lundi 2 juillet 2012

Terre d'accueil

Caspar David Friedrich, Cimetière d'un cloître sous la neigeDans son célèbre poème Une Charogne, à la vue d'un corps décomposé, « une charogne infâme », Baudelaire imagine sa bien-aimée, « au détour d'un sentier », 36 pieds sous terre : «  Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces, après les derniers sacrements, quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses, moisir parmi les ossements. ». Terre d'accueil, le poème du jour, célèbre à son tour, entre boue noire et herbe folle, les mortelles amours terrestres.

Terre d'accueil


La terre t’a bu amour la terre t’a bu

Goutte après goutte et l’incarnat
Dans tes veines glacées l’a mu
En un réseau bleu sous ton front délicat
Les diamants sous tes paupières
En granit les a changés
Et ta peau chaude hier
En mue de serpent inhabitée

La terre mon aimé s’est emparée
De tous tes creux pour les boucher

Pleine ta bouche de sève amère
Au goût d’écorce de conifère
Emplis tes yeux qui ne peuvent voir
Désormais que l’infini du soir
Et tes mains jadis tendue vers l’espoir
Griffent désormais une boue noire

Mon amour la terre t’a avalé
Mangé châtré décortiqué
Saigné désossé éventré pourri

Ton amante d’après-vie
Dans son insatiable vagin t’a englouti
Sable humus et poussière seront le lit
De ta dernière nuit de noce
Dont naîtra rejeton précoce
Un pied d’herbe folle ou de colchique

Fruit inévitable des amours telluriques


Auteur : Eva Cordel



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