Du « trou de verdure où chante une rivière », où « un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue (...) dort dans le soleil, la main sur sa poitrine » (Rimbaud, Le dormeur du val) à la « forêt silencieuse, aimable solitude
» (François-René de Chateaubriand, La forêt), les bois aux recoins sombres, aux lacs où l'on amarre sa barque, aux chênes centenaires et aux jeunes roseaux, aux clairières verdoyantes, tantôt émerveillent et réconfortent, tantôt inquiètent et effraient. Lieux de magie, de mystère, d'histoire et de repos (éphémère ou éternel), ils inspirent les poètes qui cherchent, dans l'art de la rime, la sève des arbres.
L'Orée du bois
Forer de l’oeil nu le silence ouaté. Il faut en franchir l’entrée la tête basse et les tempes serrées. Passée la lisière où se jouent ombre et orée, le regard entraîne une implacable géométrie : arbres comme lames poussés contre le plat de l’air, tranchant des champs de ronces où s’ébrèche la main, haute mer dont crépitent les bourgeons de neige.
Epier ce réseau caché : je surprendrai peut-être à flanc d’herbe la langue feutrée des puissances – le carabe qui parle, la souche qui ponctue, la roche qui salue.
Les phrases cependant bifurquent sitôt prononcées, et le pas détrempé part en quête d’autres futaies où la feuille à l’épaule pèsera.
Je tâche de comprendre l’antique langage des schistes et des micas, j’écoute et je touche, mais ne puise que des chronologies. Ô le goût de mettre un jour, précisément, mot sur pierre !
Auteur : Eva Cordel
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