Comme tous les Despentes, qu'il s'agisse d'un film ou d'un livre, Bye Bye Blondie a déjà fait couler beaucoup d'encre. Et lorsque l'on sait qu'en plus, l'audacieuse réalisatrice s'est payé le luxe de rassembler pour la première fois sur grand écran deux monstres sacrés du cinéma, Emmanuelle Béart et Béatrice Dalle, pour les coller, ni une ni deux, dans le même plumard, quoi d'étonnant à ce que toutes les langues, bonnes ou mauvaises, se délient pour y aller bon train ? A notre tour, donc, de prendre la plume en ce début de printemps, également jour de sortie de Bye Bye Blondie dans les salles obscures.
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Bonus : Dans le roman parfaitement hétéro-normé de Virginie Despentes Bye Bye Blondie (dont le film est l'adaptation), Frances s'appelle Éric. Mais alors, à qui doit-on la lumineuse idée de cet étonnant changement de sexe ?
Bonus : Dans le roman parfaitement hétéro-normé de Virginie Despentes Bye Bye Blondie (dont le film est l'adaptation), Frances s'appelle Éric. Mais alors, à qui doit-on la lumineuse idée de cet étonnant changement de sexe ?
« On a passé une journée à s'amuser à passer en revue les comédiens avec lesquels elle [NDLR : Béatrice Dalle] aimerait tourner ou qu'elle aimerait embrasser à l'écran. Sans succès. C'est elle qui m'a ensuite suggéré de remplacer le rôle masculin par une fille. » (Virginie Despentes)
Bye bye Blondie, le rock 'n' roll selon Despentes
« Je trouve qu'il n'y a rien de plus casse-couilles que d'écrire des romans et pas mal d'écrivains sont eux-mêmes casse-couilles ! »
(Virginie Despentes)
(Virginie Despentes)
Totalement décomplexé, le scénario dépouillé de Bye Bye Blondie tiré du roman du même nom se résume en une seule petite phrase (si si, vous verrez, tout y est) :
« Mariée à son no-sex friend gay, Frances, une lesbienne camionneuse devenue présentatrice vedette, retrouve 20 ans plus tard son amour d'enfance, Gloria, une ex-punk rebelle, artiste en vieilles ferrailles à ses heures, rmiste à plein temps. »
Gloria la punkette est jouée par la chanteuse de folk Soko ; Gloria la marginale décatie (aussi appelée le pitbull), par Béatrice Dalle ; Frances la butchette, par la jeune et jolie Clara Ponsot ; Frances la starlette sur le retour, par Emmanuelle Béart ; et Claude, le vrai faux mari de Frances, par Pascal Greggory.
Après Baise-moi (2000) et Mutantes (2009), la facétieuse Virginie revient donc titiller la société bien pensante du bout de la semelle avec, cette fois-ci, une histoire de gougnottes (euh, c'est encore à la mode la provoc' lesbienne ?) : on n'a rien à faire ensemble (je suis belle, riche et célèbre ; elle est moche, sans un rond et sans emploi ; c'est une femme et moi aussi), mais on préfère, comme Bob, faire l'amour (enfin, on s'embrasse, après, ça devient super hard) que la guerre. Rock 'n' roll, non ?
En images, la bande annonce du dernier film de Virginie Despentes, Bye bye Blondie :
Bye bye Blondie, bye bye love
« Il y avait aussi l'envie inconsciente et vaguement perverse de réunir les deux icônes hétéros de ma génération qui ont dû, à un moment donné, éveiller le désir de tous les garçons » (Virginie Despentes)
En matant les pubs et les bandes annonces entre deux poignées de pop-corn, confortablement calé dans un bon gros siège de ciné, on est à mille lieues d'imaginer ce qui nous attend ! Emmanuelle Béart, c'est Manon des sources, le beau brin de fille un brin sauvage et blond comme les blés qui crapahute dans la garrigue en dansant avec les loups, euh, les chèvres. Béatrice Dalle, c'est Betty, la brune explosive, pulpeuse et vénéneuse, de 37°2 le matin (Qué calor !). Alors Manu et Béa dans des jeux olé olé... Imaginez un peu ! Le rêve d'une génération entière de mâles hétéros, d'une tripotée d'éplucheuses de lentilles en mal de vrais bons films de gousses, de spectateurs de tous bords venus s'encanailler ! Un véritable fantasme sur pattes devenu réalité ! Le kiff total, quoi. Enfin... sur le papier.
Parce que sur grand écran, on déchante vite. Et si l'on commence effectivement le film à 37°2, tout chaud tout braise, on le termine blanc comme un linge (oubliez le sceau de pop-corn, le resto avant ou après), les mains gelées et le cœur en charpie. Car il faut bien le dire, Bye bye Blondie a tout de l'arme de destruction massive dont rêvent depuis des lustres, toutes ligues confondues, les pro anti-Sapho : c'est rapide (1 petite heure 37), indolore (ou presque), peu coûteux (10-15 € le traitement, c'est quand même beaucoup moins cher que le divan d'un grand manitou, une cure de pilules ou un séjour en HP) et rudement efficace ! Vous arrivez la fleur (bleue ?) au fusil, tout émoustillée à la perspective d'une bonne partie de jambes en l'air entre deux bombasses des eighties, et vous ressortez la queue entre les jambes (quand ce n'est pas les pieds devant), avec une drôle d'idée en tête : « mais au fait, est-ce que je suis vraiment lesbienne ?... »). Et pourtant !... Croyez-le ou non, on l'a échappé belle (enfin, provisoirement du moins) :
« C'est un choix de ne pas avoir de sexe dans Bye Bye Blondie. Je n'avais pas besoin de les filmer nues pour montrer que Gloria et Frances s'aiment et se désirent. Je n'avais pas envie de faire un film lesbien pour que les vieux mâles hétéros viennent se rincer l’œil, alors j'ai zappé « la » scène de baignoire qui hante tant de films lesbiens... Et filmer le sexe en limitant le cadre à ce que la censure peut supporter ne m'intéresse pas. Pour les fistings, je reviendrai ! » (Virginie Despentes)
Reste qu'un hippopotame qui roule une galoche à un mérou, ça laisse franchement dubitatif. Et quand en plus, on a les dents du bonheur d'un côté, et un surplus de graisse de l'autre, c'est carrément freaks-land. Sexy, les patins-ventouses qui tâtonnent (chouirc chouirc) à l'aveuglette ? La question reste ouverte. Mais ce qui est certain, en revanche, c'est qu'on se demande, en sortant de là, comment on a bien pu, 20 ans plus tôt, fantasmer sur Béa la Brune et Manu la Blonde... Mystère, grandeur et décadence ! Et un grand merci à Virginie pour cette inestimable séance d'introspection, suivie de cette non moins merveilleuse guérison spontanée : Alléluia, la brebis galeuse est de retour dans le troupeau du Seigneur !
Y a-t-il une fille pour sauver Bye Bye Blondie ?
« Ça m'intéresse de me faire "massacrer" à la vision d'un film, mais j'aime aussi y trouver de la lumière. » (Virginies Despentes)
Passé le choc causé par la vision traumatisante de la parade amoureuse de deux pachydermes cherchant à s'accoupler avec force démonstration de tendresse (je-te-pousse-tu-me-jettes-je-te-chope-tu-me-prends-mais-comme-c'est-moi-qui-décide-je-te-reprends-et-vice-versa), on se rattrape (comme on peut, cela va sans dire) aux quelques branches restantes, c'est-à-dire Claude (Pascal Greggory), la punkette Gloria (Soko) et la butchette Frances (Clara Ponsot). La première ? Creuse (pourrie ?) : un gay qui tape une crise de jalousie à sa meilleure copine lesbienne, c'est quand même difficile à avaler... La seconde ? Épineuse : si de ses grands yeux charbonneux, Gloria la punkette nous emporte dans de douces rêveries érotico-rétro-rock, ses hurlements de hyène affamée en calmeraient plus d'un(e)s !... La troisième ? Glissante : caricaturale, la baby butch marche mec, pense mec, parle mec, baise mec, alors quand elle écrit à sa dulcinée qu'elle « se branle en pensant à elle », on ne s'étonne même pas...
Bref, les personnages sont peu convaincants (et on ne parle même pas du côté « bandant » de la chose), mais qu'en est-il de la réalisation ? « Téléfilm » est le premier mot qui nous vient à la bouche. Les plans, les images, les couleurs : Bye Bye Blondie ressemble comme deux gouttes d'eau à une bonne vieille série policière avec les flash back en bonus, en veux-tu en voilà, de quoi vous filer le tournis quand ce n'est pas... Passons. Le scénario alors ? Une seule petite phrase. D'une banalité crasse. Pas de rebondissement. Un réalisme complaisant (sur un coup de tête, Frances (elle-même ne sait pas trop pourquoi) part chercher son amour d'enfance qui, ça tombe bien, est accessible et full dispo (elle vient de rompre avec un mec encore plus paumé qu'elle)). Le reste du casting... ? Gagné ! Envers et contre tout (les personnages à incarner), saluons les performances des deux cadettes du tournage, Soko et Clara Ponsot. C'est qu'à elles deux, elles nous sauveraient le Titanic ! Leur jeu est exemplaire, les scènes difficiles sont autant de défis relevés avec succès (on pense notamment à la crise d'hystérie de la jeune Gloria qui la conduit tout droit en hôpital psychiatrique), leurs baisers sont crédibles : un must pour ce long-métrage en dents de scie dont on ne retiendra, au final, que le contraste saisissant entre la beauté de la jeunesse et la disgrâce de la vieillesse... En un mot, carpe diem !
Auteur : Cécile Duclos
La fiche du film Bye Bye Blondie :
Genre : Comédie dramatique.
Sortie : le 21 mars 2012
Durée : 1h 37min
Réalisation : Virginie Despentes
Acteurs : Emmanuelle Béart (Frances adulte), Béatrice Dalle (Gloria adulte), Soko (Gloria ado), Clara Ponsot (Frances ado), Pascal Greggory (Claude), Gilles Duarte (Le chauffeur de Frances), Sasha Andres (Véro), Mélanie Martinez Llense (la serveuse), Jean-Marc Royon (Michel), Olivia Csiky Trnka (Hélène), Mata Gabin (La femme de ménage), Sophie Malnatti (la prof de gym)...
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Le roman de Virginie Despentes, Bye Bye Blondie : Bye Bye Blondie, Virginie Despentes, Le Livre de Poche, mars 2006. Voir tous les produits (Livres,DVD, etc...) autour de Virginie Despentes |
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