mercredi 25 avril 2012

Yoanna, un peu brisée ?

Yoanna, un peu brisée10 avril 2012, le Divan du Monde, Paris. Flanquée d'un accordéon à peine moins gros qu'elle (trois tonnes, ça fait quand même lourd pour un instrument de torture !), Yoanna jette un coup d’œil complice à son acolyte de scène, Marion Ferrieu, qui enfourche son violoncelle sans broncher. La salle est à l'affût, on se pourlèche déjà les babines (et pas seulement pour la délicieuse frimousse de la jeune et jolie chanteuse) : c'est qu'avec Yoanna, il y a du spectacle, et pas n'importe lequel ! Son franc-parler ne fait pas que grincer quelques mâchoires mal embouchées, il chatouille aussi copieusement les côtes (ce soir-là, il n'y avait pas que les restes sacrés de Boris Vian qui avaient le boyau rigolard !). Sa voix cabossée accroche les mots comme elle les caresse ; c'est une troupe de légionnaires en pleine beuverie qu'elle vous ferait chialer comme des veaux. Sa présence seule laisse pantois ; elle vous désarçonnerait un régiment d'énarques. Et son charme, ah son charme !... Celui-là, il vous ranimerait ni une ni deux le plus cabochard des ascètes. Et lorsque l'on sait qu'en plus, entre deux chansons d'un style parfaitement inclassable (on peut jouer de l'accordéon sans souffler les souliers de la mère Yvette), aux vagues relents de rock indé et de musette (si si c'est possible, prenez les Têtes Raides par exemple), de folk et de musique populaire, Yoanna secoue la galerie de courts discours corrosifs qui démangent les méninges aussi sûrement qu'ils donnent la banane, on guette sa venue comme celle du Messie. Alors si vous avez loupé les vêpres parisiennes et qu'une sale épidémie de cosse vous tient pieds et poings liés au zinc d'en-bas, consolez-vous, le nouvel album de Yoanna, Un peu brisée, est d'ores et déjà dans les bacs !

A écouter : Yoanna en session acoustique
A lire : Interview de Yoanna, la grenouille-taureau et la princesse charmante

Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Le saviez-vous ? L'accordéon de Yoanna est un modèle chromatique à boutons.

Yoanna, un peu brisée comme la plus coriace des carapaces

« La fille de joie est belle » (L'accordéoniste, Piaf)

Née à Genève, Yoanna [NDLR : de son nom complet, Yoanna Ceresa] attrape son premier accordéon à 6 ans : touchée, coulée. La fillette lâche la danse pour la musette, les ballerines pour les bretelles en cuir. Les années passent, l'école lasse. Abandonnant cahiers et pupitres, Yoanna prend quelques cours de théâtre, de cirque, puis revient à son premier amour : l'accordéon. C'est avec lui qu'elle met les voiles, quitte la Suisse pour la France, et débarque à Grenoble. Sa carapace sur le ventre, elle n'a peur de rien. Aux pieds des montagnes, elle bat le bitume, chante sur le trottoir, joue pour les piliers de comptoir. Sa voix se casse, son dos plie mais ne rompt pas.
En 2008, un reggae man qui répond au doux nom de Fafa Daïan (et qui joue de la gratte dans le groupe Sinsemilia) tombe sur la tête : il oublie la fumette pour produire la brunette, libérant dans la foulée une véritable tornade. Fleurant bon la liberté sauvage et la révolte grondante, Yoanna met les deux pieds dans le plat avec la grâce insolente d'un Jacques qui vous rebat les oreilles de « soleils crachés dans le son déchiré d'un accordéon rance ». Mordante comme une brochette de Linda Lemay, de Flow et de Zaz, elle sort un premier disque qui fait mouche, au titre pour le moins évocateur, Moi Bordel !.
De la chanson-prostitution qui a donné son titre à l'album (« je suis un bordel à moi toute seule », Moi Bordel !) à des morceaux sur l'anorexie (Ma Plume), l'inceste (« et tu savoures sans amour tes propres caresses qui me blessent, m'imposant sans hésitation tes sales tendresses qui m'agressent », Fleur), l'avortement (Funambule) ou encore le machisme (Toutes des salopes), Yoanna dépeint, dérange, déballe, déverse et dégomme... sec. Révélation Printemps de Bourges 2008, elle atomise salles et festivals avec ses chansons sans concession, aiguisées comme des cris. Lorsque les fêlures ne creusent pas, elles durcissent comme le diamant. Un peu brisée, Yoanna ? Solide comme un roc, certainement.

Yoanna chante Fleur, extrait de son premier album Moi Bordel ! :


Bref, avec ce Gavroche suisse qui n'a pas la langue dans sa poche, vous pouvez oublier toute ces histoires de princesses et de princes charmants. Ici, ce sont les crapauds qui règnent en maîtres, vous savez, ces vilaines bestioles mal léchées au ventre bien tendu qu'il suffit parfois d'embrasser pour qu'elles se transforment en... en... bref.

Le nouvel album de Yoanna, Un peu brisée

« Ça lui rentre dans la peau, par le bas, par le haut, elle a envie de gueuler, c'est physique, alors pour oublier, elle s'est mise à danser, à tourner, au son de la musique » (L'accordéoniste, Piaf)

Février 2012 : le deuxième album de Yoanna, Un peu brisée, sort dans la torpeur d'une fin d'hiver glaciale. L'accordéon sous le bras (et un têtard sur les bras), celle que l'on croyait sacrifiée sur l'autel de la maternité remonte sur scène, plus éclatante que jamais. Quatre ans ont passé, l'orchestration a changé (plus de violoncelle, moins d'accordéon) ; l'ensemble est moins enlevé, plus épuré. La voix de la jeune artiste ? Rauque et chaude, elle vous prend aux tripes comme aux premiers jours. Ses fantômes ? Encore là, fragiles et menaçants. Son caractère ? Toujours bien trempé. Ses textes ? Âpres et cinglants, violents et pudiques, ils dégorgent leur habituelle poésie. On passe du rire aux larmes sans transition. Désordres alimentaires (Grenouille, Un peu brisée), bipolarité (Elle est double), inceste (Cage), ruptures douloureuses (Noces de ronce, Pauvre petit, Rat d'labo), injustice sociale (La vieille et la gamine, Le cri du chat)... Autant de maux, autant de mots.

En images, le dernier concert parisien de Yoanna (accompagnée de Marion Ferrieu au violoncelle) au Divan du Monde, le 10 avril dernier :

Yoanna : Un peu brisée, un album qui « souffle sur les braises »

« La femme se prend pour ce qu'elle n'est pas mais se quitte pour ce qu'elle est » (Tant qu'elle dit, Yoanna)

Le nouvel album de Yoanna, Un peu brisée, s'ouvre sur une chanson qui file le vertige (au choix, les chocottes). Elle est double sème le doute : « L'une rigole quand elle se brûle l'autre pleure pour un rien », docteur Jekyll et M. Hyde... « Celle qui te plait l'autre que tu fuis » : oui, mais... laquelle des deux est « l'autre » ?

En images, Elle est double (captation effectuée les 2 et 3 février 2012 au Ciel de Grenoble par Vincent Vanhecke), extraite du dernier album de Yoanna, Un peu brisée :


« Je n'ai toujours pas réellement pris conscience des dégâts mais la liste de tout c'que t'as tué en moi s'étire encore au fil des mois » : avec son violoncelle orientalisant, La cage ne chante pas les douceurs des mille et une nuits mais bien les douleurs des milles et une blessures de l'inceste. Tant qu'elle dit « rien, elle dit oui, quand elle dit non, c'est oui aussi » : quand « l'homme est immonde » et les femmes « élevées à être des proies », elles ne sont rien de plus que des poupées qui disent oui qui disent non... Femme avant d'être féministe, Yoanna n'en met pas moins le doigt là où ça fait mal. Et parfois, c'est l'ego qui en prend un coup : avec son refrain entêtant, Rat d'labo dénonce l'égocentrisme de l'autre, celui que l'on prend en pleine face dans un couple bat de l'aile : « y'a ton nombril à la place de ta bouche ».

Yoanna : Un peu brisée, un album qui se boulotte toutes dents dehors

« J'attrape ce qui s'avale, j'avale ce que j'attrape » (Grenouille, Yoanna)

« Cesse de faire mumuse avec des lames, tu saoules tout l'monde avec tes psychodrames » : c'est dit, les tentatives de suicide à répétition, ça gonfle tout l'monde ! Cesse ne fait pas dans la tendresse ni la pitié ; n'est pas victime qui veut. Notre coup de cœur ? Grenouille. Et ça tombe bien, puisque c'est le titre que Yoanna nous a joué en session acoustique. « Pas l'temps d'faire cuire, c'est une entrave, pas l'temps d'mâcher, je m'baffre je m'gave, j'ai la rage, j'ai les crocs » : quand la « grenouille qui voulait être aussi grosse que le bœuf » gonfle la panse de l'accordéon, c'est un troupeau entier de boulimiques que l'on entend grignoter, déglutir, mâcher, engloutir, croquer... Jusqu'à ce qu'Un peu brisée vienne mettre un peu d'ordre dans tout ça. La boulimie sans l'anorexie ? A d'autres. Manger pour maigrir, tout est là. « Elle se trouve énorme grosse et grasse, alors qu'elle n'est qu'une ombre sur une carcasse (...) parait que c'est en lien avec sa mère » : rien n'arrive pas hasard. Et si la société est au bord du gouffre, si « c'est toujours les petits qui douillent », c'est qu'il y a des « gros sans foi ni loi » (La vieille et la gamine). Noyé dans les sanglots du violoncelle, Le cri du chat résonne sur fond de dépression sociale : « j'avais le moral dans mes chaussettes mais il n'y est plus d'ailleurs j'n'ai même plus de chaussettes ». De coups de fourchette en coups de gueule, Yoanna croque la vie à pleines dents sans oublier quand dans les pommes, il y a des pépins aussi.

Auteur : Cécile Duclos

Yoanna, Un peu brisée, 14 février 2012
Crédit photo (hors concert) : Vincent C@ctus Vanhecke

Retrouvez Yoanna sur le web : sur son site officiel et sur facebook.

Yoanna sera en concert le :
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26 avril, Pub des Jacobins, Bourges (18)
27 avril, 3 P'tits Cochons, Bourges (18)
18 mai, Paroles et Musiques, Saint Etienne (42)
2 juin, Festival Les Ingrédients, Ingré (45)
9 juin, Festival Au pré de mon âne, Evres (55)
16 juin à la Fête de la musique, Morestel (38)
6 juillet, Festival Col des Mille, Miribel (38)
7 juillet, Zaccros D'ma Rue, Nevers (58)
19 juillet, Souffleur D'Arundel, Sables d'Olonne (85)
20 juillet, Festival de la Motte, Siecq (17) option
27 juillet, Les Nocturnes du Vendredi, Thonon (74)
3 août, Café de l’Été, La Roche-sur-Yon (85)
9 octobre, Tango Swing et Bretelles, Saint Vallier (71)

Mon espace conso
Le dernier album de Yoanna :
Un peu brisée, Yoanna, Matcha/Musicast, 13 février 2012.
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