pas. Non, on l’aura compris, j’ai été agréablement surprise de découvrir un artiste dont j’étais à mille lieux de soupçonner la créativité, la subtilité et la profondeur, de découvrir une variété de toiles, pour la plupart plus barrées et déjantées les unes que les autres, de découvrir une collection riche, de par la quantité d’œuvres exposées et de par sa qualité (même si c’est clair, les affiches de pipes, de bidets et autres objets du quotidien qu’il détourne, me rebutent toujours). Alors pour ceux que ça intéresse – ou qui veulent voir des gens tomber de l’escalier du palais –, ça se passe en ce moment et jusqu’au 26 février au palais Albertina de Vienne.

René Magritte, Les Amants, 1928 - New York, The Museum of Modern Art. Gift of Richard S. Zeisler © Charly HERSCOVICI Brüssel - 2011 © VBK Wien, 2011

Auteur : Karine Morel

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Informations pratiques :
Exposition Magritte, le principe de plaisir :
Dates : jusqu'au 26 février 2012
Adresse : Palais Albertina, Platz 1, 1010 Vienne
Horaires : tous les jours de 10h à 18h, nocturnes le mercredi jusqu’à 21h
Tarifs : entrée 11 €, étudiants 8 €, gratuit pour les moins de 19 ans

Crédit photos :
René Magritte : Der bedrohte Mörder/L'assasin menacé, 1927 (New York, The Museum of Modern Art © Charly HERSCOVICI Brüssel - 2011 © VBK Wien, 2011)
René Magritte : Der Nachtschwärmer/Le noctambule, 1928 (Essen, Museum Folkwang © Charly HERSCOVICI Brüssel - 2011© VBK Wien, 2011)
René Magritte : Die Liebenden/Les Amants, 1928 (New York, The Museum of Modern Art. Gift of Richard S. Zeisler © Charly HERSCOVICI Brüssel - 2011 © VBK Wien, 2011)


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René Magritte : pour tout savoir
Magritte, Vienne, de David Sylvester, Actes Sud, juin 2009, 440 pages.
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René Magritte : l'essentiel
René Magritte, 1898-1967, de Marcel Paquet et René Magritte, Taschen, avril 2000, 96 pages.
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