Occupe-toi d’Amélie au théâtre de la Michodière

Le rideau se lève devant Amélie d’Avranche (alias Hélène de Fougerolle), allongée sur le canapé en extase, proche de l’orgasme, sur un air de Caruso. Le ton est donné ! Jeu de mots, quiproquos et sous-entendus sont au rendez-vous dans un rythme tel que les aimait Georges Feydeau. Après La puce à l’oreille, L'hôtel du libre-échange et Ciel mon Feydeau, s’invite la pièce créée par le maître du vaudeville, Occupe-toi d’Amélie, au théâtre de la Michodière.

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Le saviez-vous ? Parmi les adaptations cinématographiques, il est à retenir la version de Claude Autant-Lara. Le film Occupe-toi d’Amélie, sorti en décembre 1949, présente la particularité de poser le décor à mi-chemin entre coulisses et plateau. Ainsi, on peut voir Van Putzeboum fraîchement arrivé de Belgique, se diriger vers le théâtre du Palais Royal pour rejoindre ses loges. Avant d’entrer en scène, il y accueille des amis, futurs spectateurs et détracteurs de la pièce. Les héritiers ayant refusé que cette version soit exploitée dès sa première sortie en salle, il faudra attendre 60 ans (janvier 2009) pour que le film soit à nouveau projeté dans les salles obscures, et qu’il lui soit rendu tout l’honneur qui lui était dû.

Occupe-toi d’Amélie : genèse d'une pièce de Feydeau

« Plus que bu, oui !... ...quand on est parti, on s'est aperçu que la terre tournait. ...Comme quoi, il faut être pochard pour constater les lois de la nature ! » (Occupe-toi d’Amélie, Acte II, scène première)

Début 1908, alors qu'elle fait un tabac, la pièce La puce à l’oreille quitte l’affiche brutalement suite au décès de l’un des acteurs. Afin de maintenir un niveau de vie aussi effréné que le rythme de ses pièces, Georges Feydeau n’a alors pas d’autre choix que d’écrire au pied levé une nouvelle pièce.

La première version livrée par Feydeau contient un seul entracte. Or, au début du 20ème siècle, dans les théâtres de grande comédie, les entractes sont l’occasion pour la bonne société de faire des rencontres, d'entretenir des relations, voire d'organiser des rendez-vous galants. Bien que les premières répétitions aient commencé, Henri Michaud (directeur du théâtre des Nouveautés), pour ajouter un entracte à la pièce, exige donc de Feydeau un acte supplémentaire. La date de la première est alors reportée en mars et les répétitions suspendues. Au début réticent, Feydeau – dont les dettes s’accumulent – finit par céder. Début février, tandis que la date de la première approche, Michaud n’a toujours pas vu l’ombre d’une ligne ; affolé, il exige d’en voir l’avancement. Mis au pied du mur, Feydeau écrit l'acte dit Scène du mariage en une nuit, avec l’aide de deux amis, le journaliste Michel Georges-Michel et Marcel Simon (qui jouera le rôle de Marcel Courbois, l'un des protagonistes de la pièce). Le déroulement des faits ? Après un dîner chez Maxim’s et une tournée des grands ducs, les deux amis accompagnent Feydeau chez lui. Au fur et à mesure que l’acte se crée dans l’esprit de Feydeau, l’auteur met en scène les personnages, devant ses deux amis qui écrivent. Georges-Michel en fait le récit suivant :

« Asseyez-vous là, dit Feydeau en nous donnant du papier et des porte-plume. Je vais vous jouer la scène de la mairie et de l’homme à la loupe. (…) Feydeau, d’abord, se promena dans son cabinet. Tout à coup son œil morne se fit rieur, tout à coup l’homme lui-même changea : Feydeau devint le maire, puis le marié, puis le garçon d’honneur, mimant, parlant. Nous écrivant. ».

Ainsi naît l’un des plus gros triomphes de Feydeau, Occupe-toi d’Amélie. Jouée pour la première fois au théâtre des Nouveautés (à l’époque établi sur le boulevard des Italiens) le 15 mars 1908, Occupe-toi d’Amélie (au Théâtre de la Michodière, à Paris, depuis le 20 septembre 2012) – une pièce en 3 actes et 4 tableaux – sera la dernière qu’écrira Feydeau dans le genre vaudeville (suivront ensuite des œuvres dans un genre plus dramatique, des farces sociales au ton amer, disséquées au vitriol ; la première, Feu la Mère de Madame, décrira un couple qui se déchire, faisant une analogie avec la séparation que vivent au même moment l’auteur et sa femme, Marianne Carolus-Duran).

L’accueil du public et de la critique est triomphal ! Si certaines critiques qualifient la pièce d'immorale, et de licencieuse, toutes s’accordent à dire que le maître du vaudeville signe là un chef d’œuvre. Un succès qui ne s’est jamais démenti au fil de temps, comme le confirme le choix de la Comédie Française de présenter cette pièce à l’occasion de sa réouverture en 1995.

Occupe-toi d’Amélie au théâtre de la Michodière

Dans sa nouvelle adaptation d'Occupe-toi d’Amélie, au théâtre de la Michodière, Pierre Laville offre une revanche à l’auteur en mettant en scène la version originelle de la pièce, avant l'intervention d’Henri Michaud. Les costumes et les décors sont sobres mais efficaces et nous projettent pendant un temps à l’aube du 20ème siècle.

Résumé de la pièce Occupe-toi d’Amélie, au Théâtre de la Michodière

« Feydeau était un grand comique. Le plus grand après Molière… Les pièces de Feydeau ont la force, la progression et la violence des tragédies. Elles en ont l’inéluctable fatalité. Devant les tragédies, on étouffe d’horreur. Devant Feydeau, on étouffe de rire. » (Marcel Achard)

Monsieur Van Putzeboum, parrain de Marcel Courbois, débarque par surprise à Paris pour assister au mariage de son neveu avec Amélie d’Avranche. Or Marcel a inventé ce mariage de toute pièce afin de pouvoir toucher l’héritage de son père. La jeune et innocente Amélie d’Avranche, décrite par Marcel à son parrain, s’appelle en réalité Amélie Pochet, une ancienne bonne devenue cocotte, entretenue par le meilleur ami de Marcel, le lieutenant Étienne Milledieu. Mis au fait du projet, ce dernier accepte de prêter sa protégée à Marcel, mais lui demande en échange de « veiller » sur elle durant son absence. Ainsi, avant de partir pour ses obligations militaires, Étienne s’adresse à Marcel en ses mots : « Occupe-toi d’Amélie ! ».

Bande-annonce de la pièce Occupe-Toi d'Amélie, au théâtre de la Michodière :

Extrait choisi (Acte I, scène 12) :

VanPutzeboum : Chaste jeune fille ! Ça est pur comme de l'or !
Marcel : Et c'est rare par le temps qui court !
Pochet : Quoi, l'or ?
Marcel : Non, la pureté.
Pochet : Eh bien, et l'or, donc !

Occupe-toi d’Amélie au théâtre de la Michodière : le jeu des acteurs

Les acteurs sont bons, voire très bons. Pari gagné pour Hélène de Fougerolle, pour laquelle ce rôle est le premier sur les planches. Jolie et sexy, elle donne vie avec justesse à la cocotte coquine et coquette, gouailleuse, un rien ingénue qu’est Amélie d’Avranche. Le combat que mène d’Avranche contre Pochet lorsqu’Amélie reçoit la bague de son futur faux beau parrain n’est pas sans rappeler celui mené par le Dr Jekyll contre Mr hyde. Hélène de Fougerolle sur les planches, à suivre… Qui sait, peut-être reverrons-nous la dame chez Maxim’s ?

Marcel Courbois, noceur ruiné, intriguant pour la bonne cause, célibataire et heureux de l’être, semble avoir été écrit pour Bruno Putzulu. Son jeu empreint de candeur, d’arrivisme et de fougue, donne pleinement vie au personnage. Stéphane Roux et Serge Ridoux, respectivement Étienne Milledieu et Van Putzeboum, portent à merveille leur rôle. Le premier fier et beau lieutenant, jaloux et rancunier, cocu mais digne ! Le second diamantaire fortuné belge crédule, naïf, gaffeur et un tantinet collant. La scène où Van Putzeboum apprend à Étienne que ce dernier est cocu, et par son meilleur ami, compte parmi les meilleures répliques de la pièce. On se pose des questions quant aux mœurs de Jean-Christophe Bouvet, tant la lubricité du Prince de Palestrie, aux mœurs libertines et à l’œil frétillant, lui semble acquise. Jacques Ballutin est parfait en père et administrateur de la vie « respectable » de sa fille mais aussi et surtout de ses biens…

Cette mise en scène est un hommage au talent de Feydeau et au jeu des acteurs. Une bonne soirée en perspective, en famille, entre amants ou entre amis, comme bon vous semble !

Auteur : Magalie Puente

Informations pratiques :

Occupe-toi d’Amélie, au Théâtre de la Michodière

Une pièce de Georges Feydeau
Crédit photos : Bernard Richebé

Adaptation et mise en scène : Pierre Laville

Avec : Hélène de Fougerolles (Amélie Pochet, dite d’Avranches) ; Bruno Putzulu (Marcel Courbois) ; Jacques Balutin (Pochet) ; Serge Ridoux (Van Putzeboum) ; Jean-Christophe Bouvet (le Prince de Palestrie) ; Stéphane Roux (Étienne de Milledieu) ; Julia Duchaussoy (Irène) ; Jean-Christophe Barc (le Général Koschnadieff) ; Antoine Courtray (Adonis) ; Constance Chaperon (Charlotte) ; La voix du Maire (Yves Gasc, sociétaire honoraire de la Comédie Française).

Décors : Danièle Rozier

Costumes : Virginie Houdinière

Lumières : Ricardo Casas

Dates : à partir du 20 septembre 2012 ; du mardi au samedi à 20h30 ; matinées le samedi à 17h00 ; le dimanche à 15h00.

Adresse : Théâtre de la Michodière (4 bis Rue de la Michodière, 75002 Paris)

Tarifs : De 8 € à 44 € selon la catégorie

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Occupe-toi d’Amélie !, le texte de Feydeau en livre de poche : Occupe-toi d’Amélie !, Feydeau, Le Livre de Poche, janvier 1995. Voir tous les produits (CD, mp3, collectors...) autour de la pièce Occupe-toi d’Amélie de Feydeau
Le film de Claude Autant-Lara, Occupe-toi d’Amélie ! : Occupe-toi d’Amélie !, de Claude Autant-Lara avec Danielle Darrieux et Jean Desailly, M6 Video, octobre 2010. Voir tous les produits (CD, mp3, collectors...) autour de la pièce Occupe-toi d’Amélie de Feydeau

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