mercredi 16 mai 2012

Interview de Yoanna, la grenouille-taureau et la princesse charmante

Interview de Yoanna, Crédit Photo : Vincent C@ctus VanheckeDélestée de son énorme accordéon (il faut le soupeser pour le croire !), Yoanna s'installe, souriante, au milieu des effigies, statuettes, bustes, portraits, poupées, amulettes, figurines et autres idoles qui ont pris leurs quartiers au Divan du Monde. Son nouvel album, Un peu brisée, dans les bacs, la jeune femme nous parle de boxe et d'écriture instinctive, de bipolarité et d'émotions, de nourriture et de culpabilisation, de Virginie Despentes et d'accordéon chromatiques à boutons, de Mano Solo, de Céline Dion, de Rihanna et de Beyoncé, de gens qui s'écoutent chanter et de patron dont on ne veut pas... Interview de Yoanna, une artiste libre et instinctive.


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Bonus : A la question « Comment s'est fait votre premier album ? », Yoanna répond :
J'ai rencontré quelqu'un qui m'a proposé que l'on travaille ensemble, qui avait envie de faire un disque avec moi. Au début, c'était pour avoir des concerts. Le disque, ça reste une carte de visite pour avoir des dates. Il ne faut pas oublier que l'on fait des spectacles.

Interview de Yoanna : Un peu brisée, son nouvel album

« Les gens qui font de la boxe se sentent bien après une séance ; moi, je sais que si j'arrive à jeter sur papier quelque chose qui me pourrit la vie, quelque chose dont j'ai besoin de parler, ça me fait du bien. »

Comment la création de votre nouvel album Un peu brisée s'est-elle déroulée ?
Nous avons fait cet album assez rapidement, en moins de 6 mois.

Avez-vous composé toutes les chansons ?
Sur les 12 chansons que compte l'album, Batlik en a écrit une, Thierry Romanens aussi, Arnaud Méthivier, un accordéoniste, a composé la musique d'une autre ; et pour le reste, j'ai écrit les textes, et la musique est un travail collectif entre Marion Ferrieu, qui joue du violoncelle, Pierre Martin, le réalisateur du disque, et moi. Nous avons donc composé cet album tous les 5 ensemble, à la campagne.

Yoanna, Crédit Photo : Vincent C@ctus Vanhecke

Et vous écrivez les paroles en même temps que la musique ?
Il n'y a pas de règles, si on savait comment il fallait faire (rires) ! Sur ce disque-là, cependant, la musique a joué un rôle très important, et les textes sont venus après ; j'ai écrit sur des sons, des instruments.

Quand on demande aux artistes comment ils composent leurs chansons, il y ceux qui tâtonnent avec leur instrument pour trouver la bonne mélodie et le bon accompagnement, et ceux qui entendent la mélodie et parfois l'ensemble des arrangements dans leur tête et qui n'ont plus qu'à tout retranscrire...
Ah ! Ils ont de la chance (rires) ! Ce n'est pas du tout mon cas (rires) ! Je n'entends pas de voix, ou de mélodie, et je serais incapable d'écrire un partie de clarinette (rires) ! Après, chacun a sa manière de composer, comme il y a autant de sexualités différentes, de vues différentes, de gens différents... Et puis avec le temps, ça peut changer aussi.

Quelles ont été vos sources d'inspiration dans l'écriture des textes de l'album Un peu brisée ?
Mon rapport à l'écriture est extrêmement intime. Je suis autodidacte, elle n'a donc rien d'académique. C'est une manière pour moi de m'exprimer, de communiquer, et de me défouler, aussi. Les gens qui font de la boxe se sentent bien après une séance d'une heure ; moi, je sais que si j'arrive à jeter sur papier quelque chose qui me pourrit la vie, quelque chose dont j'ai besoin de parler, ça me fait du bien.

Vos textes sont très poétiques...
Ça, je ne sais pas (rires) !

Il y a des auteurs ou des poètes qui vous inspirent ?
Je ne crois pas, non, même si je lis beaucoup. Les derniers livres que j'ai aimés, par exemple, sont ceux de Virginie Despentes. Quand j'écris, c'est pour moi, parce que j'en ai besoin, ce n'est pas dans l'optique de faire des chansons, et la plupart de mes textes ne deviendront jamais des paroles, ne finiront pas sur scène.

Interview de Yoanna, quand la grenouille jette des pavés dans la mare

« C'est une caricature pas si caricaturale, comme toute caricature. »

Pouvez-vous nous parler de la chanson Elle est double ?
Cette chanson parle de bipolarité. Si l'on prend une échelle des émotions humaines, certaines personnes restent toujours à 0 (qu'elles aillent bien ou mal, ça ne se voit pas), et d'autres sont tout le temps soit très mal, soit très bien. Récemment, les médias en ont parlé un peu, c'est devenu un sujet à la mode, une pathologie que l'on cherche à comprendre et à traiter. Quant à moi, j'avais juste envie d'en parler parce que quelqu'un de mon entourage m'a fait remarquer que j'étais quand même extrêmement dure à suivre – on va dire ! –, en termes d'humeur (rires) !

Yoanna, Crédit Photo : Vincent C@ctus Vanhecke

Est-ce le premier single de l'album ?
Les singles, je n'y crois pas beaucoup... Je ne pense pas qu'il y en ait sur ce disque. Pour moi, un single est une chanson qui est faite pour ça, et nous, ce n'est pas du tout notre démarche. Pour les gens qui ont travaillé avec nous sur cet album, on en a quand même choisi un, sur lequel on a essayé de communiquer : c'est le titre Cesse. Mais je trouve que ce disque forme vraiment un tout ; il y a une atmosphère générale, un lien très fort entre les différents morceaux – en plus, ils vont par deux ! –, des éléments qui reviennent... Alors quand il faut choisir un single, c'est très compliqué ! D'autant que concrètement, quand on regarde ce qui intéresse les médias aujourd'hui, on voit bien que notre musique ne rentre pas du tout dans les cases.

De quoi la chanson Cesse parle-t-elle ?
Cesse parle du fait que très peu de gens ne déversent pas leurs problèmes sur leurs proches. Quand on ne va pas bien, on sait que l'on peut répandre toute notre misère sur les gens qui nous aiment parce que justement, ils nous aiment. On se victimise, d'une part, mais surtout, on culpabilise ceux tiennent à nous alors qu'ils n'y sont pour rien. On va se permettre des choses avec nos parents, par exemple, que l'on ne se permettrait pas avec d'autres personnes. C'est malheureux, bien sûr.

Pouvez-vous nous parler des chansons Grenouille et Un peu brisée ?
Elles portent toutes les deux sur la même « thématique » puisqu'elles parlent de nourriture, du rapport que l'on a à l'alimentation, des raisons pour lesquelles c'est très compliqué... Personne n'y échappe. Les gens qui disent « moi, c'est super avec la nourriture ! », ce n'est pas vrai. D'autant que l'on vit dans une société où cela ne va pas en s'améliorant. Au départ, je voulais que tout l'album soit sur ce sujet-là, avec différents points de vue, ce qui est le cas de Grenouille et d'Un peu brisée. Ces deux morceaux abordent la même problématique, sauf que le sujet est tellement vaste, que même un livre ne suffirait pas à en faire le tour !

Yoanna en session acoustique

Et du morceau Tant qu'elle dit ?
Tant qu'elle dit parle de sexualité, du rapport homme femme poussé dans ses extrêmes. C'est une caricature pas si caricaturale, comme toute caricature. Pour vulgariser, Tant qu'elle dit parle du fait que pour certaines personnes, ne rien dire équivaut à un « oui », et parfois même, un « non » sera aussi considéré comme un « oui ».

En chantant Tant qu'elle dit, vous vous placez donc du point de vue de l'homme ?
Oui, du point de vue du mec qui se dit que les meufs, faut juste qu'elles la ferment. C'est vraiment cliché, mais il y a des gens comme ça. C'est pour ça que je me suis permise d'écrire cette chanson. Je me suis fait plaisir (rires) !

Interview de Yoanna, libre comme une grenouille sans mare

« Ah oui, je suis libre ! C'est pour cela, aussi, que je suis indépendante. Je ne veux pas de patron, et c'est l'avantage de ce métier, au-delà de la motivation artistique, de la scène et de la création. »

Pouvez-vous nous parler de votre parcours musical ?
Dès 6 ans, j'ai commencé à passer des concours d'accordéon – pour les accordéons comme le mien, les chromatiques à boutons, dont l'enseignement n'est pas dispensé au conservatoire – à la société des accordéonistes genevois. Je devais jouer deux morceaux à chaque fois, un classique et un musette. A 14 ans, j'ai tout arrêté, puis je m'y suis remise vers 16 ans, quand j'ai rencontré d'autres accordéonistes, dont une fille qui s'appelait Christine, sur un stage de cirque. Ça m'a donné envie de m'y remettre, mais je n'ai plus repris de cours.

Yoanna en concert au Divan du Monde

Et le chant ?
J'ai pris des cours de chant avec Charline [NDLR : Chéchirlian], qui est maintenant ma manageuse, un peu sur le tard. Mais techniquement, en matière de chant, je ne vaux rien.

Enfin, vous avez une belle voix !...
Oui, mais ce n'est pas...

Le timbre, c'est important quand même...
Céline Dion a une jolie voix.

Ça dépend des goûts...
(rires) Beyoncé ! Rihanna ! Je ne sais pas, moi (rires) ! Et puis j'ai un rapport très spécial avec le chant, je n'y pense pas. Je pense aux paroles, pas à ma voix. Quand je suis dans le texte, je fais abstraction du reste. Il n'y a rien de pire que les gens qui s'écoutent chanter (rires) !

Si vous pouviez changer une chose dans l'industrie musicale, ce serait ?
L'industrie musicale ne m'intéresse pas du tout. Je suis indépendante, je travaille comme je l'entends. Si je devais changer quelque chose ? Je changerais tout, en commençant par les majors que je fermerais. Tout le monde ne rêve que d'une chose, signer dans telle ou telle maison, passer à la télé... Il n'y a que les artistes de hip-hop qui se sont rassemblés en collectif, qui ont monté leur propre label et leur propre studio.

Vous ne semblez pas avoir peur des mots ; est-ce vrai, ou certains mots vous font-ils peur ?
Les mots ne me font pas peur même si bien sûr, je fais attention aux mots que j'utilise. J'ai une écriture instinctive. Je n'ai pas mon bac, je n'ai pas fait d'études en littérature, je n'ai aucune prétention littéraire.

Yoanna, Crédit Photo : Vincent C@ctus Vanhecke

Vous semblez libre, en tout cas, dans les paroles de vos chansons.
Ah oui, je suis libre ! C'est pour cela, aussi, que je suis indépendante. Je ne veux pas de patron, et c'est l'avantage de ce métier, au-delà de la motivation artistique, de la scène et de la création. Ce n'est pas rien (rires) !

Une chose qui vous révolte ?
Tout me révolte ! Je suis quelqu'un d'extrêmement en colère, et contre tout, malheureusement... Tout, tout, tout...

Une chose qui vous émeut ?
Je ne sais pas... Le premier disque de Mano Solo ?

Vos projets ?
La tournée a démarré en février, elle devrait durer au moins un an.

Interview effectuée le 10 avril 2012 par Cécile Duclos

Yoanna, Un peu brisée, 14 février 2012
Crédit photo (hors concert et session acoustique) : Vincent C@ctus Vanhecke

Retrouvez Yoanna sur le web : sur son site officiel et sur facebook.

Yoanna sera en concert le :
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18 mai, Paroles et Musiques, Saint Etienne (42)
2 juin, Festival Les Ingrédients, Ingré (45)
9 juin, Festival Au pré de mon âne, Evres (55)
16 juin à la Fête de la musique, Morestel (38)
6 juillet, Festival Col des Mille, Miribel (38)
7 juillet, Zaccros D'ma Rue, Nevers (58)
19 juillet, Souffleur D'Arundel, Sables d'Olonne (85)
20 juillet, Festival de la Motte, Siecq (17) option
27 juillet, Les Nocturnes du Vendredi, Thonon (74)
3 août, Café de l’Été, La Roche-sur-Yon (85)
9 octobre, Tango Swing et Bretelles, Saint Vallier (71)

Mon espace conso
Le dernier album de Yoanna :
Un peu brisée, Yoanna, Matcha/Musicast, 13 février 2012.
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