samedi 9 juin 2012

Interview imaginaire : Coluche

Interview imaginaire : ColucheNous grimpons jusqu’au purgatoire. Attirés par des cascades de rires, nous y retrouvons Coluche entouré d’une foule immense. Anges et archanges côtoient les démons, incubes et succubes. Dieu et Satan, assis l’un auprès de l’autre, s’esclaffent à gorge déployée. Toute cette foule, visages congestionnés à force de rire, écoute religieusement les sketches de notre ami. Nous attirons le plus discrètement possible l’attention de Coluche, qui nous rejoint sous les yeux courroucés et les huées du public.

Bonjour Coluche. Quel effet cela vous fait-il d’avoir Dieu parmi vos spectateurs ?
C'est un mec, Dieu, quand il est arrivé sur Terre y avait rien, tu vois ! Rien, pas une boîte, pas un troquet, pas une mobylette... Rien!... Vraiment la zone tu vois... Alors il a créé l'homme à son image, et la gonzesse à l'idée qu'il s'en faisait, ça peut paraître dégueulasse, mais ça partait d'un bon sentiment. Tiens, par exemple, c'est lui qui a dit les hommes sont égaux.
Il a dit : « Il y aura des hommes blancs, il y aura des hommes noirs, il y aura des hommes jaunes, il y aura des hommes grands, il y aura des hommes petits, il y aura des hommes beaux, il y aura des hommes moches et tous seront égaux, mais ça sera pas facile! »
Et puis il a dit : « Y en aura même qui seront noirs, petits et moches, et pour eux, ce sera très dur ! »
Il avait prévenu, il a pas pris en traître. D'ailleurs, c'est dur d'être égaux ! Dieu a partagé: il a donné la nourriture aux riches et l'appétit aux pauvres.

Comment vous considèrent tous ces anges et démons ? Comme un clown ?
J'suis l'andouille qu'a l'air imbécile
J'ai tendance à penser tout haut
Ça fait bouillir sous les chapeaux
Avoir l'air con peut être utile
L'être vraiment
S'rait plus facile

Etes-vous heureux au purgatoire ? Ce n’est pas l’enfer, mais ce n’est tout de même pas le paradis ?
J'suis peinard, moi. J'ai besoin de rien, hein! J'habite une piaule, là. C'est grand comme un placard, j'ai tout le confort sur le palier. J'suis bien ! Mais je bosse pas, j'vis de récipients, comme ça. On s'emmerde pas, les flics m'ennuient pas, j'ai mes papiers en bonnet difforme. J'suis peinard !

Gardez-vous la nostalgie de notre société dont vous étiez l’humoriste n° 1 ?
Ma mère elle me disait toujours : « T'es une andouille toi, t'es la troisième roue du carrosse. »
Eh ben, dis donc, tout le monde peut pas être sorti de la cuisine à Jupiter, hein ! La société n'a pas voulu de nous, qu'elle se rassure : on ne veut pas d'elle ! Elle a qu'à nous foutre tranquille, c'est pas nous qu'on irait y foutre des bâtons dans les trous. L'hiver, on ramasse des cartons, on a bien chaud, et puis l'été, on s'fait emballer par les bleus. Ils nous emmènent à la campagne, pour nous nettoyer, tout ça. Trois mois. Y a du boulot, hein ! Puis alors, ils ont des grands clébards, tout plats, marron avec des taches qu'y se font faire exprès ! C'est des croisements de chiens loups avec des Sarah Bernhardt. Un truc comme ça !

Dans quelle région aimeriez-vous vivre si vous reveniez sur Terre ?
C'est une maison de campagne en Normandie parce que c'est là que c'est le moins cher comme bord de mer. Enfin c'est pas là qu'il fait le plus beau, mais enfin, c'est beau déjà ! Et pis, on a beaucoup exagéré avec le climat de la Normandie, hein ! Moi je vois, j'y suis allé trois fois cet été, il a pas neigé une seule fois. Et puis... euh... le climat est très sain pour celui qui supporte les bottes en caoutchouc. Et puis, le mec qu'est copain avec une grenouille, il l'emmène, elle est contente ! Bon ! Évidemment ! En Normandie il pleut un petit peu, mais en France, il pleut partout un petit peu. En Normandie, il pleut un petit peu partout... Bon !

Vous qui êtes d’origine italienne, l’Italie ne vous a jamais tenté ?
L'année dernière, on avait été à Venise mais on n’avait pas eu d'chance ! On est arrivés et c'était tout inondé, hein !

Si vous n’aviez pas eu un tel succès en tant qu’humoriste, quel métier auriez-vous aimé faire ?
J'aurais bien travaillé dans l'administration, mais toute la journée à rien foutre, c’est dur. Mais c'est-à-dire que vous savez, en France, l'administration c'est très fertile : on y plante des fonctionnaires, il y pousse des impôts. Moi je pouvais pas y travailler parce que je parle en dormant. Alors la nuit c'est pas grave, mais au boulot c'est chiant.

Quel est votre plus mauvais souvenir sur Terre ?
Nous, comme jeunesse, on avait la guerre, mondiale qu'elle était, la guerre ! Les restrictions et tout. Pas de pinard ! Rien ! On a souffert ! Alors après, quand la guerre a été finie, tout le monde s'est mis à fêter l'armistice, d'un seul coup... On a tous bu pour fêter la victoire. Les vignerons, voyant que ça marchait, se sont multipliés, et depuis, nous, on picole pour éponger l'excédent. On rend service à la France, nous ! Moi qui vous cause, j'ai été blessé deux fois : une fois à l'abdomen, une fois à l'improviste. À la guerre on décore ceux qui r'viennent. Ceux qui sont mort, c'est ceux qu'étaient devant.

Que faites-vous avec ces pièces ? L’argent n’a pas cours au purgatoire ?
Alors je mets 1 franc dans une machine de Coca-Cola, il tombe une bouteille ! Je mets un autre franc, il tombe une autre bouteille. Je mets un autre franc... Et les gens disaient : « Mais il va tout prendre ! ». Ben, dites donc, tant que j'gagne je joue, hein !
Ça vous plairait de redevenir enfant ?
Alors, si les enfants sont intelligents et que plus ils grandissent, plus ils deviennent bêtes, ils paument un truc en route qui est quand même pas facile à expliquer, là. Moi, j'ai un truc, mais j'sais pas, c'est léger. Parce que comme c'est les grands qui disent que les mômes sont intelligents, et que déjà ils sont censés être cons, peut-être qu'ils se gourent !

Vous qui pratiquiez la moto, auriez-vous aimé être un sportif ?
Les sportifs aussi ils écoutent les hymnes nationaux au garde-à-vous, mais seulement quand ils gagnent. C'qui fait que pour les Français, nous, on est peinards !

Y a-t-il autant de publicité au purgatoire que sur Terre ?
Les dragées FUCA. Faut les prendre 2 par 2. Ça fait 1,2, troiiiis ! Les dragées FUCA. C'est un peu comme les bisons futés si vous voulez. C'est pour éliminer les bouchons. Mais… Si vous voulez… Les bisons futés c'est sur les routes, les dragées FUCA c'est dans les chiottes quoi ! Donc pendant 3 semaines ils font les dragées FUCA… Làààà ! 2 l'matin et 1 l'soir.
Pardon Monsieur la pharmacie ?
- Suivez la ligne jaune !
Et après pendant trois semaines ils font AJAX WC qui nettoie tout du sol au plafond ! C’est pour le cas qui y'en aurait qu'atteindraient le plafond. Parce que des fois on a pas le temps que ça stagne les dragées. Le mec il rentre dans le chiotte : là ! Entièrement moucheté. C’est pour ça que y'a des verrous dans les chiottes parce que le gosse il me demandait parce que le mec qu'est dedans va pas sortir hein ! En général il est venu exprès, tout seul, de son plein gré !

Coluche, qui êtes-vous réellement, sous vos apparences d’amuseur public ?
Je suis un rocker français
Planté dans ses baskets
Depuis je vais souvent
Blues et rock à tout vent
J'ai chanté dans les boîtes
On m'a j'té des tomates
J'ai dit : « Les gars je suis Jésus »
Là je crois que j'aurais pas dû
Pour une fois ils m'ont écouté
Sur mon ampli ils m'ont cloué
Je suis un rocker français
Planté dans mes baskets
Eh ! Je suis la mode rétro
Oh, toi qui passais sans me voir
J'ai toujours le rock dans la peau
Même si j'ai un rétro de retard
J'irai toujours chantant
The blues in Clermont-Ferrand.

La politique vous intéresse t-elle toujours ?
Les hommes politiques, il y en a certains, pour briller en public, ils mangeraient du cirage. La droite vend des promesses et ne les tient pas, la gauche vend de l'espoir et le brise. La moitié des hommes politiques sont des bons à rien. Les autres sont prêts à tout. Les technocrates, si on leur donnait le Sahara, dans cinq ans il faudrait qu'ils achètent du sable ailleurs. Pour rétablir nos finances, il faut déclarer la guerre à la Suisse, puis la perdre afin d'être envahis et de disposer enfin d'une monnaie forte.

Votre maxime préférée ?
Moins tu en fais, plus tu l'espères
Plus ta santé déjà précaire
Te libère de ses tourments
Gagner ta vie ne vaut pas l'coup
Attendu que tu l'as déjà
Le boulot y en a pas beaucoup
Faut le laisser à ceux qui aiment ça
Sois fainéant, sois fainéant
Tu vivras content
Sois fainéant, sois fainéant,
L'avenir t'attend.

Question indiscrète, Coluche, comment me décririez-vous ?
Ouarff, mais non, t'es pas moche ! Bon d'accord, t'as des traits pas très réguliers, mais enfin, t'es pas très moche moche moche ! Si, mais enfin, y a pas de quoi se flinguer ! Mais si tu vas par là, personne n'est beau alors ? Hein ? Non ! Pas par là.... Par là ! Enfin, tu as fais ce que tu veux. Et puis t'as de beaux yeux, hein... dividuellement l'un de l'autre ! Si, t'as de beaux yeux, et puis mon vieux, t'en connais beaucoup, toi, des mecs qui ont des yeux rouges ? Hein ? Ça court pas les champs. Ouais ! Quoi ? Les rues non plus, ouais, même les rues ! Et puis tu sais, il faut savoir prendre sur soi ! Il faut savoir faire un pas en avant, quand on est au bord du gouffre, par exemple. Il faut savoir se jeter à l'eau. Tu sais pas nager ? Et puis tu pourrais pas, tu tournerais en rond ! Non, moi, je serais toi, j'essaierais le gaz. T'as même pas la facture à payer. Enfin, t'es un homme maintenant, hein ! Tiens, lèves-toi pour voir ? Ah! T'es debout ? Eh bien, reste assis. Mais fais pas cette tête-la, on croirait que t'es malade.

Nous repartons le cœur léger, soulagés de constater que Coluche n’a rien perdu de son humour ni de sa causticité. Coluche, lui, nous a déjà oubliés. Il rejoint son public impatient, qui l’ovationne et lui réclame de nouveaux sketches. Nous entendons au loin :

C'est l'histoire d'un mec…
Auteur : Marc Duclos



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