mercredi 14 mars 2012

Drucila, l'amazone vampire

Ursula Del Aguila« Éternité et désirs lubriques, les maîtres mots de ma vie » : Drucila, solitude d'une prédatrice ne fait pas qu'émousser les sens, promettre sans donner, attiser sans enflammer. Roman érotico-fantastique, ce premier opus d'une trilogie à paraître ressuscite la mythique Transylvanie des contes et légendes ancestrales, terre d'élection des loup-garous, striges, spectres et monstres en tout genre. Fascinée par le folklore des Balkans, c'est dans une ancienne ferme saxe, achetée dans un village roumain, qu'Ursula Del Aguila a donné naissance à son héroïne, Drucila. Rencontre avec une romancière, journaliste et doctorante en philosophie, dont le nom évoque à lui seul la richesse de l'univers sombre des créatures de l'ombre.

Évènement : Retrouvez Ursula Del Aguila au Bal des Vierges ténébreuses, samedi 17 mars 2012 aux Caves Saint Sabin (Paris, 11ème).

Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Bonus : Pour le magazine La Dixième Muse, à la question « Pourquoi avoir ajouté une dimension érotique lesbienne ? », Ursula Del Aguila répond :
Elle s’est imposée d’elle-même, je ne l’ai pas ajoutée (rires) ! C’est simple : j’aime les femmes, Drucila aime les femmes. C’est mon univers fantasmatique.

Chronique d'un roman gothique : Drucila, solitude d'une prédatrice

Drucila, la femme vampire qui aimait les femmes

« Les femmes étaient mon obsession (...) bien sûr, il m'arrivait de les vampiriser, mais ce n'était pas le but ultime. Je préférais les déshabiller, contempler leur chevelure rousse ou blonde, leur corps d'albâtre que j’idolâtre, les effleurer et les faire rougir et frissonner de gêne. »
(Drucila, solitude d'une prédatrice)

« Magnétique et charmeuse », Drucila, une maîtresse vampire au sang tellement glacé qu'il en devient brûlant, emploie sa vie de morte-vivante à croquer de jeunes et innocentes jeunes femmes, vierges de préférence, dans son grand château de « puissante et riche » héritière. Goule goulue, c'est avec un appétit féroce qu'elle plante ses « canines tranchantes comme de fines lames qui s'allongent quand [elle] brûle de désir de [se] nourrir de sang ou de chair, le même feu ». Pas de non-dits ici, de métaphores filées et autres esquives à la Twilight. Dans la veine de Carmilla, l’héroïne voluptueuse et oh combien scandaleuse ! de Sheridan Le Fanu, Drucila consomme ses proies jusqu'à plus soif, buvant leur sang (mais attention, sans jamais les tuer) et fouillant leur corps avec la même avidité animale, alliant sans demi-mesure les plaisirs de la table à ceux de la chair. Les tendres victimes de ses voluptueuses agapes, tiraillées entre violente attirance et rejet viscéral, ne résistent pas longtemps au charme surnaturel de la femme vampire :
« La pauvre Louise était pétrifiée, je l'aidais à se mettre à l'aise en m'approchant. (…) Au moment où je sentis qu'elle se laissait aller, confiante, je plantai mes dents aiguisées dans sa gorge offerte. » (Drucila, solitude d'une prédatrice),
à l'image de Laura, l'élue de Carmilla, elle aussi terrifiée et irrésistiblement « attirée » :
« Or, à vrai dire, cette belle inconnue m’inspirait un sentiment inexplicable. J’étais effectivement, selon ses propres termes, « attirée vers elle », mais j’éprouvais aussi une certaine répulsion à son égard. Néanmoins, dans cet état d’âme ambigu, l’attirance l’emportait de beaucoup. Elle m’intéressait et me captivait car elle était très belle et possédait un charme indescriptible. » (Carmilla).

Drucila, solitude d'une prédatrice

Drucila, entre vampires et fantômes

« Je ressemble à ces étoiles qui brillent, mais qui sont déjà mortes, pulvérisées et minuscules. (…) C'est un peu ça un vampire, (…) un fantôme d'étoile qui continue à luire. » (Drucila, solitude d'une prédatrice)

Comme toute créature immortelle, Drucila soufre d'une profonde solitude. Perte d'appétit, cœur de pierre, mélancolie, nostalgie, rêveries, les symptômes s'amoncellent, accentuant sa conscience, douloureuse, de la vanité de l'existence :
« Les femmes me lassent et pourtant je suis condamnée à vivre cette répétition à jamais. » (Drucila, solitude d'une prédatrice).
Jusqu'à ce qu'une nuit, dans un cimetière, tout bascule :
« Une créature très grande vêtue d'une robe blanche, de longs cheveux bruns noir de jais, les yeux rouge lumineux, émergea de ce magna. Elle était violemment belle et d'une pâleur extrême. ».
Le coup de foudre est immédiat pour ces deux êtres surnaturels prisonniers d'une cruelle éternité : Drucila, la femme vampire et Kalia, la femme fantôme. Quel sort leur réserve l'avenir ? Mystère. Tout ce que l'on peut vous révéler, c'est que Kalia fera appel aux services de Drucila, qui elle-même sollicitera ceux d'une vieille sorcière, Vladoma, pour lutter contre d'impitoyables mânes, des monstres sanguinaires maîtres d'effrayants cachots... Des tableaux à vous glacer les sangs, des affrontements qui finissent en bains de sang, une passion de chair et de sang, ce roman au rythme effréné se dévore comme un bon vieux film de la Hammer. Une palpitante nuit de lecture en perspective !

Interview d'Ursula Del Aguila, vampire jusqu'au bout de la plume

« Je suis déjà vampire en quelque sorte. Écrire, c’est être vampire (…). »

Parlez-nous de Drucila, la fascinante maîtresse vampire de Drucila, solitude d'une prédatrice.
Drucila existe depuis mon adolescence. Je crois que c’était une sorte d’alter ego plus fort et plus excitant que moi. Un double romanesque qui, à la fois, me protégeait, donnait un sens à ma vie et réalisait mes désirs cachés. C’est aussi le pendant féminin de Dracula ; Dracula / Drucila, ce sont des prénoms proches dans leurs sonorités, vieillots, originaux, qui ressemblent aussi au mien. Enfermée dans sa solitude, sa mélancolie, et ses désirs nombreux et renaissants, Drucila est moins puissante et moins phallique qu’elle n’y paraît. Elle rêve aussi beaucoup. Peut-être que sa vie n’est-elle qu’un rêve, en fait ? Elle est capricieuse, s'ennuie, un peu comme une enfant qui a l’éternité devant elle et ne sait pas quoi en faire. Elle est beaucoup moins dangereuse que la femme-fantôme Kalia dont elle tombe amoureuse. Kalia, qui, elle, représente le monde des pulsions, le désir, ses troubles et ses dangers. Mais Drucila va évoluer tout au long de la trilogie ; à la fin du volume 1, elle est déjà moins naïve : elle a fait l’expérience que s’attacher à ceux qu’on aime représente un grand risque.

Ursula Del Aguila

Quel passage a-t-il été, pour vous, le plus agréable à écrire ?
Tout le roman a été une grande jouissance pour moi. Une jouissance qui continue puisque le deux est en écriture, et le trois suivra. Et pourquoi pas un quatre ! J’ai aussi d’autres projets de livres, dont un roman sur une petite fille pauvre qui vit dans les années 60 en France et dont la mère se prostitue.

Vous et le mythe des vampires, une longue histoire ?
Oui ! Une obsession profonde, la quintessence du romantisme et du désir infantile d’immortalité. Un amour dont je ne me lasse pas, auquel je suis totalement fidèle qui me fait revenir toujours et encore sur la même scène d’origine, le mythe fondateur du désir et de l’amour où l’on vampirise toujours quelqu’un et où l’on est toujours vampirisé… Le mythe du vampire est la plus belle figure mystérieuse de l’amoureux immortel, narcissique, sadien qui peut donc jouir des autres sans loi aucune, sans être jugé, qui se prend pour Dieu. Il hante perpétuellement le monde des vivants dont il se nourrit et ne veut ni s’arrêter ni les quitter. Dans notre monde actuel de geeks, de reflets et de morcèlement du vivant, les vampires sont légion : un exemple pop, Madonna au SuperBowl de New York en Reine Cléopâtre, sans âge, et plus juvénile encore que sa propre fille. Ou DSK, grand Dracula post-moderne ! Être vampire est la quête infinie de soi-même dans un ‘péché’ assumé et sans égard pour autrui puisque l’autre n’existe pas.

Quelles histoires de vampires vous ont-elles le plus marquée ?
Les histoires qui appartiennent à la littérature fantastique du 19ème siècle : Bram Stoker (Dracula), Lewis (Le Moine), Emily Brontë (Les Hauts de Hurlevent). Mais aussi, celles du XXe siècle avec la série des Lestat le Vampire d’Anne Rice, La comtesse sanglante de Valentine Penrose sur Erzsébet Báthory et la version très réussie, sombre et glaciale qu’en a fait Julie Delpy au cinéma… The Hunger avec Catherine Deneuve et Susan Sarandon dont la scène sexuelle trop rapide a pourtant bouleversé des générations entières de lesbiennes… Je citerais aussi les studios de la Hammer et tous ses Dracula avec Christopher Lee (la couverture de Drucila est un hommage à la Hammer). Les films de la Hammer sont parmi les plus sexy au monde : les femmes y sont d’un kitsch total mais tellement bandantes ! Le sein lourd, et les lèvres brillantes et gonflées, souvent très maquillées, elles n’hésitent pas à se dénuder et c’était le but de la Hammer : faire peur pour de faux, mais être excité pour de vrai. On frémit quand même mais c’est une peur bourgeoise, au fond de son fauteuil en cuir, devant la cheminée… Mon imaginaire s’est construit autour de toutes ces références. Et puis, si mon roman devait être comparé à un film, ce serait Le Bal des Vampires de Polanski ; j’ai essayé de faire mon modeste hommage parodique au mythe du vampire, j’espère avoir réussi… Dans Le Bal des Vampires, le pastiche sonne encore plus authentique que le mythe ! Ah et j’oubliais le grand Vampire Lovers avec l’actrice anglaise culte Ingrid Pitt, qui incarne Carmilla de Sheridan Le Fanu (le plus grand roman de vampire de tous les temps), et qui me fait penser à la sublime et saphique Delphine Seyrig qui incarne la comtesse Bathory, avec plus de sérieux et de morgue, dans Les Lèvres rouges. Morse de Tomas Alfredson m’a bouleversée aussi, et m’a fait pleuré comme une madeleine, c’est la parfaite incarnation de ce que j’ai essayé de donner à Drucila, la perversion dans l’innocence…

Les éditions des vierges ténébreuses

Si un vampire vous proposait de devenir vampire à votre tour, accepteriez-vous ?
Je suis déjà vampire en quelque sorte. Écrire, c’est être vampire, car sans écriture, je suis totalement exsangue, c’est elle qui m’abreuve et me faire vivre, c’est mon sang, sinon je m’étiole, je meurs. Je ne supporte plus le monde, les autres, sans ma dose quotidienne d’écriture où je me nourris de moi-même, des mots et des autres. Quand j’écris, alors l’éternité m’appartient.

Des révélations sur la suite de Drucila, solitude d'une prédatrice ?
Le tome 2 sera beaucoup plus sombre, il se situe à Londres, et Drucila reviendra sur ses années d’avant Kalia. La cruauté, la solitude et la trahison seront les grands thèmes de cette suite… et le sang bien sûr !

Interview réalisée le 12 mars 2012 par Cécile Duclos

Ursula Del Aguila, Drucila, solitude d'une prédatrice, éditions des Vierges ténébreuses, avril 2011

Pour commander Drucila, solitude d'une prédatrice, rendez-vous sur le site des éditions des Vierges ténébreuses.



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