mercredi 27 juin 2012

L'exposition Le crépuscule des pharaons au musée Jacquemart-André

Masque funéraire d’Ânkhemmaât, © D.R.  Paul LouisAssociée à la décadence, aux guerres, à l'instabilité politique et aux invasions, l’Égypte tardive (qui s'étend sur un millénaire, de la Troisième période intermédiaire à la Dynastie ptolémaïque, ou encore du dernier des Ramsès à Cléopâtre), n'a pas très bonne réputation artistiquement parlant, et les expositions dédiées à cette période charnière, qui voit la civilisation romaine prendre le pas sur la suprématie égyptienne, se heurtent toutes à la même problématique : le déclin de l’Égypte antique signifie-t-il une dégénérescence massive de l'art ? Au vu des très belles pièces présentées au fil de l'exposition Le crépuscule des pharaons au musée Jacquemart-André jusqu'au 23 juillet 2012, on en doute ! Les orfèvres et autres tailleurs de pierres, qui ont mis autant de cœur à l'ouvrage que leurs aïeuls, nous embarquent avec eux, le temps d'une escapade parisienne, sur les terres magiques de l’Égypte antique, dans les temples et les tombeaux, au royaume des vivants et des morts. La particularité de cet inoubliable voyage dans le temps ? Il ne connaît pas de frontière.

Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Le saviez-vous ? La pesée du cœur est l'un des passages du Livre des morts les plus fréquemment représentés. En images, voici la célèbre scène :

Le Livre des morts (extrait)

On y voit notamment Anubis, à tête de chacal, accroupi près de la balance ; Thot, à tête d'ibis, qui prend note du déroulement de la séance ; Osiris, qui siège au tribunal ; Ammout, la créature hybride à tête de crocodile, et au corps mi-lion, mi-hippopotame, qui dévore les âmes impures ; la plume d'autruche symbolisant Maât, la déesse de la vérité et de la justice, sur l'un des plateaux de la balance ; et le cœur du défunt de l'autre côté.

En ouverture de l'exposition Le crépuscule des pharaons au musée Jacquemart-André, une surprise de taille

Riche en trésors de toutes sortes, l'exposition Le crépuscule des pharaons au musée Jacquemart-André, démarre sur une excellente initiative : investir les pièces à vivre de l'hôtel particulier du boulevard Haussmann (habituellement réservées à la collection permanente, mobilier, objets décoratifs, peintures, sculptures...).

En images, la bande-annonce de l'exposition Le crépuscule des pharaons au musée Jacquemart-André :


Au rez-de-chaussée, vous croiserez donc au détour d'une tapisserie, d'une vitrine ou d'un guéridon, de magnifiques statues (monumentales pour certaines) dont une très belle effigie d’Osiris (Statue d’Osiris consacrée par Ptahirdis, Museum of Fine Arts, Boston). Mais ce n'est là qu'un avant-goût des réjouissances qui vous attendent, puisqu'une centaine de pièces d'exception, prêtées par des collectionneurs particuliers, et par les musées les plus prestigieux (British Museum de Londres, Ägyptisches Museum de Berlin, Metropolitan Museum de New York, Museum of Fine Arts de Boston, Musée du Louvre, Kunsthistorisches Museum de Vienne…), sont rassemblées, à cette occasion, dans le cadre enchanteur du musée Jacquemart-André ! Des statues, sculptures et bas reliefs aux sarcophages, masques et stèles funéraires, vases canopes, bijoux, papyrus et autres objets de culte, rien ne manque à ce parcours des plus dépaysants.
Une fois gravi l'imposant escalier d'honneur du jardin d'hiver, préparez-vous à découvrir quelques uns des mystères les mieux préservés d'une Égypte encore méconnue...

L'exposition Le crépuscule des pharaons : vivre pour mieux mourir

De l'Est à l'Ouest du Nil, l’Égypte antique vit au rythme du cycle magique de la vie et de la mort incarné par Osiris, par sa naissance, son trépas puis sa renaissance. Dans la continuité de ce schéma ancestral, l'exposition Le crépuscule des pharaons au musée Jacquemart-André, propose aux visiteurs d'explorer le monde des vivants avant de pénétrer dans l'au-delà, ce royaume occulte où seul un être vivant est amené à côtoyer les puissantes divinités égyptiennes, le pharaon.

A la conquête du domaine des vivants

Sous l'influence croissante des Romains, les Égyptiens qui, traditionnellement, identifiaient leurs pairs par leurs noms, gravés sous forme de hiéroglyphes, s'attachent de plus en plus à l'apparence, à la ressemblance des visages et à la morphologie des corps. Si les portraits du Fayoum témoignent de cette bascule progressive dans le figuratif, d'autres pièces, moins connues du grand public, illustrent la même idée. Présentée en France à l'occasion de l'exposition Le crépuscule des pharaons au musée Jacquemart-André, La Tête verte de Berlin (Ägyptisches Museum, Berlin), dont les traits d'une rare précision semblent s'animer sous nos yeux, en est une preuve stupéfiante. Et lorsque l'on sait que les diverses effigies d'hommes et de femmes égyptiens (debout, agenouillés, assis...) étaient destinés à orner leurs tombeaux et à se rappeler au bon souvenir de leurs proches, on regarde d'un tout autre œil les rides, barbes, crânes, bouches et oreilles des nobles et des prêtres qui surgissent dans la pénombre, les uns après les autres, nous chuchotant qu'eux aussi, un jour, ils ont vécu.

Tête verte de Berlin, © SMB Ägyptisches Museum und Papyrussammlung, Foto Sandra Steiß

Dans une petite salle de toute beauté, vous aurez aussi le privilège d'apprécier, en ivoire, en bois, en basalte ou en argent, les canons féminins de l'époque, grâce à magnifiques figurines aux formes généreuses.

Le fascinant royaume des morts

Ouchebti de Psammétique, © The Trustees of the British MuseumFoisonnant d'étranges symboles et d'énigmatiques inscriptions, l'art funéraire égyptien nourrit notre imaginaire depuis des siècles. Qui n'a jamais rêvé de percer les secrets du Livre des Morts, ce guide magique qui, imprimé sur des rouleaux de papyrus, permettait au défunt de se frayer un chemin dans le royaume des morts, d'éviter pièges et obstacles grâce à d'obscures formules, pour se présenter, sain et sauf, au tribunal d'Osiris ? Qui ne s'est jamais perdu dans la contemplation d'un sarcophage, entre hiéroglyphes et allégories abscons ? Qui n'a jamais cru, enfant, à la malédiction des momies arrachées à leur sommeil éternel par des explorateurs peu scrupuleux ?

Avec un matériel funéraire conséquent, présenté dans trois salles, l'exposition Le crépuscule des pharaons au musée Jacquemart-André, propose une immersion dans l'Amdouat (le monde souterrain) que vous n'êtes pas prêts d'oublier. Au programme : coffret à viscères et vases canopes (qui reçoivent les viscères du défunt lors de sa momification), mobilier funéraire (qui permet au défunt de poursuivre sa vie après la mort), sarcophage, papyrus magique, masque funéraire, oushebtis (serviteurs funéraires ayant pour mission d'aider le défunt au cours de son périple dans l'au-delà), table d’offrandes (gravés dans la pierre, les aliments (bière, pain, lait, poisson, viande, etc.) permettent au défunt de continuer à se nourrir), stèle funéraire, etc.

Coffret à viscères d’Ânkhemmaât, © D.R. Paul Louis

Grâce au papyrus dit « mythologique » (Kunsthistorisches Museum, Ägyptisch – Orientalische Sammlung, Vienne), extrait du Livre des Morts et dont l'état de conservation est remarquable, vous pourrez également suivre, vignette après vignette, un tronçon du long voyage que le défunt doit accomplir avant de se présenter devant Osiris. Quant à la dernière salle, elle offre une expérience hors-du-commun : s'imprégner de l'atmosphère d'un tombeau égyptien (plus précisément, de la dernière demeure d'Ânkhemmaât, un prêtre d'Héracléopolis ayant vécu au IVe siècle avant J.-C.), reconstitué derrière une immense vitrine. Mais on ne vous en dit pas plus, cette section étant l'une des belles réussites de l'exposition !

L'exposition Le crépuscule des pharaons : du pharaon aux dieux

A une époque de forts troubles politiques, les pharaons qui se succèdent à la tête de l’Égypte dite tardive laissent peu de traces de leur passage. Les exploits guerriers de leurs ancêtres sont bien loin, comme leurs triomphes architecturaux. Pourtant, même si nombreuses sont les représentations de ces pharaons éphémères qui ont succombé aux attaques du temps et des hommes, celles qui ont traversé l'histoire démontrent la persistance, au fil du temps, de ce rôle d'intermédiaire que tenaient les pharaons, donc leurs effigies, entre le monde des vivants et celui des morts, des hommes et des dieux.

Gayer-Anderson Cat, © The Trustees of the British Museum

Dieux qui, de leur côté, ne cessent d'apparaître sur tous les supports possibles et inimaginables (les parois des tombes, les piliers des temples, les bijoux, les amulettes, etc.), tout en se multipliant (chaque ville s'attribue une divinité, chaque pharaon son panthéon) quand ils ne mutent pas. Noyées sous une foule d'entités plus ou moins secondaires, jumelles ou polymorphes, les divinités primordiales comme Râ, Osiris, Bès, Isis ou Thot, perdurent néanmoins. En clôture de l'exposition Le crépuscule des pharaons au musée Jacquemart-André, vous pourrez donc admirer des sculptures et figurines en faïence, métal, bois, aux attributs de dieux légendaires comme Amon (ne manquez pas la statue d’Amon en or, Metropolitan Museum of Art, New York), Bastet (sous l'apparence caressante d'une chatte, avec la pièce Gayer Anderson Cat, (British Museum, Londres), ou terrifiante d'une lionne, avec une égide en or (Walters Art Museum, Baltimore)), Thot (en forme d'ibis (Kunsthistorisches Museum, Vienne) ou de babouin (Kunsthistorisches Museum, Vienne)) et Osiris, ou secondaires comme Hérichef, le Dieu bélier d’Héracléopolis, ou encore Somtous.

Statue de Thot sous forme d’ibis, © Kunsthistorisches Museum, Vienna

Auteur : Cécile Duclos

Informations pratiques :
Exposition Le crépuscule des pharaons au musée Jacquemart-André
Dates : du 23 mars au 23 juillet 2012
Adresse : Musée Jacquemart-André, 158 boulevard Haussmann 75008 Paris
Horaires : tous les jours y compris les jours fériés, de 10h à 18h ; nocturnes les lundis et samedis jusqu’à 21h.
Tarifs : plein 11 € ; réduit 9,50 € (enfants de 7 à 17 ans, étudiants et demandeurs d’emploi) ; gratuit pour les enfants de moins de 7 ans, les membres et personnel de l’Institut de France, les journalistes et les professionnels du tourisme, ainsi que les porteurs d'une carte d'invalidité.
Commissaires : Olivier Perdu

Mon espace conso
Le catalogue de l'exposition Le crépuscule des pharaons au musée Jacquemart-André :
Le Crépuscule des Pharaons : Chefs-d'oeuvre des dernières dynasties égyptiennes, Olivier Perdu, Fonds Mercator, 7 mars 2012, 240 pages.
Voir tous les produits (Livres, revues...) autour de l'exposition Le crépuscule des pharaons

Détail des illustrations et crédits photos : Masque funéraire d’Ânkhemmaât ; IVe siècle avant notre ère,  Nécropole tardive d’Héracléopolis Magna (Abousir el-Melek) ; Cartonnage stuqué, peint et doré ; H. 36 cm ; l. 21,5 cm ; P. 29 cm ; Collection privée ; © D.R. / Paul Louis.
Coffret à viscères d’Ânkhemmaât ; IVe siècle avant notre ère, Nécropole tardive d’Héracléopolis Magna (Abousir el-Melek) ; Bois stuqué et peint ; H. 64,5 cm ; l. 38,3 cm ; P. 40,5 cm ; Collection privée ; © D.R. / Paul Louis.
Ouchebti de Psammétique fils de Sébarékhit ; Fin de la XXVIe dynastie (664-525 avant notre ère) ; Nécropole memphite, Saqqara ; « Faïence » bleue ; H. 18, 5 cm ; Londres, British Museum ; Inv. EA 66822 ; © The Trustees of the British Museum.
Tête verte de Berlin ; Époque ptolémaïque (332-30 avant notre ère) et probablement Ier siècle avant notre ère ; Origine inconnue ; Grauwacke, H. 23 cm ; Berlin, Staatliche Museen zu Berlin, Ägyptisches Museum und Papyrussammlung, donation : James Simon ; Inv. 12500 ; © SMB Ägyptisches Museum und Papyrussammlung, Foto : Sandra Steiß.
Statue de Bastet sous forme de chatte dite « Gayer-Anderson Cat » ; XXVIe dynastie probablement (664-525 avant notre ère) ; Origine inconnue ; « Bronze » incrusté d’argent et anneaux en or ; H. 42 cm (34 cm sans les tenons), l. 13 cm, P. 23 cm  ; Londres, British Museum ; Inv. EA 64391 ; © The Trustees of the British Museum.
Statue de Thot sous forme d’ibis ; Basse Epoque (datée du VIe siècle avant notre ère) ; Origine inconnue ; Bois, argent, verre, stuc ; H. 28,8 cm ; l. 8,7 cm ; P. 22,2 cm ; Vienne, Kunsthistorisches Museum, Ägyptisch-Orientalische Sammlung ; Inv. ÄS 10073 ; © Kunsthistorisches Museum, Vienna.
Égide avec contrepoids ; Epoque libyenne (943 – 722 avant notre ère) ; Origine inconnue ; Or ; H. 7 cm ; l. 6,57 cm ; Baltimore, Walters Art Museum ; Inv. 57.540 ; Photo © The Walters Art Museum, Baltimore.



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