mercredi 19 septembre 2012

Volpone au Théâtre de la Madeleine

Volpone au Théâtre de la MadeleineMordante et désopilante, la nouvelle mouture de Volpone, au Théâtre de la Madeleine, flirte entre la commedia dell’arte, les comédies de boulevard et ces farces à l'amère noirceur dont on s’enorgueillit outre-Manche. D'une modernité troublante, cette pièce écrite par Ben Jonson à l'orée du XVIIème siècle et mise en scène par Nicolas Briançon taille, en quelques dialogues acérés, un costume peu reluisant à la glorieuse nature humaine : en forme de « t » (avidité, cupidité, lubricité, duplicité, naïveté, grossièreté, vénalité, méchanceté, cruauté), mais aussi avec un grand « i » (envie, jalousie, mesquinerie) et quelques « ise » et « ice » pour parfaire l'ensemble (traîtrise, bêtise, gourmandise, avarice)... La leçon est universelle, alors si vous répugnez à écouter aux portes des confessionnaux, rendez-vous au Théâtre de la Madeleine !

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Le saviez-vous ? En 1928, Volpone a été adapté par Stefan Zweig et Jules Romains.

Il était une fois Volpone au Théâtre de la Madeleine

«Volpone est une pièce d’une férocité irrésistible sur l’argent, le sexe et la cupidité. Elle date de 1606, et semble avoir été écrite hier. Volpone est moderne parce qu’il semble évoluer dans un monde sans conscience, sans règles, sans empathie. Un monde où il importe de posséder, de jouir, et de jeter. » (Nicolas Briançon)

Volpone (Roland Bertin dans la vie ; le « renard » en italien) est âgé (du genre increvable), riche (la cupidité de cet ancien marchand vénitien est à la hauteur des trésors amassés), célibataire endurci (un Dom Juan sur le retour, coureur de jupon invétéré) et dépourvu d'héritier naturel (si l'on exclut d'éventuels bâtards, fils de filles de joie, de ferme, de chambre et autres pimpantes damoiselles). Une aubaine pour nombre de rapaces sans foi ni loi ! Aussi, lorsque le facétieux (pervers ?) vieillard, que l’oisiveté ronge, décide d'égayer ses jours en se faisant passer pour moribond, plus d'un coquin se jette tête baissé dans une course effrénée vers l'or. Le rêve de ces rapaces du dimanche ? Gagner les faveurs du vieux débris, voir leur nom inscrit sur le sacro-saint testament et bien sûr, enterrer leur bienfaiteur vite fait bien fait (sur ce point, les avis divergent) pour toucher la succession.

Bande-annonce de Volpone, au Théâtre de la Madeleine :


Prêt à tout, l’avocat Voltore (Pascal Elso) ouvre la danse macabre. Cadeaux onéreux, douceurs cuisinées maison, plaidoirie éhontément mensongère : rien ne l'arrête. Sourd comme un pot, le fossile nommé Corbaccio (Yves Gasc) se plaît à enterrer tout le monde : ses parents, ses frères et sœurs, ses proches... Chaque mort (qui n'est pas la sienne) est source de jubilation. Rien d'étonnant, donc, à ce que la perspective de voir partir le petit Volpone (tout est relatif, même la jeunesse !) tout en héritant, au passage, de son immense fortune, mette le vieux corbeau au comble de l'excitation ! Aussi n'hésite-t-il pas une seconde à sacrifier Bonario, son gentil fils, à l'autel de ses ambitions. Et pour compléter cette galerie de personnages hauts en couleurs, trois autres figures (un triangle amoureux ?) occupent le devant de la scène : Corvino (Grégoire Bonnet), un marchand d'une jalousie maladive, maquereau dans l'âme (pour appâter le vieux renard, tout est bon !) et amateur de cravache (en maison close, s'entend) ; son épouse Celia (Barbara Probst), une jolie jeune femme d'une candeur qui confine à la bêtise ; et la gourgandine de service (interprétée par la délicieuse Anne Charrier), qui ne rêve que d'une chose, un mariage heureux (traduisez, bref et enrichissant). Enfin, il y a l'énigmatique Mosca (Nicolas Briançon), le fidèle serviteur de Volpone. Plus qu'un bras droit, Mosca est un véritable cerveau. Jusqu'où ira-t-il pour amuser son maître ? Celui qui se surnomme lui-même le « parasite » n'est-il, somme toute, qu'un dévoué valet ? Réponse sur les planches avec Volpone, au Théâtre de la Madeleine !

Une mise en scène soignée pour Volpone au Théâtre de la Madeleine

Affiche d'André Barsacq pour Volpone de Ben Johnson, Stefan Zweig et Jules Romain, théâtre de l'Atelier, 1929Écrite en 1606 par le dramaturge anglais Ben Jonson, ami et rival du grand Shakespeare, Volpone (ou Le Renard) a traversé les siècles sans prendre une ride ; bluffant. Lorsque l'on sait qu'en plus, l'acteur de théâtre (Bacchus de Jean Cocteau, Jacques et son maître de Milan Kundera, La Guerre de Troie n'aura pas lieu de Jean Giraudoux) et de cinéma (Embrassez qui vous voudrez de Michel Blanc, Les Poupées russes de Cédric Klapisch), metteur en scène et directeur du Festival d’Anjou, Nicolas Briançon (qui, en plus d'avoir adapté la pièce, fait des miracles dans le rôle du serviteur Mosca), nous a concocté une mise en scène aux petits oignons dans un théâtre de toute beauté (Volpone, au Théâtre de la Madeleine, c'est quand même quelque chose !), on ne peut que se laisser griser par cette comédie satirique qui puise toute sa force dans les travers, insondables et innombrables, de la nature humaine. Mention spéciale pour les ingénieux décors et les interludes musicaux qui font la part belle aux cabrioles d'un attachant trio de bouffons-danseurs.

Un casting de premier choix pour Volpone, au Théâtre de la Madeleine

A 82 ans, Roland Bertin tient de main de maître le rôle épineux de la sale bête agonisante, Volpone, au Théâtre de la Madeleine. Acteur de la Comédie-Française, Chevalier de la Légion d'honneur (entre autres distinctions honorifiques), il s'illustre depuis des années au théâtre (La Tempête de Shakespeare, Dom Juan de Molière, Mère Courage et ses enfants de Bertolt Brecht, Le Balcon de Jean Genet, Oncle Vania de Tchekhov), au cinéma (La Chair de l'orchidée de Patrice Chéreau, Les Sœurs Brontë d'André Téchiné, Le Mari de la coiffeuse de Patrice Leconte) mais aussi à la télévision (Rastignac ou les ambitieux d'Alain Tasma, Contes et nouvelles du XIXe siècle : Le fauteuil hanté de Claude Chabrol).
Dans le rôle de l'avocat véreux aux pulsions assassines, nous retrouvons Pascal Elso, un artiste aux multiples talents (acteur de théâtre, cinéma, télévision, metteur en scène, mime, clown...) et dans celui du vieux Corbaccio, un autre acteur de la Comédie-Française également metteur en scène, Yves Gasc, que l'on a déjà pu voir sur les planches (Œdipe d'André Gide, Le Malade imaginaire, Les Précieuses ridicules et L'Avare de Molière, Lorenzaccio d'Alfred de Musset, L'Importance d'être constant d'Oscar Wilde) et sur grand écran (Des journées entières dans les arbres de Marguerite Duras).
Enfin, c'est avec une joie non dissimulée (qui frôle l'extase) que nous jouissons de la performance, imparable, d'Anne Charrier. En grande habituée des maisons closes (souvenez-vous, c'est elle qui incarne sur petit écran la vénéneuse Véra dans la série télévisée Maison Close ; à ce sujet, lire notre article intitulé La série Maison Close au septième ciel), la ravissante actrice excelle dans le rôle de la belle-de-nuit aux mœurs légères, avec ou sans cravache, porte-jarretelles et autres accessoires professionnels... Un pur délice ! Quant à Grégoire Bonnet, il fait tout simplement des miracles dans le rôle de Corvino, le dindon cornu qui ne rechigne pas devant une bonne fessée : hilarant ! De sa gestuelle parfaitement rodée à ses complaintes cultes (« Quelle plaie ! »), on adore ! Chapeau bas.

Interview réalisée le 27 janvier 2012 par Cécile Duclos

Informations pratiques
Volpone, au Théâtre de la Madeleine
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Une pièce de Ben Jonson
Adaptation Nicolas Briançon et Pierre-Alain Leleu
Mise en scène par Nicolas Briançon
Avec Roland Bertin, Nicolas Briançon, Anne Charrier, Philippe Laudenbach, Grégoire Bonnet, Pascal Elso, Barbara Probst, Matthias Van Khache et Yves Gasc.
Décors Pierre-Yves Leprince.
Lumières Gaëlle de Malglaive.
Costumes Michel Dussarat.
Durée : 1h45 sans entracte
Dates : à partir du 12 septembre 2012, à 20h30 du mardi au samedi ; à 17h le samedi et le dimanche.
Adresse : Théâtre de la Madeleine (19 Rue de Surène, 75008 Paris)
Tarifs : De 17 € à 54 € selon la catégorie

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Volpone ou le Renard : Bilingue français-anglais, Ben Jonson, Classiques en poche, septembre 2004.
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