L'exposition Modigliani, Soutine à la Pinacothèque de Paris

Quel est le point commun entre Modigliani, Soutine et Utrillo ? Jonas Netter, le collectionneur d'art éclairé qui, parmi les premiers, repéra ces peintres dont la notoriété, aujourd'hui, atteint des sommets (souvenez-vous de La Belle Romaine qui, en 2010, a dépassé la coquette somme de 68 millions de dollars lors d'une vente de Sotheby's). Jusqu'au 9 septembre 2012, l'exposition Modigliani, Soutine à la Pinacothèque de Paris propose un parcours inédit (doublé d'une occasion unique), la découverte de la collection très particulière de Jonas Netter, cet énigmatique visionnaire dont les acquisitions, rarement montrées au public, appartiennent aujourd'hui encore, pour la plupart, à des collections privées.

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Le saviez-vous ? En échange de 15 francs par jour, du matériel (toiles, pinceaux, peinture, modèles...) et d'un toit, Modigliani a accordé, pendant les dernières années de sa vie, l'exclusivité de sa production au marchand d'art Léopold Zborowski.

L'exposition Modigliani, Soutine à la Pinacothèque de Paris présente Jonas Netter, collectionneur et mécène

« Le bonheur est un ange au visage grave. » (Modigliani)

Si vous vous demandez (à juste titre !) qui était Jonas Netter, cet homme de l'ombre auquel rend aujourd'hui hommage l'exposition Modigliani, Soutine à la Pinacothèque de Paris, voici l'histoire de cet Alsacien d'origine juive qui se retrouva, en peu de temps, en possession d'une quarantaine de toiles de Modigliani...

Jonas Netter, Modigliani et Zborowski

Représentant de commerce à Paris, pianiste et amateur d'art, Jonas Netter n'est pas suffisamment riche pour laisser libre court à sa passion dévorante ; impossible, avec son salaire, d'acquérir les peintures impressionnistes qu'il admire tant dans les musées. Il décide alors de partir à la recherche d'artistes moins cotés dont il pourrait, éventuellement, acheter les tableaux. C'est alors qu'entre en scène Léopold Zborowski, un marchand d'art polonais, poète à ses heures (il a suivi, avec plus ou moins d'assiduité, des études de lettres à la Sorbonne), peu honnête et beau parleur.

Dans sa caverne d'Ali Baba (à son domicile ; puis en 1926, dans une galerie où le marchand s'installe rue de Seine), Jonas Netter a son premier coup de cœur : Modigliani, qui n'intéresse personne à l'époque, bouleverse notre esthète alsacien. Il achète une, puis deux, puis des dizaines de toiles de l'artiste ; toutes celles, finalement, qui transitent par la réserve de Zborowski. Ses amis se moquent de lui, ses acquisitions sont qualifiés « d'horreurs », mais notre collectionneur fou, impassible, ne s'en offense guère. Son enthousiasme est tel, au contraire, qu'il fait la promotion du peintre en herbe dès que possible, comme en Argentine où il expédie quelques toiles sans se soucier le moins du monde de la rentabilité financière de ses transactions.

Jonas Netter, Soutine et l’École de Paris

Quand Jonas Netter connaît sa seconde extase (toujours grâce à Zborowski), c'est pour un peintre expressionniste russe, Soutine. Conquis, le collectionneur ouvre alors son champ d'investigation à d'autres artistes, pour la plupart, à l'image de Soutine, membres de l'École de Paris. Parmi eux, citons Utrillo, que l'on ne présente plus ; sa mère, Suzanne Valadon, une ancienne acrobate devenue une figure de Montmartre ; le franco-polonais Kisling, un ami de Modigliani que l'on connaît surtout pour ses portraits et ses nus ; Hayden, un autre peintre d'origine polonaise proche de Cézanne et des cubistes ; le Moldave Antcher dont Zborowski achète la totalité de la production ; Derain, cet amateur français d'Arts Primitifs qui a participé à la fondation du fauvisme ; Vlaminck, un autre fauviste, également poète et écrivain ; et les Russes Kikoïne et Kremègne, deux amis de Soutine.

Des années folles à l'entre-deux-guerres, entre Montmartre et Montparnasse, Jonas Netter s'immerge dans un milieu culturel en pleine effervescence. C'est l'époque des cabarets et de la Bohème, de l'absinthe et de la douce folie artistique, des bals et des fêtes costumées. On y rencontre des peintres (Modigliani, Picasso, Fernand Léger, Chagall, Foujita, Juan Gris), mais aussi des sculpteurs (Zadkine, Brancusi) et des photographes (Man Ray), des poètes et des écrivains (Gertrude Stein, James Joyce, Ernest Hemingway, Henry Miller, Jean Cocteau), et puis, pêle-mêle, des ouvriers, des bourgeois et des mondains (comtes, princes...), des danseuses de french cancan et des acrobates de music hall, et bien d'autres personnages encore !

Les trésors cachés de l'exposition Modigliani, Soutine à la Pinacothèque de Paris

« Les idées ne suffisent pas, il faut le miracle. » (André Derain)

Avec un total de 125 tableaux, l'exposition Modigliani, Soutine à la Pinacothèque de Paris ne se contente pas de présenter les peintures, certes remarquables, des illustres Modigliani et Soutine. Elle permet aussi de découvrir, avec un émerveillement non dissimulé, un échantillon représentatif des trésors amassés au fil du temps par le collectionneur parisien : les créatures charnelles et flamboyantes de Suzanne Valadon ; les paysages neigeux et pluvieux d'Utrillo et ceux, immortalisés par aplats de couleurs vives, de Derain et Vlaminck ; les mystérieuses forêts d’Isaac Antcher qui semblent grouiller d'esprits ancestraux...

Parmi les joyaux, tous issus de collections privées, ne manquez pas les deux fillettes croquées par Modigliani avec d'un côté, la sage Elvire au col blanc (Elvire à la collerette) (1917-1918) et de l'autre, l'espiègle et presque inquiétante Fillette en bleu (1918) ; du même peintre, le magnétique Portrait de la jeune fille rousse (Jeanne Hébuterne) (1918) – sa compagne –, le torturé Portrait de Soutine (1916) et le Portrait de Zborowski (1916) ; la très belle femme nue au longs cheveux, debout au milieu des draperies rouge et jaune d'une chambre à coucher, peinte par Suzanne Valadon (Nu se coiffant, 1916) ; la magique Femme au pull-over rouge (1917) de Kisling, que l'on pourrait regarder coudre pendant des heures et des heures ; et l'étrange Sous-bois avec personnage (1929) d'Isaac Antcher, hypnotisant.

En images, la présentation de l'exposition Modigliani, Soutine à la Pinacothèque de Paris :

Vous l'avez sans doute compris, ce n'est pas tous les jours qu'autant de grands tableaux obtiennent, auprès de leur collectionneur privé, une permission de sortie, alors n'hésitez pas à profiter de ces quelques semaines de vacances pour faire plus ample connaissance avec les richesses, insoupçonnables pour beaucoup, du méconnu Jonas Netter.

Auteur : Cécile Duclos

Informations pratiques :

Exposition Modigliani, Soutine à la Pinacothèque de Paris

La Collection Jonas Netter, Modigliani, Soutine et l'aventure de Montparnasse

Dates : du 4 avril au 9 septembre 2012

Adresse : Pinacothèque de Paris, 8 rue Vignon, 75009 Paris

Horaires : tous les jours de 10h30 à 18h30 ; nocturnes tous les mercredis et vendredis jusqu'à 21h.

Tarifs : plein 10 €, réduit 8 €

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Le catalogue de l'exposition Modigliani, Soutine à la Pinacothèque de Paris : Modigliani, Soutine et l'aventure de Montparnasse : La collection Jonas Netter, Marc Restellini, Pinacothèque de Paris, mars 2012, 281 pages Voir tous les produits (Livres, collectors...) autour de la collection Jonas Netter
La brochure de l'exposition Modigliani, Soutine à la Pinacothèque de Paris : Modigliani, Soutine et l'aventure de Montparnasse : La collection Jonas Netter. Pinacothèque de Paris, 4 avril 2012 - 9 septembre 2012, Marc Restellini, Pinacothèque de Paris, mars 2012, 64 pages Voir tous les produits (Livres, collectors...) autour de la collection Jonas Netter
L'excellente bande-dessinée Kiki de Montparnasse : Kiki de Montparnasse, Catel et José-Louis Bocquet, Casterman, mars 2007, 374 pages Voir tous les produits (Livres, BD...) autour de Kiki de Montparnasse

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