vendredi 8 février 2013

Interview d'Alice Russell : la voix de la soul, l'ivresse du gospel

Interview d'Alice Russell : la voix de la soul, l'ivresse du gospelDans les rues de Paris, on se bouscule, on klaxonne ; c'est l'heure de pointe, ce moment tant redouté où le temps s'emballe, plongeant la ville toute entière dans une étrange frénésie. Pourtant, une fois franchies les portes de l'hôtel de la rue de Charonne où nous retrouvons Alice Russell, l'agitation, le bruit, les lumières ne sont plus qu'un lointain souvenir. Dans la cafétéria, la diva blonde dont la voix d'Afro-américaine au grain unique en a fait craquer plus d'un – Gilles Peterson, Quantic, ou encore Gnarls Barkley pour ne citer qu'eux –, nous raconte avec un sourire désarmant la naissance de son 5ème album studio To Dust (à paraître le 25 février prochain), précédé du premier single Heartbreaker (déjà sorti en 4 versions différentes : originale, acoustique, Falty DL remix et Yakine Remix), entre ruptures et périodes difficiles, soul, gospel et foi, la Reine d'Angleterre et Harry Shearer (avec ou sans soutien-gorge), révoltes et réseaux sociaux, compassion et égalité, Brighton et Londres... Interview d'Alice Russell, la voix de la soul, l'ivresse du gospel !

A lire : Alice Russell en concert à la Bellevilloise

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Bonus : A la question « Avez-vous des anecdotes à nous raconter à propos de votre dernier album To Dust ? », Alice Russell répond :
C'est toujours difficile, ce genre de questions (rires) ! Il faut se remémorer tout ce qu'il s'est passé... Il y a eu plein de choses drôles, bien sûr, et je pourrais vous faire des révélations... Je vais y réfléchir (rires) !

Interview d'Alice Russell pour son nouvel album To Dust

« Ce qui est important pour moi, même si on ne sait pas vraiment ce que l'on fait dans ce monde, c'est la foi – et l'expression de cette foi – , dans la vie, dans toute chose. »

Comment s'est déroulée la création de votre nouvel album To Dust ?
J'ai commencé à écrire cet album, à travailler chaque morceau avec TM Juke [NDLR : de son vrai nom Alex Cowan] il y a deux ans, dans notre studio à Brighton. C'était une période assez stressante pour moi ; non seulement nous étions en pleine tournée, mais en plus – et ça me paraît encore complètement fou ! –, quelqu'un n'a pas été très honnête avec moi. Quoi qu'il en soit, après coup, nous avons retravaillé la plupart des chansons dans un autre studio, à Londres. Nous avons passé beaucoup de temps à peaufiner les morceaux, à tester différentes versions.

Passage obligé pour entrer dans la 3ème dimension : une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan (en carton, ça suffit). Pour entrer dans la 3ème dimension, une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan suffit (n'hésitez pas à cliquer sur l'image pour l'agrandir).

Parlez-nous du titre de l'album « To Dust ».
Nous avons choisi ce titre après avoir composé tous les morceaux, parce qu'il traduisait très bien la situation d'alors. Comme je l'ai dit, c'était une période très stressante pour moi, et ce titre, To Dust, correspondait très bien à ce que je vivais. J'étais un peu désabusée ; plus on me mettait de bâtons dans les roues, plus, finalement, je devenais insensible... Dans cet album, plusieurs titres abordent des sujets liés à ce que je ressentais à ce moment-là.

Quelle est la place du gospel dans cet album, et dans votre vie ?
Ce qui me plaît le plus dans le gospel, c'est l'harmonie, le rythme et la passion des fidèles, palpable. D'un point de vue personnel, si la spiritualité tient un rôle important dans ma vie, je ne suis pas du tout religieuse. Ce qui est important pour moi, même si on ne sait pas vraiment ce que l'on fait dans ce monde, c'est la foi – et l'expression de cette foi – , dans la vie, dans toute chose. Que l'on comprenne les paroles ou non, ce genre de musique vous frappe de plein fouet. Elle vous prend aux tripes, et c'est pour cette raison que j'adore le gospel.

Interview d'Alice Russell : la voix de la soul, l'ivresse du gospel

Comment avez-vous découvert cette musique-là ?
Pas à l’Église, parce que ce que l'on jouait, alors, c'était très vieille Angleterre (rires) ! Non, j'ai découvert le gospel à la radio, quand j'étais jeune ; j'écoutais des morceaux de soul, des chanteurs de gospel, d'autres groupes de musique, aussi... Et j'adorais le gospel d'Aretha Franklin !

Interview d'Alice Russell, de la rupture à la révolte

« Avec Twitter et Facebook, on ne peut plus rien cacher. Le gouvernement n'a plus la possibilité de dissimuler ce qu'il se passe dans le monde (...) et c'est ça qui fait le pouvoir du peuple aujourd’hui. »

Harry Shearer [NDLR : acteur, compositeur, producteur, réalisateur et scénariste américain] a joué dans le clip d'Heartbreaker, le premier single extrait de votre nouvel album To Dust. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Harry Shearer et moi, nous sommes deux enfants de la musique ! C'est à Londres que nos chemins se sont croisés, il y a quelques années. Il était venu me voir en concert avec Judith [NDLR : sa femme, Judith Owen] et depuis, nous sommes restés en contact. Aujourd'hui, nous sommes devenus de très bons amis ! D'ailleurs, sa femme et son fils ont tous les deux de très belles voix jazz.

Pouvez-vous nous parler du tournage du clip d'Heartbreaker ?
C'est Steve Glashier, le directeur artistique de l'album – un autre de mes amis – qui m'a proposé qu'Harry collabore à cet album. Alors je le lui ai demandé et Harry a immédiatement accepté. Heartbreaker est une chanson assez triste ; elle parle de la fin d'une relation, de ce moment fatidique où il n'y a plus rien à faire, nulle part où aller, où c'est tout simplement terminé. Je trouve que souvent, les clips musicaux sont ennuyeux. Pour Heartbreaker, je voulais quelque chose de complètement différent, avec du peps. Voilà pourquoi j'ai choisi Harry (rires) ! Il a été fantastique ! Et très courageux ! Quand il s'est déguisé pour me ressembler, il a même enfilé mon soutien-gorge (rires) !

Interview d'Alice Russell : la voix de la soul, l'ivresse du gospel

Pourquoi avoir choisi le thème de la rupture amoureuse pour Heartbreaker ?
Heartbreaker n'est pas uniquement une chanson d'amour ; elle aborde la rupture dans les relations en général, pas seulement au sein du couple. Parfois, c'est la communication qui est à l'origine d'un échec. On pense que l'on comprend ce que l'autre veut dire mais ce n'est pas le cas, et chacun se referme sur lui-même. Et lorsque la communication ne passe pas, on n'arrive pas à laisser tomber, on reste dans l'attente... Mes chansons, bien souvent, ne sont pas des chansons d'amour ; ce sont les relations humaines qui m'intéressent.

Deux titres, Hard and Strong et Citizens, parlent de révolte. Comment est né Hard and Strong ?
La première fois que j'ai écouté ce morceau, Hard and Strong, c'était dans la rue. J'ai adoré, et immédiatement, l'idée m'est venue d'une révolte, comme ces soulèvements auxquels on a pu assister, par le passé, en Angleterre. Aujourd'hui, avec Twitter et Facebook, on ne peut plus rien cacher. Le gouvernement n'a plus la possibilité de dissimuler ce qu'il se passe dans le monde. Quand quelque chose dérape, tourne mal, les gens peuvent filmer, partager sur Internet. Quels que soient les évènements d'ailleurs, rien ne peut empêcher les gens de diffuser la parole, et c'est ça qui fait le pouvoir du peuple aujourd’hui.

Et Citizens ?
Pour Citizens, l'idée est venue d'Alex [NDLR : Alex Cowan, TM Juke], que j'aime énormément ! Encore une fois, il s'agit de ne pas tomber dans le piège. Il ne faut pas se laisser faire, mais se lever et continuer à lutter.

Interview d'Alice Russell : la voix de la soul, l'ivresse du gospel

Qui sont les citoyens dans ce texte ?
Tout le monde, vous, moi... Au bout du compte, qu'est-ce qui nous sépare ? Quelle différence y a-t-il entre vous et moi ? Il faut toujours se mettre à la place des autres, et traiter son prochain comme on aimerait soi-même être traité. La compassion est capitale, il faut rester humain.

Interview d'Alice Russell, de la liberté à l'égalité

 « Certaines personnes traitent les autres comme des moins que rien, et le pire, c'est que cela arrive souvent ! C'est l'un des messages que j'aimerais beaucoup faire passer : nous sommes tous égaux. »

Si votre album était une émotion ou un sentiment, ce serait ?
Je pencherais plutôt pour un sentiment, car les sentiments naissent avant les émotions. Les émotions, quand elles prennent forme, intellectualisent les sentiments, plus profonds. En ce qui me concerne, je chante de façon très instinctive, sans trop réfléchir. Les sentiments précédent donc l'écriture des paroles. Quant au sentiment qui aurait inspiré cet album... Un sentiment de liberté ? Je dirais la liberté de ressentir de la compassion. Comme je l'ai dit, il ne faut jamais oublier qui l'on est, ni la façon dont on traite son prochain. Certaines personnes traitent les autres comme des moins que rien, et le pire, c'est que cela arrive souvent ! C'est l'un des messages que j'aimerais beaucoup faire passer : « nous sommes tous égaux ».

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Un évènement ?
Un rêve avec une fête ? Oui, une fête dans un rêve ! « Bonjour ? Est-ce que tout ceci est bien réel ? (rires) »

Un lieu ?
Je n'y suis jamais allée, mais j'adorerais voyager au Brésil (rires) ! Il y a tellement d'endroits où j'aimerais aller ! Avoir de l'espace !...

Vous souvenez-vous de votre premier coup de foudre musical ?
J'ai longtemps été amoureuse de musique classique avant de craquer pour la soul, parce que j'ai toujours baigné dans cet univers-là. Mais l'un des premiers morceaux qui m'a vraiment frappée, c'est Sex Machine de James Brown. Je me souviens encore du jour où je l'ai entendu pour la première fois à la radio. Je me suis dit : « Qu'est-ce que c'est que ça ? ». Je devais avoir 7 ou 8 ans, et ça m'a fait complètement halluciner ! J'ai probablement dansé comme une idiote en l'écoutant, comme on le fait à cet âge-là (rires). Et c'est à partir de ce moment-là que j'ai vraiment commencé à m'intéresser à la musique soul.

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Quels sont vos compositeurs de musique classique préférés ?
J'adore Schubert et Bach, ils sont imbattables !

Si vous pouviez demander à n'importe quel poète d'écrire le texte de votre prochaine chanson, vous choisiriez ?
Pablo Neruda ! J'adore ses poèmes, je les trouve incroyables.

Interview d'Alice Russell, le secret d'une voix...


« Quand je chante, c'est avec mon cœur. Je suis persuadée que ce que je ressens se transmet à ma voix. »
Quel est le secret de votre voix incroyable ?
Le lait (rires) ? Plus sérieusement, je pense qu'être à l'écoute de mes émotions suffit. Certaines personnes détestent que je dise ça – mon copain, par exemple –, mais j'ai toujours été quelqu'un de très expressif. Notre voix, c'est un outil de communication, et je suis quelqu'un d'ouvert, je parle beaucoup avec mes amis. Quand je chante, c'est avec mon cœur. Je suis persuadée que ce que je ressens se transmet à ma voix.

Interview d'Alice Russell : la voix de la soul, l'ivresse du gospel

Jouez-vous toujours du violoncelle ?
Oh non (rires), j'ai arrêté ! La guitare aussi, d'ailleurs.

Vous n'avez plus le temps d'en jouer ?
Ces derniers temps, je ne suis pas beaucoup restée à la maison. Mais j'adorerais m'enfermer pendant 6 mois pour répéter, et jouer de mes instruments !

Mais vous pouvez très bien emporter votre violoncelle en voyage, non (rires) ?
Ah, c'est un peu ça le problème ! Ce n'est pas vraiment un instrument que l'on transporte facilement (rires) !

Ne plus jouer de violoncelle, est-ce que cela vous manque ?
Oui, bien sûr, c'est un très bel instrument.

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Que pensez-vous de cette citation d'Oscar Wilde : « Il est humain de tuer l'être que l'on aime » ?
C'est une excellente citation ! Oscar Wilde a une plume très juste. L'être humain est en constante contradiction avec lui-même, beaucoup de ses citations illustrent très bien cette idée-là. Vous voyez ce que je veux dire ? Nous voulons cela, mais nous faisons ceci. C'est le tandem de la vie (rires) !

Si vous pouviez changer une chose dans le monde, ce serait ?
Plein de choses ! Une seule chose ?... Oh ! Mon Dieu !… La liberté pour tout le monde ? Liberté de penser, de s'exprimer. Il y a encore tellement de gens qui empêchent les autres de s'exprimer librement, qui oppriment leurs semblables. Mais je vais approfondir la question, ce soir, dans mon lit (rires) !

Demain, justement, vous vous réveillez dans la peau de la Reine d'Angleterre. Quelle est la première chose que vous faites ?
La Reine d'Angleterre ? Oh non (rires) ! Je n'aurais certainement qu'une envie, faire à nouveau partie du peuple ! Mais je prendrais du champagne avant, que je partagerais avec le peuple (rires). Ah non, avant toute chose, je rendrais le trône (rires) !

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Et les bijoux de la couronne ?
(rires) Non, les bijoux, je les partagerais avec le peuple.

Pour terminer, quels sont vos projets pour l'avenir ?
Encore plus de musique ! Et de voyages aussi ! J'aimerais partir en tournée avec Alex, aller voir Quantic en Colombie. Nous voulons faire un album au Brésil tous les deux ; c'est un pays où je rêve de mettre les pieds depuis que je suis toute petite. J'aimerais aussi écrire des paroles de chanson, seule. Et jouer du violoncelle ! Ah, et apprendre l'espagnol parce mon copain est espagnol – enfin, moitié anglais, moitié espagnol – !

Interview réalisée le 21 novembre 2012 par Raquel De Los Santos

Alice Russell, To Dust, février 2013
Crédit photos : Cécile Duclos, pour la Toile de Pandore

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Le dernier album d'Alice Russell :
To Dust, Alice Russell, DIFFER-ANT, février 2013.
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