lundi 26 mars 2012

Wallis Bird, un oiseau au paradis

Wallis Bird, Crédit OellermannEnregistré entre l'Allemagne, l'Angleterre et l'Irlande, le nouvel album de Wallis Bird, dans les bacs aujourd'hui même, le 26 mars 2012, cultive la beauté foudroyante, inquiétante et lumineuse d'un éclair dans un ciel d'été. Bousculé, saisi, séduit, on se surprend à frissonner sous l'effet grisant de cette étonnante pulsion de vie, palpable, que la jeune irlandaise instille dans sa musique. Un élixir de vie à l'état brut, c'est le trésor caché de cet album éponyme qui vient confirmer le talent explosif d'une chanteuse à l'avenir plus que prometteur.


Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Bonus : En images, Encore, le film (Berlin, été 2011) :


Wallis Bird, l'étoile venue d'Irlande

« Le talent, c'est le relief donné à la platitude. » (Jean Cocteau)

Comme Obélix, Wallis Bird tombe toute petite dans la musique (pas la soupe) : à six mois, gratte grattouille, elle chatouille sa première guitare. Bon, à cet âge-là, c'est un jouet comme les autres, mais l'instrument devient très vite, comme elle l'explique elle-même, une « extension de son corps ». Et lorsqu'enfant, elle voit sa main gauche mutilée dans un accident de tondeuse, elle réagit aussi sec : finies les guitares de gaucher, elle jouera désormais sur des guitares de droitier... retournées à l'envers. Unique, son jeu fait aujourd'hui le bonheur des magazines de gratteux et de nos insatiables oreilles, émoustillées par le panel sonore d'un répertoire inhabituel.

Passage obligé pour entrer dans la 3ème dimension : une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan (en carton, ça suffit).
Pour entrer dans la 3ème dimension, une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan suffit (n'hésitez pas à cliquer sur l'image pour l'agrandir).

Mais repartons quelques années en arrière. A 17 ans, Wallis Bird quitte les bancs de l'école pour s'installer à Dublin avec une idée en tête, se lancer dans la musique. Pari insensé ? Si la jeune fille commence sa carrière dans les bars et les pubs de la capitale irlandaise, ce n'est que le début de l'aventure. Sa musique fait rapidement des émules, en Irlande comme en Allemagne et en Angleterre, elle enregistre EP et albums, assure des premières parties prestigieuses (Billy Bragg, Gabrielle...), part en tournée solo et enchaîne les dates dans les plus grands festivals européens (Montreux Jazz Festival, Pukkelpop, Eurosonic Festival, Oxegen Festival, Rock En Seine, Lowlands...). Partout où elle se produit, Wallis Bird met le feu aux planches, insufflant une telle énergie dans ses tours de chant qu'il faut le voir pour le croire...

Sur cette vidéo, Wallis Bird chante An Idea About Mary en concert :


La suite de l'aventure ? Ses deux premiers albums ayant cartonné dans les charts anglo-saxons, Wallis Bird rafle deux Meteor Awards dans son pays natal : en 2009, celui de l'Espoir de l'année ; en 2010, celui de la Meilleure artiste féminine irlandaise. Le Monde voit en elle l'une des révélations du festival Rock en Seine. L'Irish Times déclare que son : « énergie viscérale pure pourrait relancer une économie tout entière. ». La critique est unanime : Wallis Bird fait partie de ces artistes sur lesquelles il faudra compter dans les années à venir.

Wallis Bird, un album éponyme

« L'histoire est un perpétuel recommencement. » (Thucydide)

La plupart du temps, lorsqu'un album éponyme sort, il s'agit du premier. Pour Wallis Bird, c'est le troisième. Après Spoons et New Boots, c'est son nouvel album qu'elle baptise de son nom, gage de la place très spéciale qu'il occupe d'ores et déjà dans la discographie de la jeune artiste.
Enregistré dans trois pays différents, Wallis Bird prend racine dans un monde écartelé, au bord du chaos, où l'on continue pourtant à aimer, à pleurer, à rire, à faire la fête, à se battre... L'enregistrement commence en Irlande, dans un cottage isolé, coupé du reste du monde. Dehors, la tempête fait rage. Seule avec les fantômes de son enfance, Wallis Bird compose. Puis elle part à Londres, dans son appartement, où elle poursuit l'enregistrement. Dehors, les émeutes dévastent Brixton. Dans la tourmente, Wallis Bird écrit. Avant de partir à Berlin pour s'installer dans une station radio de l'ancienne DDR. En tendant l'oreille, on pourrait presque entendre la propagande que diffusait le gouvernement de la station avant la chute du mur.
Dans chacun de ces lieux marqués par l'histoire, quelle soit grande ou petite, aussi différents qu'intimistes, Wallis Bird capture sa voix, sa guitare folk où l'on entend ses doigts glisser, pincer et frapper les cordes, d'autres instruments acoustiques, électriques, mais aussi une multitude de bruits extérieurs, organiques, mécaniques, tous ces sons qui, enchaînés les uns aux autres, immergés dans une mixture musicale, créent leur propre partition.

Wallis Bird, Crédit Oellermann

Anatomie d'un album viscéral : Wallis Bird

Avant de déposer religieusement le disque dans la platine, regardez la pochette de l'album. C'est là que se trouve la clef, celle qui ouvre la cage, celle qui mène au paradis. Pour entrer dans la musique, pour que la musique entre vous, fermez les yeux, comme Wallis Bird sur la photo, comme Wallis Bird, parfois, lorsqu'elle chante. C'est la voie privilégiée de l'écoute, celle qui vous enverra valser dans les airs avec les oiseaux et vous abandonnera, lessivé, sur le canapé. Les paupières closes, les émotions jaillissent de toute part. Les instruments, un à un, trouvent une place dans l'espace. Chaude, granuleuse et déchirante, la voix de Wallis Bird rebondit contre les murs. Les cordes des guitares vibrent sous la peau. Les percussions cognent dans la poitrine. La musique vit, se vit, fait vivre, qu'on l'écoute ou qu'on en joue.

Wallis Bird : de l'ouverture à Encore

« Notre vie n'est que mouvement. » (Montaigne)

Wallis Bird s'ouvre sur Dress My Skin And Become What I'm Supposed To, une ballade acoustique fleurie d'arpèges, où des craquements de vieille TSF (de micro que l'on branche ?), en arrière plan, créent une tension qui ne cesse de monter jusqu'au bouquet final, une explosion de guitare électrique, chœurs et claquements de mains, qui annoncent l'énergique I Am So Tired Of That Line. Voix puissante et éraillée, rythme soutenu qui fait la part belle aux guitares et à la basse, la foule qui bruit, un électrophone qui crachote : rock 'n' roll is back ! Et quand retentit l'annonce « a train is coming » [NDLR : un train arrive], on s'y croirait : la locomotive à vapeur grignote les rails, les pistons tambourinent, l'air s'écrase sur les vitres... ça y est, on est parti ! Et ça tombe bien parce que c'est au tour d'Encore, le premier single de l'album, de déverser ses riffs accrocheurs sur un leitmotiv parfaitement approprié : « stop running !» [NDLR : arrête de courir !]. Mais le train est lancé, et à quelle vitesse !... La vie passe trop vite, on ne prend le temps de rien, on court dans tous les sens, mais... pour aller où ? 

En images, le clip d'Encore (le titre que nous a joué Wallis Bird en session acoustique) qui a été tourné à Berlin :


Wallis Bird : de Take me home à Heartbeating City

« La musique est la langue des émotions.  » (Emmanuel Kant)

« Take my hand... » [NDRL : Prends ma main], « jump with me » [NDRL : saute avec moi]: Take Me Home se termine sur un cri de douleur, poussé par des chœurs au bord des larmes. Arrive alors In Dictum, notre premier coup de cœur. Baigné par une pluie d'arpèges sur les couplets, relevé par des riffs de guitare et quelques percussions, magnifié par la voix enveloppante de Wallis Bird, ce morceau acoustique où flotte le spectre de Leonard Cohen s'écoute, est-il besoin de le préciser ?, avec les tripes. Tout comme la chanson suivante, Ghosts Of Memories, dont le refrain, ravagé par les guitares électriques, réveille nos souvenirs enfouis. « I'm not afraid » [NDRL : je n'ai pas peur] : à fleur de peau, l'émotion nous gagne. 
Notre deuxième coup de cour ? Heartbeating City. Bruitages, claquements de mains et hop, la machine est lancée ! Et à 100 à l'heure s'il vous plaît ! Entraînant et joyeux, ce morceau aux vagues relents rockabilly donne envie de faire la fête et par dessus tout, de profiter de la vie, la vie d'Encore qui passe beaucoup trop vite. 

Wallis Bird : de Who's Listening Now à Feathered Pocket

« Esclaves, ne maudissons pas la vie. » (Arthur Rimbaud)

Dans Who's Listening Now, on retrouve le son des bons vieux vinyles, avec en option une épaisse couche de rock (punk ?), des guitares saturées, une basse qui balance et une batterie qui pilonne. Et si sur le refrain la voix de Wallis Bird se brise, c'est pour mieux crier. La révolte gronde, la révolution approche. Dans un micro qui grésille, la chanteuse scande : 
Who's got the monney, who's got the rules ?
(…) It's the same old story, as a matter of fact
(...) If you keep on pushin' people then they're gonna push back
(…) Let's take the monney, let's take the rules 
[NDRL : Qui a l'argent ? Qui définit les règles ?
C'est toujours la même histoire, c'est un fait
Si vous n'arrêtez pas de pousser les gens, ils risquent de vous pousser à leur tour
Prenons l'argent, définissons les règles]

But I'm Still Here, I'm Still Here ramène le calme. Des grésillements filtrent toujours la voix mais celle-ci, empreinte de tristesse, s'est radoucie. Instruments acoustiques – guitare, piano, clochettes... –, mélodie efficace : c'est notre troisième coup de cœur.
I've got numbers of friends I don't like,
I've got numbers and most are my ennemies,
I've got one thing to say for I'm drunk again,
Oh it burns, oh it hurts...   
[NDRL : J'ai beaucoup d'amis que je n'aime pas,
J'en ai beaucoup et la plupart sont mes ennemis,
J'ai une chose à dire, car je suis ivre à nouveau,
Oh ça brûle, oh ça fait mal...]

Au son des clochettes, le morceau s'arrête comme une boîte à musique. Qui ralentit, ralentit, jusqu'à la fin. Et lorsqu'on remonte le mécanisme, on découvre, enchanté, notre quatrième coup de cœur : Feathered Pocket. « Give me a little kiss on my lips » [NDLR : Donne-moi un petit baiser sur les lèvres] : légère et feutrée, la voix de Wallis Bird s'enroule, joueuse, dans les cordes des guitares.

Wallis Bird, Crédit Oellermann

Wallis Bird : Polarised

« Les histoires d'amour finissent mal en général »
(Les Histoires D'A, Les Rita Mitsouko)

Une machine rouillée qui grince dans le blizzard, une réverbération poussée dans ses retranchements, une voix dévastée qui chante comme d'autres pleurent... Allez, on l'avoue, c'est un nouveau – et un cinquième ! – coup de cœur. Ça fait beaucoup pour un même album, c'est vrai, mais qu'y faire ?...
Comme toutes les histoires d'amour, Polarised se termine dans la douleur :

I don't wanna touch anyone,
don't want to kiss,
don't want to hug,
don't wanna speak,
don't want to love,
don't want to sleep,
I wanna wake up with you
[NDLR : Je ne veux toucher personne,
ni embrasser
ni prendre dans mes bras,
ni parler,
ni aimer,
ni dormir,
je veux juste me réveiller avec toi]

Profondément émouvante, cette dernière chanson est à l'image de l'album, palpitante.

Si vous vous demandez : mais quel est donc le secret de Wallis Bird ? Voici un indice : le mélange. De styles, tout d'abord (la chanteuse qualifie son style d'« aveugle » tant il se nourrit d'influences diverses) : folk, pop, rock, reggae, funk, blues, etc. Puis d'atmosphères : ballades poignantes, morceaux enfiévrés, voix tantôt grave et vibrante, d'une intensité singulière, tantôt aigüe et douce comme une caresse. D'humeurs enfin : de l'énergie brute au calme tumultueux, Wallis Bird passe de la plus profonde mélancolie à une euphorie tapageuse, de la colère à la passion, de l'espoir au désespoir. Car la jeune artiste ne s'embarrasse d'aucune contradiction, faisant souffler un irrésistible vent de liberté sur son passage.

Auteur : Cécile Duclos

Wallis Bird, Wallis Bird, 26 mars 2012.
Crédit photo : Oeellermann.

Retrouvez Wallis Bird sur le web : sur son site officiel, sur wikipedia, sur myspace et sur facebook.

Wallis Bird sera en concert le 4 avril au Nouveau Casino, à Paris.

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Le dernier album de Wallis Bird :
Wallis Bird, Wallis Bird, Karakter Worldwide, 26 mars 2012.
Voir tous les produits (CD, mp3, collectors...) autour de Wallis Bird



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