vendredi 16 mars 2012

Zahia Ziouani, Divertimento et le 93

OrchestreAprès de bonnes engueulades au bureau, et pour couronner le tout, la perte totale de mon Iphone, rien de tel qu’un petit concert de musique classique. La musique adoucit les mœurs, paraît-il. Je vais donc vérifier cela ce soir. Accompagnée de quelques élèves du conservatoire, je me rends à la salle Jacques Brel de Pantin pour venir voir et écouter l’orchestre symphonique Divertimento dirigé par Zahia Ziouani. Ce nom n’est pas encore inscrit dans le top five des chefs d’orchestre comme Bernstein, Karajan, Barenboïm ou Zacharias, mais il apparaît clairement que la petite a du talent (Ah que de talents dans le 9-3 qui n’attendent qu’à être révélés !).

Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Bonus : Au Festival Radio Classique 2011, qui s'est tenu à l'Olympia les 18 et 19 juin derniers, en images, l'Orchestre Divertimento dirigé par Zahia Ziouani :


Zahia Ziouani, chef et créatrice de l'orchestre Divertimento

Zahia Ziouani est née à Paris mais a grandi dans un HLM du 93. Elle entre au conservatoire à l’âge de 8 ans et y apprend à jouer de l’alto et de la guitare. Très vite, elle réalise que pour s’en sortir et pour réussir (là où on n’attend surtout pas une femme et de surcroît du 93), il va falloir travailler et s’accrocher. Déterminée elle l’est. Douée, la petite Zahia l’est encore plus. Elle a également fait une rencontre décisive, celle du célèbre Maestro Sergiù Celibidache qui a cru en son talent et l’a formée durant deux ans entre la France et l’Allemagne. Elle étudie l’orchestration et la musicologie à la Sorbonne, et dirige en parallèle des orchestres de jeunes. Dès l’âge de 20 ans, Zahia Ziouani crée son propre orchestre, Divertimento.

Orchestre symphonique

Zahia Ziouani, une artiste engagée du 93

Outre son talent, c’est sa force de caractère qui transpire, et dans son art de diriger et dans ses propos de militante. Car oui, même si Zahia Ziouani a réussi dans son domaine, elle n’en demeure pas moins sensible à ce qui se passe dans les quartiers dits « défavorisés » ou « difficiles », et tente d’agir au quotidien dans le conservatoire qu’elle dirige à Stains : manque de moyens significatifs, inégalité des chances... Aparté avec ce qui se passe dans certains conservatoires où on ferme des classes (d’abord celles des adultes), des cours de musique spécifiques (musique ancienne, médiévale, art lyrique par exemple) même pas remplacés par des cours de rap plus à la mode, tarifs prohibitifs malgré l’application des quotients familiaux… Ne nous voilons pas la face, les moyens accordés à la Culture en France sont revus systématiquement à la baisse chaque année, les robinets sont gelés, et les premiers départements à pâtir de ce manque de moyens sont malheureusement ceux qui, socialement, culturellement et intellectuellement, en auraient le plus besoin. Heureusement, il reste encore quelques clubs de foot et la piscine. Je ferme l’aparté et reviens à mon sujet.

Des revendications, Zahia Ziouani en a donc ; et un message clair aussi : sensibiliser les jeunes à la musique classique, à la création artistique et à la culture générale, leur apprendre ce que signifient les notions de travail (quotidien par exemple sur un instrument), de rigueur, de volonté, de détermination, de partage et de respect (jouer en groupe favorise l’échange et implique nécessairement de savoir écouter l’autre, de l’accompagner, de jouer avec lui, etc.), promouvoir la musique classique en la rendant accessible à tous.

En images, Zahia Ziouani, la chef d'orchestre de Divertimento, à Stains ; un film de Valérie Brégaint :


La grande aventure musicale de Zahia Ziouani : Divertimento

A 33 ans, la petite bonne femme à la bonhomie sympathique est déjà, outre les nombreux prix qu’elle a reçus et sa promotion de Chevalier de l’Ordre national du Mérite, à la tête d’un conservatoire et d’un orchestre symphonique. L'orchestre-formation de Zahia Ziouani, Divertimento, est un ensemble formé de 70 musiciens pour la plupart issus du 93 et de l'Île-de-France, résidant à l’auditorium de Stains. Outre ses prestations (une trentaine par an) sur le territoire national dans des lieux aussi divers que des salles de banlieue à la salle Gaveau, en passant par l’Olympia, le Sénat, le Petit Palais, l’orchestre se produit également à l’étranger comme en Russie, en République Tchèque mais plus particulièrement aussi en Algérie où il est partenaire de l’orchestre symphonique national.

« 2012 : Une année olympique » : quand Zahia Ziouani voyage avec Divertimento

Ce soir, mercredi 15 février 2012, je vais donc assister à la représentation symphonique du dernier opus de Zahia Ziouani avec son orchestre Divertimento, « 2012 : Une année olympique », un projet musical qui reprend des œuvres du XXème et XXIème siècles de différents compositeurs appartenant aux cinq continents ayant accueilli les Jeux Olympiques. On va donc voyager en suivant l’itinéraire suivant : Royaume-Uni, Finlande, Brésil, Chine, Afrique, Mexique…
La première pièce, qui symbolise le Royaume-Uni, est une œuvre d’Edward Elgar, Cockaigne ouverture, Opus 40, « Dans la ville de Londres ». Extrait court mais efficace. Dès le début, la chef s’est imposée. La deuxième pièce de Jean Sibelius, Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, Opus 47, et représentant la Finlande, met en scène le violoniste soliste Jean-Marc Phillips-Varjabédian, grand brun, mince, tout de noir vêtu et arborant fièrement le bouc ou le gothy. Aux côtés de Melle Ziouani et face au public, il est aussi magistral que charismatique. Sa prestation m’a tout simplement et littéralement bluffée. Le concerto qui alterne entre passages spécifiquement symphoniques et solos joués avec brio, m’évoque à la fois tristesse et mélancolie avec les enchaînements de notes toujours plus aigües, et une ambiance obscure, sombre et ténébreuse. Performance de Phillips-Varjabédian qui me laisse complètement abasourdie, mais tellement émerveillée !
Le troisième morceau, de Claudio Santoro, Frevo, nous emmène directement au Brésil. Là commence véritablement l’étrangeté, puisque se mêlent au classicisme de la musique des sonorités étrangères que l’on n’a pas l’habitude, en Europe du moins, d’entendre. On connaît un peu le klezmer, la musique yiddish, tzigane, mais alors mélanger des rythmes de samba sur de la musique classique et symphonique, c’est pour moi une nouveauté. Plus surprenant encore, la quatrième œuvre de Qigang Chen, compositeur né en Chine en 1951 et habitant la France depuis 1984, qui permet aux instruments de retranscrire des bruitages naturalistes tels que la pluie, l’eau qui coule, le vent… trois mouvements, Shui (eau), Mu (bois) et Jin (métal) qui nous transportent d’un coup dans un jardin zen asiatique, tout cela grâce à 70 instruments (du violon à la harpe en passant par les trombones, clarinettes, violoncelles et autres bassons, cors et tubas, sans oublier les phénoménales percussions). C’est fin, clair, net, précis. Ne manquent que les parfums et les couleurs des cerisiers du Japon en fleurs.

Orchestre

On enchaîne avec une création de Salim Dada (présent dans la salle), Afri, Rhapsodie Africaine, qui elle aussi stupéfait l’assistance : mélange de rythmes africains sur tam-tams et djembés et de rythmes-mélodies classiques tels qu’on les connaît en musique classique pure. Trois mouvements également qui reprennent les fondamentaux de la culture africaine avec Lembo (chants de la forêt), Taqsim (méditation et fantaisie) avec les improvisations solistes, et Djedba (danse et transe) qui illustre les festivités villageoises. Savoureux mélanges et imbrications des sonorités des cordes avec les rythmes entraînants des percussions. La musique de Salim Dada laisse là encore le spectateur médusé et enchanté, comme envoûté par la magie des sons qu’il découvre ce soir. Et pour terminer, une œuvre d’Arturo Marquez, Conga del fuego nuevo. Réminiscence de mon voyage au Mexique, à Merida surtout, où le dimanche après-midi, les villageois et les habitants de la ville viennent envahir la place principale et écouter de la musique et danser jusqu’au bout de la nuit.
Le concert s’achève sur des salves d’applaudissements aussi bien pour Zahia Ziouani qui, malgré son jeune âge, a mené de main de maître ce concert, que pour son violon solo Jean-Marc Phillipps-Varjabédian et Salim Dada. Après avoir salué la grande dame, nous retrouvons notre quartier, le Chicago Bar de Momo, les kebabs et les taxiphones ouverts toute la nuit. Mais une chose s'est vérifiée ce soir : la musique adoucit les mœurs, et je ne le dirai jamais assez (car moi aussi je promeus mon quartier et les talents du 93) : 9-3 en force. Un seul regret : Dommage qu’Adjani ne s’intéresse pas à cette Zahia là !

Auteur : Karine Morel

Retrouvez l'orchestre de Zahia Ziouani, Divertimento, sur son site officiel.

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Un livre sur (et de) Zahia Ziouani :
Zahia Ziouani, La chef d'orchestre, Zahia Ziouani, Editions Anne Carrière, octobre 2010.
Voir tous les produits (livres, CD, collectors...) autour de Zahia Ziouani



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