mardi 24 juillet 2012

Interview de Blake Worrell, le disciple de Platon fan d'electro-rap hip-hop

Interview de Blake WorrellOn nous avait prévenu : « Blake Worrell est d'une gentillesse incroyable ! ». Tout sourire, c'est donc en français que ce globe trotter d'origine californienne, vivant entre LA, Paris et Berlin, décide de répondre à nos questions. Replié dans un fauteuil club des Grands-Boulevards (il faut dire que Blake Worrell est grand, très grand, très très grand même !), ce savant fou expert des mélanges hautement explosifs de rap, d'electro et de hip-hop, nous parle de son dernier EP Blake it up ! et de son prochain album, de système solaire et de marionnettes, d'émotions et d'abstraction, de bête et de monde intérieurs, de perfectionnisme, de bonheur et de douleur, de T.C. Boyle et de 3D, de grand-mère et de saxophone... On pense à l'allégorie de la caverne de Platon, on tombe sous le charme du philosophe musicien, on quitte notre homme la tête retournée, un étrange sourire aux lèvres. Interview de Blake Worrell, le disciple de Platon qui aimait l'electro-rap hip-hop.

Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Le saviez-vous ? Avant de se lancer dans la musique, Blake Worrell était technicien du son dans le cinéma.

Interview de Blake Worrell : Blake it up !, un EP où l'émotion est reine

« On a tous une bête cachée à l'intérieur »

Comment est né votre EP Blake it up ! ?
Blake it up ! a toujours été là. En 2000, j'ai découvert The Puppetmastaz [NDLR : depuis plusieurs années, Blake Worrell fait partie du groupe de hip‐hop / marionnettes, The Puppetmastaz] à Berlin. Là-bas, beaucoup d'artistes travaillent ensemble, il y a une grande communauté artistique. J'ai trouvé mon style à ce moment-là, mais cela ne fait que trois ans que je ne suis plus, en permanence, derrière mes marionnettes. Blake it up !, c'est mon disque, mon style de musique à moi.

S'il devait y avoir un thème à l'EP Blake it up !, quel serait-il ?
Les émotions. Dans ce disque, je ne parle ni de moi, ni de vous, ni qui que ce soit, je cherche juste à exprimer mes sentiments. Et c'est très difficile de ne pas s'adresser à quelqu'un en particulier ! Il faut arriver à isoler les émotions universelles, celle qui sont communes à chacun d'entre nous, à tous les êtres vivants.

Le titre « Blake it up ! » a-t-il un lien avec votre nom de scène Blake Worrell ?
Oui, mais ce n'est pas un nom de scène, c'est mon vrai nom (rires) !

Passage obligé pour entrer dans la 3ème dimension : une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan (en carton, ça suffit).
Pour entrer dans la 3ème dimension, une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan suffit (n'hésitez pas à cliquer sur l'image pour l'agrandir).

Il n'y a donc pas de jeu de mot entre « Blake » et « Black » [NDLR : sur la pochette de l'EP Blake it up !, le visage de Blake Worrell est noirci] ?
Le mot « Blake » était utilisé en Grande-Bretagne au 17ème siècle pour dire « très noir » ou « très blanc », c'est ce que j'ai découvert sur Internet il y a quelques années. Dans la chanson The Beast Within, en effet, j'ai joué avec cette définition. Au départ d'ailleurs, je voulais appeler l'EP The Beast Within. Pour moi, ce titre résumait parfaitement le disque. On a tous une bête cachée à l'intérieur. Mais comme la chanson The Beast Within ne fait pas partie de l'EP, on a dû le nommer autrement.

« The Beast Within ne fait pas partie de l'EP », cela signifie-t-il qu'un deuxième album est en route ?
Je l'ai déjà terminé (rires) ! J'espère qu'il y aura une annonce très bientôt, dans les mois à venir. Mais je ne peux rien vous dire pour l'instant, rien n'est officiel. En ce moment, je travaille sur mon troisième album qui devrait être prêt avant la fin de l'année, pour une sortie prévue en 2013. J'essaie de faire un album par an (rires) !

Pour l'EP Blake it up !, avez-vous composé la musique, fait les arrangements vous-même ?
Nous avons fait les arrangements à deux, avec le producteur.

L'une des chansons de l'EP Blake it up ! a-t-elle une histoire particulière ?
Globe Trotter est très spéciale pour moi. C'est la dernière chanson sur laquelle j'ai travaillé, et lorsque je l'ai écrite, j'étais très près de là où je voulais aller, avec mon disque. Elle est donc extrêmement riche pour moi ! J'y parle de tournée, de ma vie, de mes sentiments, de mes addictions : je bouge sans arrêt, j'aime voir plein de gens, j'adore la foule... Pour moi, c'est très enrichissant. Mais il va falloir m'arrêter, parce que j'adore raconter des histoires sur mes albums (rires) !

Qu'avez-vous ressenti quand vous avez mis le point final à votre EP Blake it up ! ?
De la joie et du soulagement ! Je suis très perfectionniste quand j'écris des paroles de chanson (rires).

De Mars à Vénus, une interview de Blake Worrell dans l'espace

« Pour moi, Blake it up ! est un petit système solaire avec ses différentes planètes. »

Si votre votre EP Blake it up ! était un mot, ce serait ?
Un seul mot ? C'est une question difficile (rires) ! Je dirais – avec deux mots, je sais (rires) –, « bonheur » et « douleur ». Pour être honnête, la réalisation de ce disque n'a pas été facile ; pour chaque chanson, il m'a fallu recréer un ensemble d'émotions, comme le bonheur, l'impulsion, etc. Comme je vous l'ai dit, je ne voulais pas parler de mon expérience, ou de celle d'un autre ; ce qui m'intéresse, ce sont les émotions liées à ces expériences. Et là, cela devient vite compliqué.

Passage obligé pour entrer dans la 3ème dimension : une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan (en carton, ça suffit).
Pour entrer dans la 3ème dimension, une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan suffit (n'hésitez pas à cliquer sur l'image pour l'agrandir).

Une ville ou un pays ?
Pour moi, Blake it up ! est un petit système solaire avec ses différentes planètes. Mars, qui est très accidentée, c'est Walkin' the walk. Venus, qui très lumineuse, très chaude, c'est Breeze. La terre, c'est Blake it up ! (rires) ! Jupiter, où il y a plein de gaz, c'est Bumperz. Et Neptune, où il y a de belles couleurs, de la lumière, du bleu, c'est Globe Trotter. Voilà, un vrai système solaire (rires) !

Un film ?
Si Blake it up ! était un film, il serait composé de plusieurs histoires – avec des personnages qui n'auraient rien à voir les uns avec les autres – qui à la fin, se rejoindraient comme dans Grand Canyon, ou 21 Grammes. Prenez Walkin' the Walk et Breeze, par exemple. Walkin' the Walk, c'est : « j'aime ça, faire ce que je fais, et je me fiche complètement de ce que les gens pensent de moi ». Breeze, c'est : « oui, je peux faire tout ce dont j'ai envie », comme si c'était un enfant qui chantait. Dans ces deux morceaux, le message est similaire, mais la façon de le délivrer est différente. Il y a donc une relation entre les deux chansons qui néanmoins, se distinguent dans leur manière d'exprimer les choses.

Un poème ou un roman ?
The Tortilla Curtain de T.C. Boyle. L'histoire est construite sur plein de personnes différentes qui mènent des existences radicalement opposées et qui, finalement, se retrouvent toutes ensemble suite à une catastrophe naturelle. A nouveau, tout est question de connexion (rires) !

Entre abstraction et monde intérieur, une interview de Blake Worrell placée sous le signe de la philosophie

« Avec nos yeux, on ne fait que voir ce qu'il y a à l'extérieur, mais à l'intérieur, il y a tout un monde »

Vous parlez d'émotions, d'universalité des choses... Quelle est votre vision du monde ?
Vous savez, je vis dans un autre monde, un monde où il y a énormément de métaphores, de choses abstraites. Pour moi, tout est double, il y a deux définitions pour tout. J'adore vivre dans un monde abstrait en fait (rires) ! Et j'essaie toujours d'aller au-delà des jugements. Si l'on me prend pour un fou, qu'importe ? Le monde dans lequel on vit n'est-il pas complètement fou lui aussi ? Ce qui m'intéresse, c'est définir les choses, essayer de comprendre leur sens. C'est pourquoi je m'attache aux émotions avant tout, pas à ce qui les inspire. Pour ce disque, j'ai voulu me concentrer sur le monde qui m'entourait comme si j'étais aveugle. Avec nos yeux, on ne fait que voir ce qu'il y a à l'extérieur, mais à l'intérieur, il y a tout un monde, même s'il est très sombre au premier abord. Souvent, j'imagine la dimension abstraite des choses, leur complexité. En tant qu'êtres humains, nous ne voyons que leur aspect concret [NDLR : Blake Worrell tape sur l’accoudoir en bois de la chaise]. Et rien n'est relié, il n'y a pas de connexion physique entre les différents éléments. C'est comme avec la 3D : ce que l'on voit avec les lunettes, ce n'est pas ce que montre l'image. Peut-être existe-t-il des êtres qui ne sont pas de ce monde, mais qui voient notre univers dans sa globalité, alors que nous, nous ne le percevons que comme une multitude de morceaux. C'est très abstrait, tout ça, mais pour moi, le monde dans lequel nous vivons, paradoxalement, a de nombreuses connexions tout en étant extrêmement morcelé.

Passage obligé pour entrer dans la 3ème dimension : une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan (en carton, ça suffit).
Pour entrer dans la 3ème dimension, une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan suffit (n'hésitez pas à cliquer sur l'image pour l'agrandir).

C'est une idée très intéressante...
Et nous, nous devons nous adapter à ce monde-là, réaliser qu'il y a quelque chose, qu'il existe des connexions possibles. Nous sortons, nous allons dîner, nous rencontrons de nouvelles personnes, dont nous devenons parfois proches. Nous sommes tous très ouverts, nous avons une chance d'aller au-delà des choses. C'est ce que j'essaie de faire avec cet EP, grâce aux paroles des chansons. Et dans le même temps, je tente de me connecter avec le monde matériel pour trouver un équilibre. Blake it up !, il ne faut pas l'oublier, c'est à la fois le noir et le blanc (rires) !

Interview de Blake Worrell, le penseur globe trotter

« J'aime écouter les gens parler, apprendre des choses sur eux. C'est un peu comme s'imprégner d'un rôle pour un film ; un personnage a beau être mauvais, ou ennuyeux, il y a toujours quelque chose d'intéressant à savoir, sur lui ou sur l'histoire. »

Quel chemin avez-vous parcouru entre votre premier album The Second Coming et l'EP Blake it up ! ?
The Second Coming [NDLR : que vous pouvez écouter ici], qui est sorti il y a deux ans déjà, est une sorte de livre musical : il y a une histoire, un lien entre les morceaux. Je l'ai écrit en moins de deux mois, et c'est avec ce disque que la dimension psychologique de la musique m'est apparue. D'une certaine façon, je suis entré dans ma tête pour en extraire des réflexions ; et là, j'ai découvert tout un monde ! Ensuite, j'ai enchaîné avec Blake it up !. Mais pour cet EP, les choses se sont passées différemment. Les chansons sont arrivées une à une, et à chacune d'entre elles, je suis entré dans un univers différent. La première, par exemple, m'a permis d'explorer les sentiments que l'on ressent grâce à la musique.

La musique est-elle une source d'inspiration pour vous ?
Oui, bien sûr, mais pas uniquement. L'inspiration vient aussi des autres. A Paris, à Berlin, en tournée, je passe beaucoup de temps dans les cafés. J'aime écouter les gens parler, apprendre des choses sur eux. C'est un peu comme s'imprégner d'un rôle pour un film ; un personnage a beau être mauvais, ou ennuyeux, il y a toujours quelque chose d'intéressant à savoir, sur lui ou sur l'histoire.

Justement, vous vivez entre Paris, Berlin et Los Angeles. Votre vie est-elle différente dans chacune de ces villes ?
Oui, bien sûr ! J'aime beaucoup Berlin, même si c'est parfois triste avec le mauvais temps. C'est une ville très favorable à la créativité artistique. J'ai pu écouter énormément d'artistes là-bas ! Et la vie n'est pas chère, ce qui est appréciable. En plus, il n'y a pas d'horaire ; quand on cherche l'inspiration à 3 heures du matin, on peut sortir. Les métros et les bus fonctionnent, tout est ouvert. On ne trouve ça nulle part ailleurs, dans aucune autre grande ville. A Los Angeles, il y a bien des lieux qui ne ferment pas, mais ce n'est pas pareil. C'est souvent lié à la culture underground, et c'est très rare. Si l'on veut vraiment trouver quelque chose d'ouvert à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, c'est à Berlin qu'il faut aller. A Paris, il y a beaucoup d'énergie, de force. C'est un peu comme New York, tout va vite ; c'est « go go go go », et j'aime ça aussi. Quant à Los Angeles, c'est très business... Mais c'est ma maison, alors j'y suis attaché.

Vous voyagez beaucoup ?
Oui, énormément, et cela me permet de découvrir plein de cultures différentes. Au nord de l'Europe, ce n'est pas pareil que dans le sud. En France et en Belgique, c'est différent. En Amérique, il y a le Mexique, le Brésil tout près, et c'est très surprenant ! C'est une chance, pour moi, de pouvoir voyager aussi souvent !

Passage obligé pour entrer dans la 3ème dimension : une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan (en carton, ça suffit).
Pour entrer dans la 3ème dimension, une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan suffit (n'hésitez pas à cliquer sur l'image pour l'agrandir).

De quels instruments de musique jouez-vous ?
De la batterie, du clavier et de l'harmonica. Plus jeune, je jouais du saxophone, mais je n'en fais plus (rires) !

Quel a été le déclic pour faire de la musique votre métier ?
Ma grand-mère jouait du piano quand j'étais petit, je pense que c'est elle qui m'a donné envie de faire de la musique. Tout a commencé avec cet instrument, et puis j'aime beaucoup la musique classique et je suis un grand fan de jazz. Grâce à ma mère, aussi, j'ai beaucoup d'autres influences musicales.

Quel effet cela vous fait-il de revenir sur scène en tant que Blake Worrell ?
J'ai hâte ! Ces 10 dernières années, j'ai fait plus de 600 concerts avec les Puppetmastaz. Énormément de gens m'ont entendu – presque un demi million ! –, me connaissent au travers de mes chansons, mais ne m'ont jamais vu. Je suis heureux de sortir de l'ombre ! Je vais enfin avoir l'occasion d'établir un lien direct avec eux. Je ne cherche pas à capter l'attention à tout prix, j'aimerais juste partager quelque chose de fort, atteindre mon public, me connecter avec lui tout en étant réellement, entièrement moi-même. Et j'espère bien que les gens pourront, eux aussi, « se connecter » avec moi (rires) !

Pour terminer, des dates de concert sont-elles prévues dans les semaines qui viennent ?
Cet été, je joue à Liège au festival Les Ardentes, où 50 Cent se produit aussi. Et puis il y aura d'autres dates, bien sûr. J'espère qu'il y en aura plein (rires) !

Interview réalisée par Cécile Duclos le 11 juin 2012

Blake Worrell, Blake it up !, 11 juin 2012

Retrouvez Blake Worrell sur le web : sur son site officiel, sur myspace, sur facebook et sur twitter.

Blake Worrell sera en concert le :
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03/08/2012 au Petit Bain, à Paris (75013)



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