lundi 2 avril 2012

Wallis Bird, l'interview exclusive

Wallis Bird, crédit OeellermannC'est par une belle journée d'hiver que nous rencontrons Wallis Bird, de passage à Paris à l'occasion de la sortie (le 26 mars 2012) de son nouveau disque Wallis Bird. Passionnée et enjouée, rayonnante et désarmante, la jeune artiste nous parle de son album éponyme et de son dernier single Encore ; de bruits qui deviennent musique et d'objets (canapé, sacs en plastique, plumes, chaise...) instruments ; de son jeu de guitare hors-du-commun ; de l'Irlande, son pays natal, de Londres et des émeutes de Brixton, de Berlin, du communiste et de la propagande ; de balance et d'équilibre ; des voyages et du travail ; du latin et d'Ulysse ; des vibrations bienfaitrices de la guitare ; du cadeau qui a changé sa vie, bébé ; de Fukushima et de troisième guerre mondiale ; de fêtes et de famille ; de réalité parallèle et de... piscine. Wallis Bird, l'interview exclusive !


Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Bonus : Wallis Bird en concert avec Blossoms In The Street :


Un album, une artiste : Wallis Bird, l'interview croisée

« Quand j'écris, j'entends toute la chanson dans ma tête, la totalité de l'orchestration, et je sais quels instruments sont utilisés. Je n'ai plus, alors, qu'à tout retranscrire. »

Votre dernier album, Wallis Bird, sort le 26 mars prochain. Comment sa création s'est-elle déroulée ?
J'ai travaillé sur cet album pendant un peu plus d'un an, de 2009 à 2011. Je l'ai enregistré dans trois pays distincts, à diverses périodes de l'année pour obtenir des atmosphères variées. Cet album parle essentiellement de ma culture, de mon point de vue sur la société moderne. Cette vision est très large, c'est la compilation d'idées de nombreuses personnes très différentes, des très riches aux très pauvres, en passant par la presse, les politiciens... Il y a donc moins d'histoires d'amour et de gaité que dans les albums précédents, et beaucoup plus de parenthèses silencieuses, de confusion et de contradictions.

Passage obligé pour entrer dans la 3ème dimension : une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan (en carton, ça suffit).
Pour entrer dans la 3ème dimension, une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan suffit (n'hésitez pas à cliquer sur l'image pour l'agrandir).

Avez-vous tout écrit vous-même, la musique et les paroles ?
Oui, les deux fonctionnent ensemble pour moi, et sont tout aussi importantes ; lorsque j'écris une chanson, ce n'est pas la musique d'un côté, et les paroles de l'autre. Les deux viennent en même temps. Quand j'écris, j'entends toute la chanson dans ma tête, la totalité de l'orchestration, et je sais quels instruments sont utilisés. Je n'ai plus, alors, qu'à tout retranscrire. Ensuite, je vais voir mes musiciens et ensemble, on assemble les morceaux.

Y a-t-il un état d'esprit, une humeur plus propice à la composition ?
Quand on écrit trop la nuit, on se rend vite compte que ça a été écrit la nuit (rires) ! Et c'est la même chose quel que soit le moment de la journée, quelle que soit l'humeur (si l'on est triste par exemple), etc. Écrire est une question de balance pour moi, comme la vie d'ailleurs. Pour comprendre entièrement le côté sombre des choses, il me faut d'abord profiter pleinement des bons côtés, des côtés merveilleux, beaux et dépaysants de la vie. Mon album précédant étant plutôt survolté et enjoué, je ne voulais pas reprendre cette route-là. J'ai joué ces chansons pendant deux ans et aujourd'hui, je ne ressens plus les mêmes choses. Pour mon nouvel album, j'ai décidé d'écrire sous différentes humeurs et dans diverses situations pour « rééquilibrer la balance », et puis j'ai essayé de ne rien enlever à mes chansons pour les laisser ouvertes à toute interprétation.

Pouvez-vous nous parler de l'enregistrement de votre dernier album, Wallis Bird, entre l'Irlande, Londres et Berlin ?
L'enregistrement a débuté en Irlande, au cours de l'hiver 2009. Pendant une dizaine de jours, j'ai commencé à composer dans un cottage complètement isolé, perdu au milieu de nulle part, sans téléphone, sans Internet, sans rien du tout en somme (rires) ! Il neigeait, j'étais toute seule et il y avait plein de bruits, cela m'a inspirée : à force d'écouter tous ces sons extérieurs, j'ai voulu les utiliser, les intégrer dans mes chansons au même titre que ma voix ou les instruments de musique. J'ai donc libéré suffisamment d'espace pour les accueillir. C'est ça que j'aime vraiment, ce qui reflète la vraie vie, la mienne. Parfois, c'est incroyablement calme et à d'autres moments, c'est terriblement bruyant (rires) ! Voilà pour l'Irlande. Je suis ensuite rentrée à Brixton, dans mon appartement. Brixton est un quartier de Londres pas tout à fait comme les autres : c'est très bruyant, dément et violent, il y a beaucoup de drogue, de passion... Et à moment-là, il y avait les émeutes. Beaucoup de gens qui fuyaient la police se sont réfugiés chez moi. Alors nous nous sommes posés et nous avons parlé de ce qu'il se passait dans le monde. Nous nous sommes demandés pourquoi nous étions tous aussi perdus, désorientés. Cette période de troubles m'a permis d'écrire de nouvelles paroles de chansons. Puis je suis partie à Berlin pour terminer l'enregistrement, dans un bâtiment communiste. Là, l'histoire nous a rattrapés : la propagande, les informations falsifiées, la pauvreté, les habitants de l'Est berlinois aux prises avec un monde extérieur qu'ils ne se connaissaient pas... C'était extrêmement intéressant pour moi !

Wallis Bird, crédit Oeellermann

Sur cet album, y a-t-il une chanson qui vous touche plus particulièrement ?
Il y en a une qui a toujours été très importante pour moi, et pour diverses raisons, c'est Take me home. C'est la chanson la plus ancienne de l'album – elle a 9 ans ! – ; je l'avais déjà enregistrée plusieurs fois mais ça n'allait jamais, le timing n'était jamais le bon. Pourtant, à chaque fois, j'essayais à nouveau. Et maintenant, fait étrange !, les paroles ouvrent, en quelque sorte, sur une nouvelle vie. Elles m'évoquent bien plus de choses qu'il y a 9 ans, c'est un grand pas en avant ! J'ai l'impression d'avoir grandi, même si pour parvenir à ce résultat, j'ai dû passer énormément de temps sur ce morceau. Il a fallu beaucoup de travail pour que les paroles reflètent très exactement ce que je désirais, un travail très intéressant.

Suite à la sortie de votre nouvel album Wallis Bird, vous allez repartir en concert (vous jouerez à Paris le 4 avril au Nouveau Casino). Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette nouvelle tournée ?
Oui bien sûr ! D'ici à la fin de l'année, il y aura environ 80 dates en Europe. C'est fantastique ! Jouer dans de nouveaux pays comme l'Espagne, l'Italie, les Balkans !... Partir en tournée, c'est très intense, en tout cas pour moi ! On joue tous les jours et pourtant, ce n'est jamais pareil, c'est à chaque fois différent. Être sur la route, c'est vraiment super !

Encore, le 1er single de Wallis Bird : l'interview entre deux courses

« Ce que j'aimerais, en ce moment, dans ma vie, c'est arrêter de courir. Arrêter, ralentir et prendre le temps de regarder en arrière. »

Pouvez-vous nous parler de votre premier single Encore ?
Encore part d'une idée très simple : « arrête-toi, réfléchis quelques instants : où en es-tu ? qu'as-tu fait ? pourquoi as-tu pris cette direction ? sais-tu où tu vas ? est-ce vraiment là, où tu veux aller ? Stop. Pense à tout ce qui est arrivé dans ta vie, ouvre les yeux. ». Les couplets sont très puissants, ils bougent beaucoup, ils sont très rythmiques. Pour moi, c'est comme ça, la vie. Il faut continuer, toujours. Parfois c'est calme, parfois instable et agité, parfois ça roule tout seul. Encore est une traduction directe du « son de ma vie ». Et ce que j'aimerais, en ce moment, dans ma vie, c'est arrêter de courir, courir, courir... Arrêter, ralentir et prendre le temps de regarder en arrière.

Wallis Bird, crédit Oeellermann

« Encore » est un mot français...
Ah oui, je croyais que c'était aussi un mot latin (rires) ! Mais oui, bien sûr, c'est un mot français. 

Pourquoi avoir choisi ce mot ?
« Encore » est un mot que j'utilise beaucoup, je trouve qu'il est très fort. De plus, l'idée d'avoir différents langages dans l'album – comme le latin ! – me paraissait intéressante. Et puis « encore » est un très beau mot, tout simplement, et « encore » signifie aussi « revenir ».

La musique avant tout : Wallis Bird, l'interview a cappella

« La guitare, c'est définitivement une extension de mon corps ! »

Comment décririez-vous votre univers musical ?
Je crois que la meilleure façon de le définir, c'est dire qu'il est « aveugle de style ». J'ai beaucoup voyagé, alors il y a énormément d'influences différentes : rock, pop, jazz, folk, dub, reggae... et plein d'autres choses encore !

Parlez-nous de vous et de la guitare...
Je joue sur une guitare folk pour droitier – comme n'importe quel droitier ! –, sauf que je la retourne comme ça [NDLR : la corde la plus aigüe vers le bas, la main droite plaquant les accords, la gauche pinçant les cordes]. J'obtiens ainsi des sons différents. Je joue beaucoup avec les cordes graves, aussi. Et puis je suis très énergique avec les guitares, j'aime jouer fort, attaquer les cordes pour obtenir un maximum de son.

Quand avez-vous appris à jouer de la guitare ?
Oh ! Je suis entourée de guitares depuis que je suis tout bébé (rires) ! A 6 mois, j'avais ma première guitare ; c'était un cadeau. Bien sûr, à 6 mois, je ne pouvais pas encore jouer (rires) ! Mais il y a toujours eu des guitares autour de moi, appuyées contre ma poitrine, avec moi... Et quand je ne me sens pas très bien, avec une guitare, ça va tout de suite mieux. Je pense que c'est à cause des vibrations qui viennent de la caisse, de l'intérieur de l'instrument. Oui, je crois que la guitare, c'est définitivement une extension de mon corps !


Jouez-vous d'autres instruments de musique ?
Oh oui ! Je joue de plein d'autres instruments. Je joue de la basse, de la batterie, un peu de piano, du violoncelle, du violon, je commence la trompette... J'apprends juste, vous savez, mais j'adore les instruments de musique ! Et puis j'aime l'idée des sons mécaniques, je pense que tout est instrument potentiel, comme cette chaise, par exemple. Sur mon album, je joue avec un canapé, des sacs en plastique, des plumes... Tout ce qui peut produire des sons, pour moi, est un instrument.

Quand avez-vous su que vous vouliez être une artiste ?
Quand j'ai compris que je ne ferai rien d'autre, je pense (rires)! A 17 ans, quand j'ai quitté l'école, je ne voulais pas d'un emploi « classique » comme tout le monde. Je voulais partir, voyager, découvrir le monde. Pour moi, la vie ce n'est pas seulement travailler ; vivre, travailler, manger, mourir... Ce n'est pas ma vision de la vie, même si beaucoup de gens voient les choses ainsi. Certains pensent que c'est comme se rebeller contre l'idée que l'on ne peut pas vivre sans argent, sans maison, sans voiture, etc. Mais tout cela, ça ne s'est juste jamais appliqué à moi, et j'ai toujours fait ce que je voulais faire. La musique n'a jamais cessé de m'accompagner, alors voilà, c'est la vie que je mène aujourd'hui. Et puis demain, tout peut changer. Qui sait ? Si on a un Fukushima sur les bras, je deviendrai peut-être infirmière...

Que ressentez-vous quand vous jouez sur scène?
J'ai l'impression d'être dans une réalité différente, c'est comme dans un rêve. Et je me sens tellement mieux quand je suis sur scène qu'au fond, pour moi, ma vraie réalité c'est peut-être sur scène.

Wallis Bird, l'interview d'une jeune Irlandaise à Londres

« En Irlande, les gens aiment boire, faire la fête, ils célèbrent la mort comme ils célèbrent aussi la vie, c'est extraordinaire ! »

Vous avez grandi en Irlande. Quels souvenirs gardez-vous de cette période de votre vie ?
D'excellents souvenirs ! L’Irlande est un petit pays, très accueillant, avec beaucoup, beaucoup de musique. Beaucoup d'art aussi, et un patrimoine historique très riche, avec un vrai mélange culturel. Aujourd'hui, avec la récession qui est aussi mauvaise qu'en Grèce, nous sommes à nouveau très pauvres, c'est donc un moment particulièrement favorable pour l'art. Les gens oublient l'argent et retrouvent leurs racines. Et puis j'ai une famille formidable –  une grande famille ! –, j'ai énormément de chance ! L’Irlande est un pays fou, très très très fou (rires) ! Et très ouvert ! Les gens aiment boire, faire la fête, ils célèbrent la mort comme ils célèbrent aussi la vie, c'est extraordinaire !

Wallis Bird, crédit Oeellermann

Vous vivez à Londres ; pouvez-vous nous parler de votre vie là-bas ?
Londres est une ville très différente de Paris. C'est beaucoup plus « business, business, business », « cours, cours, cours »... Il se passe toujours plein de choses, tout va extrêmement vite. Et puis ça coûte tellement cher de vivre là-bas, que ça manque parfois de créativité artistique... Mais ce qui est bien, d'un autre côté, c'est que ça vous pousse vraiment à travailler ; vous ne pouvez pas vivre à Londres sans travailler. C'est très vert, aussi ; il y a beaucoup de parcs, l'architecture est très belle, et il y a plein de cultures différentes, de petites villes dans la ville ! J'adore ça. A Londres, vous finissez toujours par trouver votre petite ville à vous.

Quels sont vos écrivains ou vos livres préférés ?
Oh génial (rires)! Margaret Atwood, Jonathan Safran Foer, George Orwell et beaucoup d'autres ! J'ai lu tellement de livres cette année !... Il y a aussi Malcolm Gladwell... Mon Dieu (rires) ! Qui d'autre ?... Cette année, je vais lire Ulysse de James Joyce.

Quel est votre rêve le plus fou ?
Mon rêve le plus fou ? Bonne question (rires) !... Ah oui ! J'ai rêvé que j'étais une piscine (rires). Je sentais les rinçages, les clapotis contre mes carreaux – qui étaient en fait ma peau –. J'étais une piscine intérieure de 100 mètres de long et l'eau était froide par endroit, là où c'était le plus profond. Quand une cinquantaine de personnes de tous les âges, des enfants comme des grands-mères, ont couru pour me sauter dedans, je me relaxais tranquillement... J'ai senti les gens à l'intérieur de moi, c'était incroyable (rires) !

Vos projets à court, moyen, long terme ?
Je ne fais pas de grands projets, la vie est tellement changeante ! Je vis au jour le jour. Ce que j'aimerais vraiment faire, quoi qu'il arrive, c'est sortir mon album [NDRL : c'est fait, et avec succès !] et voyager. Ne serait-ce que cette année, j'ai vu une bonne vingtaine de pays. Et puis je crois qu'avec le temps, mon projet à plus long terme, c'est tout simplement être en vie l'année suivante. Un jour, bien sûr, j'aimerais aussi avoir une famille, et que tout le monde soit heureux et en bonne santé. Qu'il n'y ait pas de troisième guerre mondiale, non plus, ou quelque autre catastrophe, et que je puisse continuer à jouer de la musique !

Interview réalisée le 22 février 2012 par Cécile Duclos

Wallis Bird, Wallis Bird, 26 mars 2012.

Retrouvez Wallis Bird sur le web : sur son site officiel, sur wikipedia, sur myspace et sur facebook.
Crédit photo : Oeellermann.

Wallis Bird sera en concert le 4 avril au Nouveau Casino, à Paris.

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Le dernier album de Wallis Bird :
Wallis Bird, Wallis Bird, Karakter Worldwide, 26 mars 2012.
Voir tous les produits (CD, mp3, collectors...) autour de Wallis Bird



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