lundi 14 mai 2012

Tim Burton, Dark Shadows

Tim Burton, Dark Shadows, (c) 2012 Warner BrosLa famille Collins ? Une nichée de freaks, descendants désargentés d'une riche lignée décimée par une saleté de malédiction. Le grand méchant loup ? Une rosse de sorcière (incarnée par Eva Green) à la plastique affolante et au patronyme bien franchouillard, Angélique Bouchard (c'est que la réputation de la France n'est plus à faire en termes de sorcellerie comme en matière de sex-appeal). Le prince charmant ? L'ancêtre des freaks, un brave vampire sanguinaire, un brin siphonné lui-même, qui répond au saint nom de Barnabas (Barnabé, ou encore Johnny Depp). Le réalisateur de cette bombe cinématographique ? Le grand Tim Burton. Dark Shadows, ou l'art du conte sur grand écran...

Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Le saviez-vous ? Réalisé par Tim Burton, Dark Shadows est tiré du feuilleton du même nom créé par Dan Curtis et diffusé sur ABC de 1966 à 1971.

Le dernier conte gothique de Tim Burton, Dark Shadows

« Sans doute m’étais-je endormi ; sinon, comment aurais-je pu ne pas être frappé par le spectre qu’offrait ce vieux château ? » (Dracula, Bram Stoker)

Après Retour vers le futur 2 en 1989 et Les Visiteurs en 1993, le nouveau film de Tim Burton, Dark Shadows, exploite la veine spatio-temporelle en catapultant l'un de ses personnages, Barnabas le vampire, dans un futur lointain qui lui échappe totalement. C'est qu'entre 1752 et 1972, il y a comme qui dirait un sacré fossé !... Et si sortir de son trou ne pose aucune difficulté apparente à notre ami Barnabas (avec une bonne pelleteuse et des canines correctement affûtées), s'intégrer à une société radicalement différente présente, a contrario, d'épineux écueils ; il en fera la douloureuse expérience dans les ruines du château familial de Collinwood, que ni le temps ni les déconvenues financières d'une souche maudite n'ont épargné. Jusqu'à ce que son ennemie jurée, Angélique la sorcière, ne refasse surface à son tour. Entre les deux monstres, la bataille reprendra alors de plus belle : de La Guerre des Rose à La mort vous va si bien, Dark Shawdows a l'embarras des armes, et nous, nous n'avons plus qu'à nous délecter de ce nouveau duel à l'ombre du soleil !

La bande originale (en version originale sous-titrée en français) du dernier film de Tim Burton, Dark Shadows :


Tim Burton, Dark Shadows sur Collinwood

Une histoire de famille : les Collins et Tim Burton, Dark Shadows dans les seventies

« Oui, c’est bien une sorte de fascination qu’a exercée sur moi la seule vue de cette femme, étendue là dans une tombe usée par le temps et lourde de la poussière des siècles, et malgré cette horrible odeur qui doit être celle des repaires du comte. » (Dracula, Bram Stoker)

Après la Famille Addams et la famille Deetz (Beetlejuice), nous sommes heureux et non moins fiers de vous présenter la famille Collins, l'exotique tribu du dernier Tim Burton, Dark Shadows !
Candide et orgueilleux (blanc-bec ?), Barnabas Collins fait preuve d'une faiblesse toute virile face au sexe dit faible. Mais son caractère volage n'est pas au goût de toutes ses conquêtes, Angélique Bouchard en tête de liste. Servante à ses heures, sorcière en herbe la nuit, la jolie jeune femme refuse de se soumettre à la tyrannie masculine. Pas de pitié pour le galant : de son vivant, il paiera ses incartades crapuleuses d'un sortilège vampirique et de deux bons siècles sous terre. Mais qu'importe, lorsque l'on a l'éternité devant soi ? Deux siècles plus tard, dans la débandade féministe des années 1970, Barnabas reprend la chasse aux damoiselles avec toute la cuistrerie d'un jeune nanti de son époque. Et la classe en moins. Ses tenues gothiques jurent atrocement avec les fleurs, les strass et les couleurs vives des seventies. Son vocabulaire et ses manières sont totalement has been : on le prend, au mieux pour un junkie, au pire pour un branquignol. Son excessive gentillesse (pour un vampire, s'entend) est en totale contradiction avec sa prodigieuse nature (de monstre carnassier). Seul au monde, paria parmi les siens, Barnabas Collins souffre en silence du mal du siècle : l'abandon.

La Famille Collins, Dark Shadows, (c) 2012 Warner Bros

A présent, passons en revue le reste de la famille Collins. Intraitable, distinguée, d'une perfidie si justement dosée qu'elle en serait presque honorable, Elizabeth Collins Stoddard (Michelle Pfeiffer), la mère de famille, protège ses louveteaux (et ceux de son frérot) avec la détresse d'une bête esseulée. A la moindre alerte, elle sort les crocs comme ses aïeuls brandissaient les armes et ne recule devant rien pour redorer le blason familial. Et quel courage quand on voit la portée qu'elle couve (par chance, ils ne sont que deux) !... Lolita trash, Carolyn Stoddard (Chloë Moretz), sa fille, patauge allégrement dans les tumultes de l'âge ingrat ; quand elle ne profite pas des repas de famille pour se déhancher (dans une scène lynchéenne à souhaits !) comme une starlette sur Hollywood boulevard, l'adolescente miaule dans sa chambre-discothèque. Son cousin, qui en sait quelque chose, n'hésite pas à le faire savoir mais on se moque pas mal de ce qu'il peut bien raconter. Le petit David Collins (Gulliver McGrath) entend des voix, il cause avec sa mère défunte, c'est dit : c'est la fin de branche tant redoutée. En substance : la tarée. Mais avec un père comme le sien, on comprend mieux pourquoi. Voleur du dimanche, sans-cœur patenté, Roger Collins (Jonny Lee Miller), le frère d'Elizabeth, a tout de la petite frappe, hormis sa prestigieuse ascendance. Rejeton azimuté compris.

L'entourage de la famille Collins : le cadeau empoisonné de Tim Burton. Dark Shadows, toujours...

« Il n’est pas surprenant, croyez-moi, que les miens se soient inquiétés et m’aient fait mettre sous surveillance. Je me figurais que la vie est une entité positive, perpétuelle, et qu’en engloutissant une multitude d’êtres vivants – même s’ils se trouvent tout au bas de l’échelle de la création –, on peut prolonger indéfiniment la vie. » (Dracula, Bram Stoker)

Autour du clan Collins gravite un microcosme des plus intéressants, majoritairement composé de pique-assiettes plus ou moins gourmands. Aux murs poussiéreux de l'antique demeure de Collinwood s'est ainsi greffée, le temps aidant, une femme à tout faire qui ne fait plus rien du tout, Mme Johnson (Ray Shirley). D'une bonne volonté parfaitement inefficace, la vieille domestique, meuble parmi les meubles, coule une retraite paisible parmi ses maîtres résignés. En charge du petit toqué, le cadet des Collins, deux femmes que tout oppose : la discrète et ravissante Victoria Winters (Bella Heathcote), dans le rôle de l'irréprochable nourrice ; et la volcanique Julia Hoffman (Helena Bonham Carter), dans celui de la psychiatre sangsue qui mange à tous les râteliers, boit comme un templier, déplore la morosité de la vie de châtelain mais rechigne à quitter une table où l'on s'ennuie, certes, comme un rat mort, mais à moindre frais. Dernier employé de maison, Willie Loomis (Jackie Earle Haley), enfin, porte sur ses frêles épaules la responsabilité de toute la maisonnée. Mission qu'il fuit dans le schnaps et les plantations de citrouilles, activités où, il faut bien le reconnaître, contrairement aux corvées ménagères, il excelle.

La sorcière Angélique, Dark Shadows, (c) 2012 Warner Bros

Et comme nous vous gardons toujours le meilleur pour la fin, sachez qu'il arrive, de temps à autre, à notre sorcière mal-aimée de s'inviter chez les Collins... et d'exploser l'écran. Qu'elle porte une robe de soirée à écailles pourpres ou qu'elle bondisse de son cabriolet rouge sang, l'effet est le même : saisissant. Et comme il ne sert à rien de résister à ses charmes enchanteurs (demandez voir un peu à Barnabas, comment faire pour ne pas succomber à sa vampe de sorcière dont la jalousie n'a d'égal que son appétit, féroce), on y cède à notre corps défendant.

La magie de Tim Burton : Dark Shadows, du fantastique au burlesque

Esthétique et poétique, le dernier Tim Burton, Dark Shadows, rend hommage au courant fantastique

« Toutefois, les ongles étaient longs et fins, taillés en pointe. Quand le comte se pencha vers moi, à me toucher, je ne pus m’empêcher de frémir. » (Dracula, Bram Stoker)

Comme tout joyau de Tim Burton, Dark Shadows se nourrit de culture gothique et de poésie. Dans la brume, la mer, déchaînée, s'écrase sur des falaises abruptes où l'on se fracasse par amour. Les gargouilles du manoir de Collinwood frissonnent et se brisent sous les assauts du vent. La demeure ancestrale, avec son magnifique lustre, grouille d'alcôves, de trappes, de passages secrets et de secrets tout court. Le casting, à bien des égards, est à couper le souffle. Michelle Pfeiffer, la Catwoman de Tim Burton dans Batman, le défi donne la réplique à Johnny Depp, l'Edward aux mains d'argent et acteur fétiche du réalisateur qui, à l'image de Faust, n'a pas pris une ride. Eva Green, la divine égérie de Dior pour son parfum Midnight Poison, est jalouse d'une jeune première à l'avenir prometteur, la jolie Bella Heathcote. On a vu pire ! Quant aux inévitables massacres (un vampire, ça boit tout de même des litres et des litres de sang !), ils ne baignent pas dans des sceaux d'hémoglobine. On est bien loin, ici, des indigestes boucheries de Sweeney Todd, Le Diabolique Barbier de Fleet Street. Un sans faute, donc, pour une esthétique fantastique des plus soignées qui s'appuie sur un bestiaire non moins fantastique. Au programme : un vampire, une sorcière, mais aussi des histoires de loup-garou, de fantôme et de manoir hanté, de trésor de famille et de réincarnation... La magie Burton, c'est aussi cet alléchant cocktail de mystère, de mythes, de traditions et de transgression, avec, en bonus, une bonne dose d'humour.

Le vampire Barnabas, Dark Shadows, (c) 2012 Warner Bros

A l'image du Dracula de Bram Stocker, le vampire de Tim Burton est double : d'un côté, la grâce troublante d'un Lestat ; de l'autre, la laideur répugnante d'un Nosferatu. Et comme tout vampire qui se respecte, il s'enflamme à la lumière du jour, il voue un culte sans borne à un repaire pouilleux (la plupart du temps, un vieux château délabré et hostile), il craint l'argent (le métal, pas la monnaie), son reflet n'apparaît pas dans un miroir (sa brosse à dents, si), il est immortel (ou presque), il évolue avec l'aisance naturelle d'un gentilhomme, il dort (de préférence) dans un cercueil, c'est un insatiable buveur de sang, ses mains sont tordues et ses ongles longs et sales, son teint est blafard mais quand même moins que dans Twilight, ses dents sont toutes pourries (mais on les oublie vite), il est acrobate de nature et de fait, fait l'amour comme un Dieu... Bref, de quoi frémir de la tête aux pieds ! Brrrrr ! Et ce n'est pas la torride sorcière qui dira le contraire. La marmite, les mèches de cheveux, les potions, sorts et autres grimoires sataniques, n'ont qu'une seule finalité, pour elle : mettre sa bête de vampire dans son lit, et l'y garder.

Le grain de folie de Tim Burton : Dark Shadows, un univers loufoque

« – Et maintenant, mon enfant, vous pouvez l’embrasser. Posez, si vous voulez, un baiser sur ses lèvres de morte, ainsi qu’elle l’eût souhaité. Car à présent, elle n’est plus un démon au sourire affreux, et elle ne le sera plus, de toute éternité. Elle n’est plus une non-morte, suppôt du diable. Elle est une vraie morte de Dieu, et son âme est près de Lui ! »
(Dracula, Bram Stoker)

Passé maître dans l'art de la démesure, de la critique sociale et de la caricature, Tim Burton s'en donne à cœur joie avec sa créature damnée, comme Roman Polanski, jadis, dans Le Bal des vampires. On glousse de la partie d'orgue de Barnabas, tête la première. On piaffe lors de sa recherche désespérée d'une retraite où dormir en paix (sans lingerie sur le nez). On ricane quand il croise le M d'un McDonald's et qu'il s'écrie « Méphistolès ! ». On rit jaune quand il annonce à un camion de gentils, très gentils, trop gentils hippies (peace and love, c'est aussi les années 70) qu'affamé, il va les décimer un à un dans un affreux carnage. On se gondole quand il passe à la casserole dans les bras de l'exquise sorcière, pinup décomplexée : ravagé, l'appartement atteste de leurs prouesses. Sans parler des nombreux écarts de langages.
Totalement délirant, le nouveau long métrage de Tim Burton, Dark Shadows, est donc aussi, vous l'aurez compris, à mourir de rire. Avec, en bonus, une flopée de clins d’œil : Angélique croquée par Tamara de Lempicka ; le petit dingo de David, qui se déguise en fantôme pour effrayer sa nouvelle nounou, n'est pas plus doué que le couple Maitland dans Beetlejuice ; Christopher Lee, LE DRACULA de la Hammer, fait une apparition éclair ; Alice Cooper (« Alice, la vieille moche » pour Barnabas), qui interprète son propre rôle, chante dans une camisole de force... Mais chut, nous n'en dirons pas plus. Pour le reste, c'est dans les salles obscures, très obscures !

La fiche du denier film de Tim Burton, Dark Shadows :
Genre : Comédie fantastique américaine
Site web officiel (en anglais
Sortie : le 9 mai 2012
Durée : 1h 52 min
Titre original : Dark Shadows
Réalisation : Tim Burton
Production : Graham King, Christi Dembrowski, Johnny Depp, David Kennedy et Richard D. Zanuck
Crédit photos : © 2012 Warner Bros
Scénario : Seth Grahame-Smith, d'après les personnages créés par Dan Curtis
Acteurs : Johnny Depp (Barnabas Collins), Eva Green (Angelique Bouchard), Michelle Pfeiffer (Elizabeth Collins Stoddard), Bella Heathcote (Victoria Winters), Helena Bonham Carter (Dr Julia Hoffman), Jonny Lee Miller (Roger Collins), Chloë Moretz (Carolyn Stoddard), Jackie Earle Haley (Willie Loomis), Gulliver McGrath (David Collins), Ray Shirley (Mme Johnson)...

Auteur : Cécile Duclos

Mon espace conso
Le livre culte de Bram Stoker :
Dracula, Bram Stoker, J'ai lu, juin 1993.
Voir tous les produits (livres, DVD, collectors...) autour de Dracula
L'un des films cultes (et gothiques !) de Tim Burton :
Sleepy Hollow, Tim Burton, avec Johnny Depp et Christina Ricci, StudioCanal, avril 2007.
Voir tous les produits (DVD, coffrets, livres, CD, mp3, collectors...) autour de Tim Burton



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1 commentaires:

Ornelune a dit…

Green affolante, absolument, Burton loufoque assurément, Dark shadows en somme du lugubre pour rire et un très bon Burton.

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