
Le Noyer
Le noyer derrière la maison : corps en fourreau noir éclaté sous combien d’aiguilles de soleil et de glace successives ?
Camouflé par vent froid sous des chevrons de brume, l’arbre aux os saillants ne voit plus les astres s’accrocher à son faîte. Désir de se fondre à la voilure du ciel trop bas et de courir les nuages en fuite. Enveloppé par l’aventure des saisons, année après année, il sombre un peu plus sans savoir d’où sa perte est venue : les feux ou les gels ?
A regarder le noyer, un autre temps épaissit la vue : quand l’eau de la source proche, prise à l’étau des grandes herbes, étourdissait l’écorce battante.
Mais les hautes heures humaines ont ourdi contre l’arbre un complot de longue haleine, et ont dérangé parmi d’autres son silence végétal. La source, à conjuguer le cours de sa vie selon plis sans poissons et boueux reflets, a fini par décliner.
Qui d’autre que la brise d’hiver saurait faire bouger la mort ? La carcasse du noyer, à l’aplomb du temps, oscille et vibre et enfreint la terre elle-même – comme si.
Jusqu’au jour où fauchant la friche et le temps
Que la pie quitte son refuge et franchisse la colline de biais
L’un s’en vienne avec une hache – et le jour décapité par une harmonie exagérée envahira d’une mort horizontale le noyer.
Auteur : Eva Cordel

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