vendredi 25 mai 2012

Half Asleep, Subtitles for the Silent Versions

Half Asleep, Subtitles for the Silent Versions, Crédit photo GrenierUn choc émotionnel sous cellophane : le denier album d'Half Asleep, Subtitles for the Silent Versions. Vieille comme le monde, la recette est infaillible : la goutte d'eau. Celle qui fait déborder l’œil, le vase, la marmite, la flaque, la mer, le ciel... Ce petit quelque chose de trop, de travers, de différent... qui fait mal et émerveille à la fois. C'est ça, la magie noire et blanche d'Half Asleep : distiller une musique au-delà de l'intimiste, une musique qui a le redoutable pouvoir d'effleurer les blessures, de caresser la douleur, de raviver les remords, de déterrer les regrets, de ranimer les joies éphémères, et d'agiter, pêle-mêle, la horde de spectres qui étouffent notre quotidien. Comme ça, en quelques notes de piano, en une poignée d'arpèges de guitare classique, en une sobre mélodie portée par un cortège de chœurs. Avec une simplicité déconcertante, une puissance déstabilisante. Vous n'y croyez pas ? Essayez. Fermez les yeux et écoutez. Avec grâce et âpreté, Half Asleep fouille les profondeurs de l'âme, de la noirceur terrifiante de nos secrets les plus inavouables à l'éclat aveuglant de nos rêves les plus impénétrables. Une expérience unique.


Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Le saviez-vous ? En France, le troisième album d'Half Asleep, (We are now) Seated in profile, est distribué sous la licence libre Creative Commons qui permet la copie et la diffusion, libre, sur Internet.

Half Asleep, le rêve éveillé d'une sylphide belge

« Qui n'aura trouvé le ciel ici-bas
Le manquera là-haut
Les anges louent la maison d'à côté
Partout où nous allons » (Emily Dickinson)

Nous sommes à Bruxelles, en 2002. L'automne est arrivé, le froid avec. Alors que certains s'apprêtent à hiverner, Valérie Leclercq défie les saisons : Half Asleep naît. D'une guitare agitée, d'un piano fluide, d'une poignée d'instruments et d'une voix stupéfiante, au timbre grave et soyeux. Un premier EP de 8 titres vient au monde, Palms and Plums (chez Another Record). Avec sa sœur, Oriane Leclercq, la jeune Belge monte sur scène pour partager son projet solo avec le public.

Passage obligé pour entrer dans la 3ème dimension : une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan (en carton, ça suffit).
Pour entrer dans la 3ème dimension, une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan suffit (n'hésitez pas à cliquer sur l'image pour l'agrandir).

En 2003, un deuxième disque sort en France et en Belgique, Just before we learned to swim (chez Hinah, puis en 2005, chez Matamore Recordings) ; les concerts reprennent. Puis en 2005, un troisième album voit le jour : (We are now) Seated in profile (chez We Are Unique Records). Les scènes s'enchaînent avec des premières parties mémorables (Matt Elliott, Vénus, Françoiz Breut, Angil, Colleen, Now it’s overhead, Early day Miner…). Les médias s'engouffrent dans la brèche, les Inrockuptibles ne cachent pas leur enthousiasme (et ce sont loin d'être les seuls !):
« Cette jeune Belge (...) est un peu plus qu’une musicienne et une chanteuse : c’est une présence aussi forte que flottante, qui prend peu à peu possession de l’âme de l’auditeur. Entre folk déraciné, songwriting impressionniste et mélodie classique revisitée, (We Are Now) Seated in Profile, lui, est un peu plus qu’un disque : c’est un univers entier dont Half Asleep, derrière son piano, sa guitare, sa basse ou sa batterie, plante le décor d’une plume charbonneuse, comme trempée dans l’encre des soirs. »
En mai 2011, c'est au tour du quatrième album d'Half Asleep, Subtitles for the Silent Versions (chez We Are Unique Records), de tomber du ciel comme ces anges déchus aux ailes brûlées, presque transparents, d'une blancheur tellement éclatante qu'elle nous brûlerait les yeux. Une nouvelle fois, la presse est unanime, en Belgique comme en France... et pour cause !

L'album à double tranchant d'Half Asleep : Subtitles for the Silent Versions

« Prenez-moi tout mais laissez-moi l'extase et je serai plus riche que mes semblables. » (Emily Dickinson)

Illustré par Oriane Leclercq (la sœur de Valérie Leclercq, qui chante et joue avec elle sur scène et sur ses albums), le nouvel album d'Half Asleep, Subtitles for the Silent Versions, oscille quelque part entre la pop, la folk et la musique classique. Mais le plus difficile avec la musique d'Half Asleep, c'est d'en parler. Et de ne pas pleurer quand on l'écoute. Viscérale, bouleversante, ténébreuse, intemporelle, elle pourrait aussi bien avoir été ciselée dans un ciel limpide qu'arrachée aux profondeurs ancestrales de la terre. Sa détresse est d'une rare beauté, sa pureté nous laisse dans un désarroi douloureux. L'expérience n'est pas sans risque, mais l'extase sonore, ineffable, est mémorable. L'univers fragile et dévasté d'Half Asleep resplendit de mille feux, même si ces derniers le dévorent sauvagement ; et c'est blessé, vulnérable, mais conquis que l'on parcourt ses contrées sombres et dépouillées.

Half Asleep, Subtitles for the Silent Versions : de How quiet ! à For god's sake let them go !

« On dit que le temps guérit
Le temps jamais n'a guéri
Une souffrance réelle s'affermit
Comme les nerfs avec l'âge » (Emily Dickinson)

Premier titre, premier coup de cœur, premier coup tout court. A terre par K.O. musical, voici l'indécente promesse d'How quiet !. Remuer tout ce que notre inconscient a si bien enfoui, ces peines, ces souvenirs, ces émotions douloureuses : c'est ce que fait avec une troublante délicatesse cette magnifique chanson portée par une guitare classique et une voix, caverneuse et angélique, comme chuchotée à l'intérieur même de notre tête. « I take one last glance at the evil road – unrolling behind us » [NDLR : je jette un dernier coup d’œil à la route maudite – celle qui se déroule derrière nous ] : c'est le regard de trop, la goutte...
Arrive ensuite The Bell, un piano-voix qui vous prend aux tripes, sans sommation. Si vous aviez ravalé votre douleur sur le titre précédent, ce n'est plus la peine de lutter. Les pleurs, comme les rires, s'effacent avec le temps. Sublime. Et coup de cœur.

En images (avec le danseur Thomas Vatant Antonelli), The Bell extrait du dernier album d'Half Asleep, Subtitles for the Silent Versions :


« Most dreams happen when your eyes are shifting back and forth rapidly in the fifth stage of sleep » [NDLR : La plupart des rêves se produisent lorsque vos yeux se déplacent d'avant en arrière, rapidement, dans le cinquième stade du sommeil] : ballade introspective, The fifth stage of sleep, au fil des stades du sommeil, nous fait remonter dans le temps, comme une horloge mécanique que l'on remettrait à l'heure. Les années défilent, défilent jusqu'à notre naissance. Magistral.
« I watched my books burnin' and so were my eyes (burnin ') » [NDLR : J'ai regardé mes livres brûler et mes yeux aussi (brûlaient)] : surréaliste, For God’ sake, let them go submerge une brise folk sous une tempête tribale à base de percussions et de voix. Violence contenue, révolte, souffrance : le feu emporte tout. Au-delà des objets, il y a les souvenirs qu'ils renferment.

Half Asleep, Subtitles for the Silent Versions : de De deux choses l’une à Sea of roofs

« La poussière est le seul secret
La mort, la seule
Dont on ne puisse tout apprendre
Dans son village natal. » (Emily Dickinson)

Après De deux choses l’une, aussi léger que triste, un court intermède au piano rappelle les Gnossiennes d'Erik Satie. Puis c'est au tour de Ceres Pluto Eris, un magnifique duo de voix, d'annoncer la chanson suivante, Mars (your nails and teeth), qui se situe quelque part entre les chants liturgiques du Moyen-Age et la musique contemporaine friande de bruitages en tout genre (respiration essoufflée, grincements, cris de flûtes).

Half Asleep sur le port de l'Arsenal

« The grass divides as with a comb, mechanical spirits rake the ground with a bone » [NDLR : L'herbe se divise comme avec un peigne, les esprits mécaniques ratissent le sol avec un os] : la poésie d'Half Asleep a cet inexplicable effet de faire disparaître murs, portes, maisons, rues, pays... Voyage initiatique, The grass divides as with a comb nous emmène là où il n'y a aucune réponse, où les questions elles-mêmes ne servent à rien, où tout n'est que sensations, émotions, forces. Pas de bouclier ici, ni de carapace. Juste la chair. Coup de cœur, que vous pouvez aussi découvrir en session acoustique (2D et 3D), sous les arcades de la place des Vosges.
Une clarinette qui résonne sous un porche dans les brumes de la nuit, un piano qui sanglote, des chœurs fantomatiques : Sea of roofs réinvite Satie sur une voix qui murmure, sépulcrale, face à une « mer de toits », des bribes d'histoires qui ressemblent à une prière.

Half Asleep, Subtitles for the Silent Versions : de Tout est toujours plus triste quand il fait noir à (une histoire d’) Astronautes-marins-pêcheurs


« Par la soif, on apprend l'eau. » (Emily Dickinson)

La trompette de Tout est toujours plus triste quand il fait noir transforme la ballade basse-voix en une étrange complainte partagée entre rébellion et résignation. Et lorsque la batterie vient cogner aux portes, un frisson nous pousse d'un côté, celui qui refuse de « mourir dans un endroit que l'on a mis des années à payer » (« never die in a place it took you years to pay off »). Entièrement chantée (pas moins de 4 artistes ont mêlé leur voix à celle de Valérie Leclercq), la chanson suivante, Personnalité H, écarte les nuages pour libérer démons et archanges, damnés et martyrs, fumée et éclairs... Intense.
Extrait d'un poème d'Emily Dickinson, I heard a fly buzz when I died, The invitation glisse dans l'air comme Ophélie sur son lit de mort : on entend la rivière racler les pierres ; Virginia flotte là-bas, dans les roseaux ; une fine pluie lave ciel et cours d'eau ; c'est une belle journée pour mourir. La musique peu à peu remplace les voix, l'âme s'envole. Portés par le courant, les spectres disparaissent. Jusqu'à ce que les voix reviennent : les pleureuses, la famille, les amis, ceux qui restent, souffrent, pensent encore... Extraordinaire. Et pour clore le dernier album d'Half Asleep, Subtitles for the Silent Versions, une très belle comptine piano-voix : (Une histoire d’) Astronautes-marins-pêcheurs.

Auteur : Cécile Duclos

Half Asleep, Subtitles for the Silent Versions, We Are Unique! Records, 4 mai 2011
Crédit photos : Grenier

Retrouvez Half Asleep sur le web : sur myspace et sur facebook.

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Le dernier album d'Half Asleep :
Subtitles for the Silent Versions, Half Asleep, We Are Unique! Records, mai 2011.
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