jeudi 31 mai 2012

Interview d'Half Asleep, la Vierge noire de Belgique

Interview d'Half Asleep, la Vierge noire de BelgiqueInterviewer Valérie Leclercq, fondatrice d'Half Asleep, c'est comme plonger en haute mer, l'été, par une nuit d'orage : impossible de savoir ce qui nous attend, c'est une expérience à part, d'une pureté troublante, comme sa musique, étonnement vivante, viscérale. Un an après la sortie de son dernier album Subtitles for the Silent Versions, Valérie Leclercq nous parle de songwriting acoustique, d’édifications vocales, d’ambitions classiques et de chanson lyrique, de flûte traversière, de cithare, de clarinette, de guitare et de piano, mais aussi de Nico, de Nina Simone, de Billie Holiday et de Delphine Dora, de frontière entre le jour et la nuit, de conscience et de subconscient, de lumière et d’obscurité, des plus grandes beautés et des tristesses les plus insondables, de plénitude, de temps suspendu, de noirceur et de terreur, de cauchemar, de désert de terre rouge et de ces quelques secondes de calme qui précèdent l’explosion du combat, d’Iris Murdoch et de Bergman, de répulsion, de dissolution et de féminité gentille-jolie, d'enjeu émotionnel et d’émotion forte, de chair, de sang et d’intestins, d’Emily Dickinson, de Virginia Woolf, d'Harold Pinter et d'Anne Carson, d’art médiéval et religieux... Interview d'Half Asleep, la Vierge noire de Belgique.

Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Bonus : A la question « Qu'est-ce que vous détestez par dessus tout ? », Valérie Leclercq répond :
Je ne suis pas vraiment quelqu’un qui déteste. Ou du moins, je déteste me montrer comme quelqu’un qui déteste (oh la pirouette !). Il y a certaines choses que je déteste, pas des gens, mais je les garde les plus inoffensives possibles : la flûte de pan dans la banque de données des synthétiseurs, par exemple, ou le goût de la Spiruline en poudre, ce genre de choses.

Half Asleep, un univers musical en constante mutation

« Half Asleep pourrait être défini comme du songwriting acoustique, enluminé d’édifications vocales et infusé d’ambitions classiques. »

Comment décririez-vous votre univers musical ?
Ah ça, c’est toujours un exercice difficile. D’autant plus qu’un univers musical est souvent en constante mutation. Ou en tout cas, j’ai l’impression que c’est le cas en ce qui me concerne. Souvent je parle simplement de « songwriting », ce qui permet de se défiler à l’obligation des catégorisations et invite simplement à suivre les aventures d’une personnalité musicale. Mais évidemment, tout ceci est très vague. Aujourd’hui, Half Asleep pourrait être défini comme du songwriting acoustique, enluminé d’édifications vocales et infusé d’ambitions classiques.

Passage obligé pour entrer dans la 3ème dimension : une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan (en carton, ça suffit).
Pour entrer dans la 3ème dimension, une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan suffit (n'hésitez pas à cliquer sur l'image pour l'agrandir).

Quelles sont vos influences musicales ?
Elles sont pour le moins vastes et variées. Et ont beaucoup évolué au fil du temps. Nico et Robert Wyatt restent cependant depuis une dizaine d’année mes deux grandes figures tutélaires ; j’admire énormément leurs parcours respectifs, leurs personnalités musicales extrêmement fortes, qui les font exister un peu dans les marges des courants musicaux de ces quatre dernières décennies. Par ailleurs, j’ai écouté beaucoup de musique indé, beaucoup de folk bizarroïde des sixties et seventies, le jazz vocal de Nina Simone, Jeanne Lee, Patty Waters, Billie Holiday. Je suis aussi depuis trois ou quatre ans absolument obsédée par la musique vocale classique et contemporaine. Et par ailleurs, je me dois également d’admettre une dette d’inspiration à certains artistes « amis » dont la démarche farouchement personnelle me touche beaucoup, comme Delphine Dora, Angil ou Liam Singer.

Half Asleep, à la frontière de l'absolu

« L’endormissement et le sommeil sont bien plus qu’une simple absence de conscience, de passion, éloignée de la turbulence du jour. Au contraire, il y a là tout ce qui fascine, une fantastique matière à travailler musicalement : les plus grandes beautés, mais aussi les tristesses les plus insondables, la plénitude, le temps suspendu, mais aussi la noirceur et la terreur. »

Pourquoi avoir choisi Half Asleep comme nom de scène ?
Je sais qu’à l’époque où j’ai choisi ce nom, l’aspect « frontière » que cet état – à moitié endormi – impliquait m’intéressait beaucoup, entre le jour et la nuit, la conscience et le subconscient, la lumière et l’obscurité. C’est aussi un joli bâton pour se faire battre, comme n’arrêtent pas de le répéter les chroniqueurs, mais j’en ai pris mon parti. Parce qu’elle n’est pas excitée du fronton, la musique « calme » que je fais peut endormir, je le conçois, sans vraiment m’en offenser car, si l’on réfléchit bien, l’endormissement et le sommeil sont bien plus qu’une simple absence de conscience, de passion, éloignée de la turbulence du jour. Au contraire, il y a là tout ce qui fascine, une fantastique matière à travailler musicalement : les plus grandes beautés, mais aussi les tristesses les plus insondables, la plénitude, le temps suspendu, mais aussi la noirceur et la terreur.
Vous jouez parfois avec Oriane, votre sœur. Pouvez-vous nous en parler ?
Même si Half Asleep est un projet résolument solo, Oriane y est associée depuis le commencement. Ma vie musicale a toujours inclus ma petite sœur, a toujours été portée par son soutien inconditionnel. Oriane est ma première auditrice, celle qui comprend où je veux en venir, et quand elle le peut, elle vient me prêter main forte, surtout en concert, au début en usant de quelques instruments (batterie, guitare), aujourd’hui principalement, en m’accompagnant à la voix.

Half Asleep

Pouvez-vous nous résumer la carrière musicale d'Half Asleep ?
Half asleep est né en 2002, dans ma chambre. A l’époque, j’avais un autre groupe, mais qui ne progressait pas assez vite à mon goût, et j’ai commencé à créer des petites choses pour moi, à côté. Et ces petites choses ont grandi, grandi, jusqu’à prendre toute la place. En 2003, j’ai sorti deux disques (Palms and plums et Just before we learned to swim) enregistrés de façon très brute chez moi, ma sœur intervenant de temps en temps sur l’un ou l’autre titre. En 2005 est sorti un troisième disque, (We are now) seated in profile, produit dans des conditions un peu plus « professionnelles » et dont Subtitles for the silent versions est le successeur. Half asleep a travaillé avec beaucoup de labels différents, ou pour ainsi dire avec presque tous ceux qui m’en ont exprimé l’idée : en France, avec Another Records, Hinah, et aujourd’hui, We are Unique ! Records ; en Belgique, avec Matamore recordings, puis actuellement, Humpty Dumpty Records. J’ai toujours eu beaucoup de chance dans mes rencontres avec gens-là, avec ceux qui ont décidé à un moment ou à un autre de s’investir et d’investir dans ma musique, et je leur en suis très reconnaissante. Quant aux concerts, je n’en fais jamais énormément, et toujours de façon éparpillée, mais j’adore ça, même si ce n’est pas toujours une sinécure.

Subtitles for the Silent Versions, le dernier album d'Half Asleep

« La musique d’Half Asleep n’est pas bruyante, mais je ne la considère pas non plus comme douce, apaisante ou relaxante. L’enjeu émotionnel qu’elle représente pour moi est bien trop fort et violent. Et je la sens bien mieux représentée par un dessin qui est un coup de poing dans le ventre que par une petite miniature jolie. »

Quelles ont été vos sources d'inspiration dans l'écriture des textes de votre denier album Subtitles for the Silent Versions ?
En anglais, mon écriture est, je crois, complètement anti-factuelle et anti-narrative. Je suis incapable de raconter de façon directe quelque chose qui m’est arrivé, ou de parler de quelqu’un ou de quelque lieu que je connais. Peut-être parce qu’il ne m’arrive pas grand-chose. Ou peut-être que ce n’est pas ce qui m’intéresse. Je me rends compte que je travaille beaucoup avec des images et des sensations. Des images issues de films, de livres, mais aussi simplement des images mentales, souvenirs ou sensations présentes, sans doute informées, recréées à partir de paysages que j’ai vus, de situations que j’ai vécues, d’atmosphères particulières que j’ai traversées. C’est comme si chaque chanson était la tentative de description d’une image ou d’une sensation ; je peux d’ailleurs presque citer chacune d’entre celles-ci qui ont présidé à la création des différents morceaux de l’album : Mars, c’est un désert de terre rouge et ces quelques secondes de calme qui précèdent l’explosion du combat ; How quiet, c’est le sommet d’un pic rocheux, le paysage alentours, vert, gris et jaune, et une grande sensation de fatigue physique ; The Bell, c’est une scène d’un livre d’Iris Murdoch dans laquelle une lourde cloche de fonte bascule du chariot de la procession qui accompagnait sa mise en place, jusqu’au fond d’un étang ; Sea of roofs est basé sur l’unique image qu’il me reste d’un très vieux cauchemar : un paysage urbain méditerranéen, orange, avec des maisons affaissées, des portions de sols écroulées, une de mes tantes qui m’appelle sans que je la vois, et un sentiment de désolation et d’effroi. Dans ce sens, je suis très bergmanienne. Bergman disait que ses films étaient juste l’explication d’images isolées qu’il avait en tête, comme s’il développait simplement des narrations cinématographiques qui devaient arriver à – et repartir de – ces points imagés qui existaient déjà.

Half Asleep en session acoustique

Pouvez-vous nous parler de la pochette de l'album ?
Tout l’artwork du disque a été réalisé par ma petite sœur. Oriane n’est pas dessinatrice ni illustratrice, mais styliste, et même si la recherche esthétique l’intéresse (en plus d’être un impératif commercial, bien entendu), ça l’amuse aussi beaucoup de jouer avec l’idée de laideur et le sentiment de répulsion. Je pense qu’elle et moi avons choisi le dessin qui figure sur la pochette pour la même raison, pour ce qu’il possédait de noirceur et de défiance à l’idée d’une féminité gentille-jolie dans laquelle ni elle ni moi ne nous reconnaissons. Pour être honnête, ce choix ne s’est pas fait sans réflexion, surtout de ma part, parce que renvoyer de la noirceur, une certaine forme de laideur, au monde n’est pas sans conséquences. D’abord souvent parce que les gens préfèrent le joli (mon frère, mon père, ma mère : personne n’aime cette pochette) et aussi parce qu’à un niveau plus personnel, il n’est pas si facile de réconcilier ou de faire correspondre ma personnalité plutôt douce, en retrait, posée, à cette forme de cruauté que l'on fait subir à ma personne dans ce dessin, ou à l’écorchure du dessin lui-même. Mais ce qui me plaît et m’a fait opté au final pour cette illustration, c’est que la musique est précisément l’endroit dans lequel j’existe autrement que dans la douceur. La violence, la noirceur, le malaise font aussi partie de moi, de ce que je veux et peux exprimer musicalement. La musique d’Half Asleep n’est pas bruyante, mais je ne la considère pas non plus comme douce, apaisante ou relaxante. L’enjeu émotionnel qu’elle représente pour moi est bien trop fort et violent. Et je la sens bien mieux représentée par un dessin qui est un coup de poing dans le ventre que par une petite miniature jolie.
A l'écoute de l'album, l'émotion est extrêmement intense... Comment vivez-vous votre musique (quand vous la créez, et quand vous l'interprétez en concert) ?
Je ne me suis jamais énormément posé de questions quant à ce qu’il fallait que j’envoie au public ou à un potentiel auditeur, comme image de moi-même ou comme émotion. Très tôt, cependant, on m’a renvoyée à cette émotion, on m’en a parlé. Mais je sais que je ne peux pas m’en sortir comme ça, avec un « je suis quelqu’un de siiii profond, sans même le chercher ». Quelque part, je le cherche, oui, je cherche à créer – ou plutôt à retrouver et à transmettre – ce qui m’intéresse, moi, en tant qu’auditrice, et ce que j’ai toujours cherché dans la musique des autres : l’émotion forte, la beauté transcendante, la tristesse, le sublime, le bouleversement, le choc. Personnellement, la musique comme appareil d’insouciance et de légèreté ne m’intéresse pas. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai énormément de mal à apprécier la musique pop. Et je ne dis pas, bien sûr, que ce n’est pas un type de musique valable. Mais simplement que je n’ai pas le talent de l’humour ou de l’ironie en musique, et que la joie comme essence musicale me passe littéralement au-dessus de la tête. Ou disons plutôt que je ne trouve pas particulièrement engageant ou attirant la façon dont est conventionnellement traduit le sentiment de joie et de bonheur dans la musique occidentale de ces derniers siècles, c'est-à-dire via des rythmiques rapides et l’usage de tonalités majeures. Je trouve beaucoup plus intéressant ceux qui jouent avec ces conventions, lient la joie au tragique, l’ironie à la mélancolie, l’humour au bizarre. J’ai besoin de chair, de sang, d’intestins, d’être remuée de l’intérieur. Je peux sautiller sur place et me faire transpirer quand Nina Simone joue Mood Indigo sur son piano, une de mes chansons feel-good préférées, mais j’adore qu’en même temps, elle chante « I’m so lonely I could cry ». Ceci dit, de nouveau, je ne possède pas vraiment ce talent, celui de parvenir à retourner l’allégresse sur sa tête, ou je n’ai jamais totalement essayé, je ne sais pas. Au moment de créer un morceau, donc, je me rends plutôt disponible aux émotions tristes, c’est vrai, que je n’ai à l’inverse ici aucun problème à exprimer conventionnellement par des mélodies lentes et des accords sombres (tout ça est complètement arbitraire, je m’en rends bien compte ; les goûts et les couleurs, comme disent les autres). Et comme le monde est bien fait, ce sont principalement les émotions de tristesse, de solitude, qui me donnent envie de créer, d’entrer en introspection. La joie, le bonheur ne me donnent pas cette envie, ou du moins pas directement, parce que ces états naissent souvent dans la relation aux autres, d’un lieu rempli, externe, vivant, bondé de choses et de gens auxquels je ne peux pas résister, vers lesquels je veux aller, plutôt que de m’enfermer dans une pièce toute seule chez moi.
Half Asleep, Crédit Grenier

En concert, par contre, c’est très difficile de faire revivre exactement l’émotion qui a permis la création de la chanson, et pour être honnête, je ne pense pas qu’il faille essayer de le faire. Ce serait bien trop émotionnellement exigeant et potentiellement dévastateur, car plus je me mets à nu devant les gens, plus je vais recevoir la réaction du public de façon violente. Un rejet, par exemple, ou une moquerie, serait presque intenable, insoutenable à vivre, car il correspondrait au rejet d’un pan entier de mon existence émotionnelle. Et puis, dans un contexte live, il y a toujours énormément de choses qui distraient les musiciens, qui les éloignent de la musique au moment même où ils sont en train de l’interpréter. Je crois qu’il faut trouver un équilibre et que la façon la plus simple de le trouver est de lâcher prise, rentrer dans sa propre musique, s’autoriser les distractions ci et là, mais aussi laisser la porte ouverte à l’émotion, qui peut venir ou ne pas venir, ou venir juste une fois. De façon naturelle, l’émotion ne sera jamais présente constamment de toute façon, et c’est très bien comme ça. Et puis, il y a toujours un décalage entre ce que ressent le public et ce que ressent l’artiste. Parce qu’il y a aussi l’émotion de la chanson elle-même, bien interprétée, de sa simple forme ou beauté, qui n’a pas spécialement de lien avec l’émotion sur laquelle la chanson est basée, qui ne demande au musicien rien de plus que d’être dans le moment, et qui peut être reçu avec beaucoup de force par les auditeurs.

Half Asleep, une histoire de temporalité

« Le prochain album d’Half Asleep sera le plus dickinsonnien de tous. »

Vous et Emily Dickinson ?
C’est une drôle d’histoire. Vers 18/19 ans, j’ai acheté cette édition bilingue d’une collection de poèmes d’Emily Dickinson. Au début, ça me paraissait assez obscure, et follement dévot. Mais j’appréciais quelques poèmes. Régulièrement, je ressortais le livre de son étagère, apprivoisais un poème de plus. Mais l’univers de la poétesse dans sa globalité me semblait encore relativement abscons. Le choix du texte I heard a fly buzz when I die fait partie de ces quelques premiers poèmes que j’ai apprivoisés malgré mon incompréhension des autres, et mis en musique presque par inadvertance (je cherchais un texte « tout fait » à coller sur un morceau sans paroles que j’avais écrit, pour pouvoir chanter celui-ci rapidement en concert, en attendant d’en écrire les « vraies » paroles) (mais après, va-t-en toujours essayer de décoller le sublime d’Emily Dickinson incrusté dans tes notes !). Enfin bref, ce qui est marrant, c’est que ces trois dernières années, je n’ai plus jamais ouvert mon livre de poèmes bilingues. J’ai juste grandi de mon côté, affiné mes goûts, me suis autorisée à développer mon amour de l’art médiéval et de l’art religieux en général, me suis autorisée à me donner à un certain mysticisme, pour moi-même, qui n’a pas grand-chose à voir avec Dieu. Et il y a 6 mois, quand j’ai enfin rouvert pour la dernière fois mon livre, il y a eu comme un clic. Tout d’un coup, l’endroit où je me trouvais était en parfaite adéquation avec la poésie d’Emily Dickinson, tout me paraissait clair et il me semblait possible maintenant d’aimer tous ces poèmes immodérément, tous, et surtout ceux apostrophant le divin. Résultat : le prochain album d’Half Asleep sera le plus dickinsonnien de tous.

Half Asleep en session acoustique

Quel est le livre qui vous a le plus marquée et pourquoi ?
Mmm… difficile d’isoler un livre. D’autant plus que je me sens souvent tout autant marquée par des personnalités littéraires, comme Virginia Woolf ou Harold Pinter, que par certains de leurs livres en particulier. L’univers de la poétesse canadienne Anne Carson est celui qui m’a le plus déstabilisée ces deux dernières années. Son recueil Plainwater, qui contient l’essai The Anthropology of Water (dont une description insensée d’un pèlerinage à Compostelle), est superbe. Ou son livre Autobiography of Red qui me donne constamment envie de pleurer d’admiration, tellement il est bon et beau et bizarre et intelligent. C’est un court roman en prose, mais qui imite la poésie par sa construction, ponctuation, la sélection pesée de chaque mot, ses associations de vocabulaires et d’images étranges qui font naître le poétique. Et c’est un roman du temps en suspension, ce qui me bouleverse toujours énormément, comme si toutes les phrases avaient un écho, le temps de s’installer dans l’espace, faire frissonner imperceptiblement les personnages et transmettre le frisson aux lecteurs. Ce type de temporalités lentes, qui laissent tous ces interstices entre les actions des personnages, me parlent beaucoup. Et c’est précisément ça, ce flottement vital qui est à la fois infini et microscopique, qui suinte des corps et épaissit la matière du temps, dans lequel se construisent les identités, qui trouble légèrement la vision, c’est cette chose-là que je tente de capter avec la musique, un support qui d’ailleurs me parait particulièrement approprié puisqu’il est tout aussi élusif.

L'adrénaline d'Half Asleep

« La beauté des musiques non-classiques, ou du songwriting, c’est qu’on peut utiliser les instruments à hauteur de la maîtrise que l’on en fait. »

Sur l'album Subtitles for the Silent Versions, vous chantez et vous jouez de la guitare classique, de la basse, du piano, des percussions, de la flûte, du clavier... Jouez-vous d'autres instruments (de musique ou autres objets qui produisent des sons) ?
(rires) Oh j’ai l’impression que « jouer un instrument », dans le monde des musiques indépendantes non-classiques, est une notion très vague et très souple ! Dans un sens, je « joue » beaucoup d’instruments, par exemple, de la flûte traversière, oui, et de la cithare et de la clarinette. Mais en même temps, je ne maîtrise aucun de ces instruments vraiment. Je sais comment leur faire produire des sons, mais je sais à peine comment bien le faire, et enchaîner cinq notes de suite. La beauté des musiques non-classiques, ou du songwriting, c’est qu’on peut utiliser les instruments à hauteur de la maîtrise que l’on en fait. Les seuls instruments que je connais vraiment bien sont la guitare et le piano. Les autres, je les aime profondément, continuerai doucement à les apprivoiser, mais peux à peine dire honnêtement que j’en joue, ce qui ne m’empêche pas de tenter de le faire, de toutes les façons possibles, et en déployant tout l’instinct musical dont je dispose.
Quelle place la musique occupe-t-elle dans votre vie (hier et aujourd'hui) ?
La musique en général est toute ma vie, mon omniprésente, mon adrénaline, ma passion la plus dévorante. Je peux mettre ma propre musique en sourdine pendant de longues périodes cependant, 6 mois sans rien écrire, 2 ans sans concerts, etc. Puisque je ne suis pas musicienne professionnelle, il y a souvent d’autres choses qui m’occupent. Mais la musique est tout le temps là, l’a toujours été et, j’espère, le sera toujours.
Quel est votre rêve le plus fou ?
Devenir chanteuse lyrique (alors que vous l’aurez remarqué, je sais à peine chanter, et selon certains critères technicisant, je ne suis même pas chanteuse – ce que je ne conteste pas spécialement) (mais c’est l’excitation même, de se découvrir des potentiels insoupçonnés).
Quelle est votre plus grande peur ?
La dissolution.
Vos projets ?
Musicalement ? Half asleep prépare un ou deux ou trois ou quatre disques. Le successeur de Subtitles for the Silent Versions est déjà écrit et sera, je l’espère, mis en boîte avant la fin de l’année 2012. Les autres sont secrets ou trop à l’état embryonnaire pour en divulguer le contenu et la forme.

Interview réalisée le 17 mai 2012 par Cécile Duclos

Half Asleep, Subtitles for the Silent Versions, We Are Unique! Records, 4 mai 2011
Crédit photos : Grenier

Retrouvez Half Asleep sur le web : sur myspace et sur facebook.

Mon espace conso
Le dernier album d'Half Asleep :
Subtitles for the Silent Versions, Half Asleep, We Are Unique! Records, mai 2011.
Voir tous les produits (CD, mp3, collectors...) autour d'Half Asleep



Articles liés

1 commentaires:

Dionys a dit…

Passionnant ! Je défends avec enthousiasme Half Asleep depuis quelques années sur mon blog "INACTUELLES Musiques singulières". L'index vous permettra de trouver mes articles.
Bien à vous,
Toujours à l'écoute,
Dionys

Enregistrer un commentaire

 
Design by Free WordPress Themes | Bloggerized by Lasantha - Premium Blogger Themes | Best WordPress Themes