Ça y est, c'est la rentrée, des classes, des films, des livres aussi. Cette année, 646 romans sont prévus courant de l’automne dont certains très attendus comme le Barbe bleu de la coutumière Amélie Nothomb ou les non moins habitués Olivier Adam, Laurent Gaudé (mais où est passé Mathias Énard ?) sans parler de celui de Sylvie Taussig (1770 pages, ça va me tenir jusqu’à la rentrée prochaine. Mais pour l’heure, revenons sur quelques-unes de ces romancières que j’ai découvertes cette année et qui ont retenu toute mon attention. Aujourd’hui, petit article consacré à Alma Brami.
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Le saviez-vous ? Alma Brami est également comédienne. En 2009, elle a joué dans La voix humaine, un monologue de Cocteau, au théâtre ciné 13 à Paris.
Le saviez-vous ? Alma Brami est également comédienne. En 2009, elle a joué dans La voix humaine, un monologue de Cocteau, au théâtre ciné 13 à Paris.
Alma Brami, Sans elle
Dans un autre style que Delphine Bertholon (lire notre article Delphine Bertholon, de Twist à L'effet Larsen) mais tout aussi bouleversants, les romans d’Alma Brami sont loin de me laisser de marbre tant l’émotion est omniprésente. Comment passer à côté de Sans elle, son premier roman, légitimement remarqué et remarquable par la force émotionnelle qu’il dégage ?
Léa a dix ans quand, juste après la mort de son père, elle perd sa petite sœur Solène dans un accident. Solène, cette petite fille pleine de vie, gaie, enfant choyée et adorée de tous. Mais Solène n’est plus, et le monde de Léa s’écroule alors que celui de sa mère s’effondre. C’est l’histoire d’une absence, d’un deuil - le pire à faire, pour une mère - qui est relatée dans ce roman d’une force et d’une justesse incroyables. Léa raconte sa vie après Solène, sa vie sans Solène, avec cette mère littéralement anéantie par la perte de sa fille cadette et qui, jour après jour, perd pied jusqu’à en oublier et délaisser sa fille aînée. Comment survivre après un tel drame et cette éternelle question : « pourquoi elle et pas moi ? ».
C’est avec les mots d’une petite fille de dix ans qui aurait grandi d’un coup qu’Alma Brami dresse des portraits touchants et décrit la relation de cette mère brisée par la douleur et le chagrin qui glisse inexorablement et qui finit irrémédiablement par basculer dans une dépression violente, cruelle, intolérable, qu’on soupçonne incurable, avec sa fille aînée, Léa, son unique raison de vivre qu’elle abandonne pourtant, la laissant face à ses propres angoisses, sa propre douleur, sa propre peine et qui, en tant que survivante, doit affronter un monde adulte qui la dépasse mais qu’elle finira par apprivoiser pour protéger, délivrer sa mère et la sauver du monde des morts. Comme dans les romans de Delphine Bertholon, Alma Brami traduit merveilleusement cette relation viscérale et inversée mère-fille. Une fois encore, les actions salvatrices proviennent de l’enfant qui, par pudeur, va même jusqu’à cacher sa peine à sa mère, s’oublier pour sauver sa mère du monde des fantômes dans lequel elle erre et s’enferme jusqu’à la déchéance la plus totale. Léa soutient sa mère, prend en charge le quotidien de la maison (ramener à manger de la cantine, tenter de garder la maison propre, en vain) et tente de sauver les apparences vis-à-vis des voisins et à l’école pour ne pas être séparée d’elle. Et même si la mère de Léa n’est plus que l’ombre d’elle-même, Léa fera tout pour la sauver et la ramener à la vie. Et c’est à force d’amour, d’entêtement et de courage qu’elle parviendra à la retrouver, à croiser de nouveau son regard plein d’égards et de tendresse.
En empruntant la voix d’une fillette, l’auteure évoque avec innocence et pudeur la perte d’un enfant avec simplicité mais également avec une émotion forte et profonde, car ces paroles d’enfant ne sont pas sans nous rappeler les nôtres quand nous-mêmes étions enfants et que nous avions à vivre des évènements plus ou moins douloureux, et dont nous ne mesurions pas toujours la teneur. Un livre poignant, donc, qui, je dois l’avouer, en tant que maman, m’a fait pleurer à chaudes larmes tellement l’émotion y était intense… Un livre magnifique qui reste à ce jour dans mon top 3.
Alma Brami, Tant que tu es heureuse
Je ne pouvais pas quitter l’univers d’Alma Brami tant Sans elle m’avait secouée. Il fallait que j’en lise un autre. C’est sur Tant que tu es heureuse que mon choix s’est porté. Là encore, les thèmes de l’absence, de la perte de l’autre (le livre commence par la fausse couche d’Éva), la peur du vide sont omniprésents et illustrés par l’histoire impossible d’Éva et Franck. Éva est institutrice et vit une relation avec Franck, un homme plus âgé qu’elle, marié et père de famille rencontré à l’école d’Éva, et qui n’a jamais eu l’intention de quitter sa femme. Bien que l’entourage de la jeune femme ne se réjouisse pas de cette relation, Éva s’en accommode, tant qu’il est là et qu’il passe la voir.
Alma Brami nous retrace les moments fugaces, interdits et quotidiens de ce couple qui n’en est pas un. Les moments d’attente d’Éva, les stratagèmes, les mensonges et la dure réalité : Franck ne quittera jamais sa femme ni le confort qui va avec. Jusqu’au jour où Éva tombe enceinte et qu’elle envisage un avenir plus stable et exclusif avec Franck, celui-là même qui décide, sans avoir connaissance de la nouvelle qu’Éva porte en elle, de rompre tout contact avec sa maîtresse sans aucune explication. Pourtant, Éva attend, encore et toujours. Elle se berce de l’illusion qu’il reviendra, et qu’il connaîtra son enfant. Mais c’est alors que le drame se produit : Éva perd son enfant et se vide de tout, ses entrailles, cette vie qui prenait en elle, sa vie avec Franck, sa vie tout court.
Outre le deuil, celui de l’enfant à naître, celui de l’amant perdu, Alma Brami dépeint là encore avec justesse la solitude terrible mais ordinaire de cette femme qui semble avoir tout perdu. Face à l’impuissance de son entourage (un père malade et diminué, une mère aimante mais qui ne comprend pas, une meilleure amie qui condamne et un frère aimant mais démuni), Éva se retranche et se complait dans cette douleur et cette souffrance que personne ne comprend.
Comme dans Sans elle, Alma Brami nous livre in fine dans ce roman un nouvel hymne à la vie, et une incroyable envie de croire. En les autres, en soi, en la vie. Éva finira par renaître de ces épreuves et retrouver une vie plus lumineuse. Encore un beau roman sur l’amour, ses désillusions et sa reconstruction…
Auteur : Karine Morel
Alma Brami, Sans elle, 2008.
Alma Brami, Tant que tu es heureuse, 2010.
Crédit photos : Stéphane Haskell
Crédit photos : Stéphane Haskell
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Sans elle : Sans elle, Alma Brami, Mercure de France, août 2008. Voir tous les livres d'Alma Brami |
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Tant que tu es heureuse : Tant que tu es heureuse, Alma Brami, Mercure de France, août 2010. Voir tous les livres d'Alma Brami |
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