lundi 16 juillet 2012

Interview de Yann Destal, la sensibilité faite homme

Interview de Yann Destal, la sensibilité faite hommeEn attendant le deuxième album de Yann Destal à paraître en octobre 2012, c'est à l'occasion de la sortie de son nouvel EP Stay By Me (près de 30 minutes de béatitude !) que nous rencontrons cet artiste hors norme qui revient sur le devant de la scène après huit ans d'absence. Une retraite des plus productives pour un écorché vif du star system dont la sensibilité musicale, à fleur de peau, nous laisse sans voix... Du paradis décaféiné de George Clooney aux bancs des écoles de musique, des pyramides de Gizeh à Pompéi, de son appartement avec flûtes, piano, guitares, harmonicas et clarinettes (mais sans télévision) à la scène derrière un micro : Interview de Yann Destal, un musicien-né aussi passionné que profondément humain.

A venir : Chronique du prochain album de Yann Destal

Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Bonus : A la question « Avez-vous une batterie chez vous ? », Yann Destal répond :
Je n'ai pas de batterie, non, et ça me manque cruellement ! Mais j'ai un piano, une guitare, des clarinettes et des flûtes... J'ai quand même de quoi faire !

Interview de Yann Destal : Stay By Me, l'EP de la rédemption

« Ce n'est pas si facile de rompre. (…) Même si cela se fait progressivement, il y a toujours un jour où la décision est prise. Il faut alors se séparer de la personne qui, la veille, était la plus importante pour soi. Subitement, il faut la laisser tomber, même couper les ponts ; c'est assez violent... »

Pouvez-vous nous parler de la création de votre dernier EP Stay By Me ?
Depuis 2004 environ, date de sortie de mon premier album, je n'ai pas cessé d'enregistrer, la plupart du temps seul, de nouveaux morceaux. Du coup, ce n'est pas que je suis perfectionniste (rires) mais j'ai pas mal de titres aujourd'hui alors je peux faire un tri. Pour mon prochain album [NDLR : dont la sortie est prévue en octobre 2012], j'ai beaucoup apprécié le fait de ne plus être dans le circuit du disque professionnel – avec ma maison de disque, nous nous sommes séparés d'un commun accord –. Cela m'a permis de renouer avec ce que représente la musique à l'origine pour moi, avec ces raisons mêmes qui font que tout petit, on sait déjà que c'est cela que l'on veut faire. Avec Modjo [NDLR : Yann Destal a fondé le groupe Modjo avec Romain Tranchart il y a une dizaine d'années], comme avec mon premier disque solo, j'ai peut-être passé trop de temps dans quelque chose de trop extrême, de trop fort. Il y a la pression, et tous ces facteurs à prendre à compte qui ne sont pas toujours liés au domaine artistique. En enregistrant mes nouvelles chansons, j'ai redécouvert la liberté totale de ne plus avoir de référents.

En vidéo, une très belle version au piano du titre You know me extrait du nouvel EP de Yann Destal, Stay By Me :


Comment composez-vous vos morceaux ?
Chaque chanson a son histoire, sa « méthode ». Parfois je compose au piano, parfois à la guitare, parfois c'est en improvisant, parfois en empruntant à un morceau une idée qui mute ensuite en quelque chose d'autre. Par exemple, Life It Goes On m'est venue en rêve, pendant que je dormais. Il y avait quelque chose de blanc, de nuageux, qui ressemblait un peu à ce que l'on peut voir dans la publicité Nespresso quand John Malkovitch accueille George Clooney au Paradis (rires), et j'entendais « Life it Goes On ! ». L'un de mes amis était là, aussi, et chantait une autre partie de la chanson. Quand je me suis réveillé, je n'avais plus qu'à écrire le couplet. Il y a donc plein de manières différentes d'écrire des morceaux (rires) ! Et c'est vrai que j'aime beaucoup composer en rêve, c'est très amusant, même si ça fait longtemps que ça ne m'est pas arrivé et que l'on ne souvient pas toujours des mélodies au réveil.

Quelles sont les conditions qui sont, généralement, propices à la création artistique ?
Il n'y a pas vraiment de condition ou de moment ; d'ailleurs, ce n'est pas forcément quand toutes les conditions sont réunies que l'inspiration vient. Ah si, parfois, dormir peut être une bonne condition (rires) ! Ou jouer avec d'autres musiciens, ça donne des idées aussi. La nuit, cela dit, est souvent plus propice pour moi que la journée, et j'ai beaucoup de chance parce que je peux jouer du piano à une heure, deux heures du matin chez moi sans déranger les voisins.

Passage obligé pour entrer dans la 3ème dimension : une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan (en carton, ça suffit).
Pour entrer dans la 3ème dimension, une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan suffit (n'hésitez pas à cliquer sur l'image pour l'agrandir).

Quand vous écrivez des paroles de chansons, quelles sont vos sources d'inspiration ?
Tout dépend des morceaux mais avant tout, c'est la musique qui m'inspire. Je cherche toujours à savoir de quoi parlerait une chanson si c'était une scène de film, de comédie musicale ou autre. En général, tout commence comme ça, mais ça m'est aussi arrivé ces derniers temps – même si je ne pense spécialement que je repartirai dans cette direction-là – d'écrire des chansons en renouant avec le rôle qu'avait l'artiste dans le passé. A l'époque, il y avait toujours une dimension poétique à la musique, de manière plus ou moins éloquente. Enfin, je trouve qu'il se passe des choses importantes en ce moment, et que c'est intéressant de se désolidariser un peu des médias pour voir la politique d'un autre œil, en allant sur Internet par exemple, mais en recoupant bien les informations, évidemment, pour ne pas tomber dans des histoires trop fantaisistes. J'ai écrit un morceau qui parle un peu de ça et qui s'appelle Walk with me.

Quand vous parlez de politique, est-ce de politique nationale ou internationale ?
Plutôt de politique internationale, mais cela rejoint aussi la France. Actuellement, nous vivons tous dans un système mondial, ce qui marche pour un pays peut marcher pour d'autres.

Si votre EP racontait une histoire, ce serait ?
A posteriori – ce n'est jamais vraiment intentionnel sur le moment –, j'ai remarqué que mon premier album solo The Great Blue Scar parlait surtout d'éloignement, de désaliénation, d'affranchissement. Dans des morceaux comme Outta my life, on raye les gens de notre vie, on sort d'une emprise. A l'image du titre Let Me Be Mine, mon nouvel album – là aussi, je m'en rends compte a posteriori – s'inscrit dans la suite logique du précédent puisqu'il y est question de se réapproprier soi-même, de refermer ses blessures, de reprendre ses forces ; laissez-moi redevenir qui je suis, et pas ce que l'on aimerait que je sois.

Yann Destal, tous droits réservés

Pouvez-vous nous parler du single Life It Goes On ?
C'est une chanson d'amour – je n'en écris pas souvent, d'ailleurs –, et c'est peut-être pour cette raison qu'elle a été choisie comme single ; les chansons d'amour parlent à plus de gens. Dans ce morceau, je voulais aborder une position particulière et assez compliquée à gérer, celle du bourreau, de celui qui quitte l'autre et qui pourtant, lui aussi, souffre et a besoin de réconfort. Ce n'est pas si facile de rompre. On a souvent l'impression que c'est dur d'être quitté, mais parfois, l'inverse est vrai aussi. Il faut tout abandonner, souvent du jour au lendemain ; et même si cela se fait progressivement, il y a toujours un jour où la décision est prise. Il faut alors se séparer de la personne qui, la veille, était la plus importante pour soi. Subitement, il faut la laisser tomber, même couper les ponts ; c'est assez violent...

Si Stay By Me, votre EP, reflétait une émotion, ce serait ?
Un combat personnel, une quête de soi contre vents et marées. Cela rejoint ce que je disais, cette idée de se réapproprier soi-même. C'est très compliqué à tous les niveaux : par rapport à sa famille parfois, mais aussi à son entourage, à la société... C'est dans cette dynamique-là que j'ai décidé de ne plus regarder la télévision. Depuis, j'ai l'impression d'avoir retrouvé une autonomie de pensée beaucoup plus grande, beaucoup plus variée aussi. J'essaie de ne plus choisir entre tel et tel avis qui souvent, au final, se rejoignent.

Interview de Yann Destal, le multi-instrumentiste qui ne voulait pas être chanteur

« Après des années à renouer avec la musique « hors système », à jouer essentiellement pour moi ou pour un public restreint, je suis content parce que j'ai fini par rencontrer des gens – avec qui je travaille aujourd'hui – qui respectent ma musique telle qu'elle est, qui ne me font aucune leçon de moral et que je trouve tout simplement humains. »

Vous jouez de nombreux instruments de musique, pouvez-vous nous en parler ?
J'ai commencé la musique très tôt en étudiant la flûte à bec pendant quatre ans, avant de me mettre à la clarinette. Ensuite, je ne sais pas pourquoi, je me suis passionnément épris de la batterie. C'est dans cet instrument que je me suis plus particulièrement investi, techniquement parlant. J'ai pris des cours pendant 10-13 ans, j'ai passé des examens, j'ai joué devant des jurys, j'ai été batteur dans plusieurs groupes...

...et pour le chant ?
C'est avec Modjo que j'ai véritablement commencé à chanter ; avant, lorsqu'il m'arrivait de chanter, c'était seul sur des accompagnements à la guitare, pour composer des morceaux. Quelque chose me gênait dans l'image que j'avais du chanteur, au sein d'un groupe. Souvent, musicalement parlant, c'est le moins compétent ; il ne compose pas toujours, il ne sait pas tenir une guitare, en revanche, c'est lui qui ramène les filles (rires) ! Au bout d'un moment, je suis tout de même parvenu à surmonter ce blocage, à m'assumer en tant que chanteur. Et maintenant, je suis très heureux de chanter !

Yann Destal, tous droits réservés


Quelle est la place de la musique dans votre vie ?
Elle est très grande, trop grande, même, si je n'y prenais pas garde ! Comme beaucoup d'artistes, je pourrais facilement tomber dans ce travers qui consiste à faire de la musique une sorte de religion, presque une seconde identité. Alors je fais attention, je m'arrange pour que la musique ne prenne pas plus de la moitié mon temps, pour continuer à vivre à côté. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que j'ai choisi Yann Destal comme nom de scène, et pas Yann Destagnol. Je sépare bien les deux personnages, et cela permet à l'homme que je suis vraiment de s'épanouir autant que possible. La musique occupe donc une place très importante, parfois plus que tout le reste, mais j'essaie de la canaliser afin qu'elle ne prenne pas le pas sur ma vie privée.

Quelles sont ont été vos grands coups de cœur musicaux ?
Ça fait longtemps que je n'en ai pas eus ! Et finalement, il n'y en a pas eu tant que ça... J'ai l'impression qu'aujourd'hui encore, nous sommes tous très influencés par la musique des années 60, 70 et 80 – et un peu, quand même, des années 90 –. Du coup, en tant qu'artiste, je trouve ça plus intéressant d'écouter les originaux, Bob Dylan, David Bowie, les Pink Floyd, tout ce qui a été fait à cette époque-là, dans le rock et la pop.

En version guitare-voix-piano, Life it goes on, également extrait du nouvel EP de Yann Destal, Stay By Me :



Si vous pouviez donner un concert dans n'importe quel lieu ou monument historique, où vous produiriez-vous ?
Je serais tellement content si on me posait réellement cette question-là (rires) ! J'y réfléchirais longtemps, je crois, avant de me décider !... Un endroit extérieur dans un pays où il fait bon, peut-être, mais pas forcément un stade. Jean-Michel Jarre a eu une formidable idée en jouant près des Pyramides de Gizeh ! Et les Pink Floyd, à Pompéi ! Si je pouvais jouer n'importe où, je choisirais un lieu comme ça, qui n'est pas initialement prévu pour un concert mais qui est habité, qui a une âme, une histoire.

Pour terminer, quels sont vos projets ?
Mon album – il y aura aussi des concerts, bien sûr –, qui va bientôt sortir puisqu'il est prévu pour octobre ! Après des années à renouer avec la musique « hors système », à jouer essentiellement pour moi ou pour un public restreint, je suis content parce que j'ai fini par rencontrer des gens – avec qui je travaille aujourd'hui – qui respectent ma musique telle qu'elle est, qui ne me font aucune leçon de moral et que je trouve tout simplement humains. Du coup, j'ai de nouveaux projets, et je suis prêt à retenter quelque chose dans un circuit plus officiel.

Interview réalisée le 13 juin 2012 par Cécile Duclos

Yann Destal, EP Stay By Me, 14 juin 2012

Retrouvez Yann Destal sur le web : sur son site officiel, sur wikipedia, sur myspace, sur facebook et sur twitter.

FNAC_generiq.gif

Mon espace conso
Le dernier EP de Yann Destal (en téléchargement MP3) :
Stay By Me, Yann Destal, Gourmets Rec / Else Music, 14 juin 2012.
Voir tous les produits (CD, mp3, collectors...) autour de Yann Destal



Articles liés

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ca faisait bien longtemps que j'attendais une interview intéressante de Yann Destal. Merci et bravo !

Anonyme a dit…

Merci de nous avoir donné des infos sur Yann Destal. En attendant impatiemment le prochain album, bonne chance à Yann Destal pour le faire vivre sur scène. A bientôt donc.

Enregistrer un commentaire

 
Design by Free WordPress Themes | Bloggerized by Lasantha - Premium Blogger Themes | Best WordPress Themes