lundi 2 janvier 2012

Polanski : Carnage en ménage

Polanski : Carnage en ménageQuoi de plus approprié en cette période de fêtes de fin d'année qu'un petit carnage domestique entre adultes consentants ? Jouissif s'il en est, Carnage, le dernier film de Polanski, brille tant par ses dialogues percutants que par son casting éclatant. A l'affiche : Jodie Foster (Penelope Longstreet), Kate Winslet (Nancy Cowan), Christoph Waltz (Alan Cowan) et John C. Reilly (Michael Longstreet). Quatre acteurs au sommet pour cette satire hilarante, sans temps mort ni faux pas, d'où l'on ressort avec une unique frustration, que les choses ne soient pas allées encore plus loin. Les affrontements, aussi mordants soient-ils, s'inscrivent en effet dans un cadre parfaitement policé : pas d'estocade, mêlée, empoignade, rossée, mornifle et autre manifestation physique d'une colère incontrôlée ; pas d'insulte (ou presque), menace, juron et autre excès verbal ; pas de révélation sordide, secret ou scandale de famille. Carnage déploie une trame bien plus subtile où la tension est permanente, une trame tissée de sarcasmes et de jeux regards, de remarques faussement bien intentionnées et de dérapages divinement contrôlés. Et c'est sans doute là ce qui fait toute la force de ce huis clos grinçant construit dans les plus pures règles de l'art, avec unité de temps, d'action et de lieu.

Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Le saviez-vous ? La scène où Kate Winslet vomit partout a été tournée... sans trucage. L'actrice a ingurgité des restes de la cantine préparés spécialement pour elle (une pâte à base de fruits écrasés), avant de se lancer dans cette performance hors-du-commun.

Polanski : Carnage, une guerre en huis clos

« L'enfer, c'est les autres » (Huis clos, Jean-Paul Sartre)

Roman PolanskiL'efficacité de l'histoire, tirée d'une pièce de théâtre de Yasmina Reza (Le Dieu du carnage, 2007), tient certainement à sa simplicité, presque enfantine. Tout part d'une querelle d'enfants, d'une banale histoire de clans dans un quartier résidentiel de Brooklyn : l'un des petits caïds est légèrement blessé par un bâton. Les parents de la victime, les Longstreet, décident alors d'inviter les parents de l'agresseur, les Cowan, pour régler ce différend comme il se doit... en toute civilité. Sauf que rien ne se passe comme prévu, et qu'entre adultes, les conflits se règlent autrement qu'avec un malheureux morceau de bois. Les reproches attisent l'animosité, les sermons entérinent la rancœur, l'humiliation enrage, les moqueries blessent... On se croirait dans un western des années 50 avec à la place des traditionnels revolvers  une ribambelle d'armes psychologiques toutes plus affûtées les unes que les autres. Et lorsque le règlement de comptes dégénère en conflit ouvert, le spectateur glousse de plaisir entre deux éclats de rire. Car il faut bien l'avouer, le dernier film de Polanski, Carnage, est tout simplement jubilatoire ! 

Le dernier coup de pied dans la fourmilière de Polanski, Carnage


« Pendant plusieurs jours, nous jetâmes des chrétiens aux lions : c'est-à-dire que nous lancions des poignées de petites sauterelles dans la toile endiamantée des grandes araignées » 
(La Gloire de mon père, Marcel Pagnol)

Jodie FosterA l'image de leur progéniture adorée, les adultes peuvent se montrer cruels, lâches, vils, mesquins, vindicatifs, menteurs, railleurs... La férocité des tribus enfantines de Sa Majesté des Mouches ne laisse pas l'ombre d'un doute : « tel père tel fils ». Carnage, selon le même adage, fait mouche et pointe sans faux-semblant les maux qui rongent notre société moderne tout ce qu'il y a de plus civilisée : agressivité, alcoolisme, addiction, vanité, égoïsme, domination, perfidie, violence, etc. En ligne de mire, la middle class new-yorkaise incarnée par deux couples qui s'écharpent en toute dignité avec d'un côté, un employé médiocre qui vend des chasses d'eau la semaine et ne s'intéresse pas à grand chose d'autre, le reste du temps, qu'à son vieux whisky et une intellectuelle qui s'enflamme pour les causes humanitaires du haut de son confortable appartement à Brooklyn, et de l'autre, un avocat sans scrupule rivé à son téléphone portable et une fausse bonne mère de famille au bord de la dépression. Le bilan de leur affrontement ? Les chamailleries d'adultes n'ont rien à envier à la cour d'école.

Bande annonce du dernier film de Roman Polanski, Carnage :


Polanski : Carnage, une guerre des sexes impitoyable

« Ellénore m’imputait ses propres torts, elle m’insinuait qu’un seul mot la ramènerait à moi tout entière ; puis, offensée de mon silence, elle se précipitait de nouveau dans la coquetterie avec une espèce de fureur. »
(Adolphe, Benjamin Constant)

John C. ReillyDe l'imperceptible glissement au retournement radical, Carnage regorge de rebondissements. L'une des surprises de ce long métrage décapant ? La légendaire guerre des sexes, revue et corrigée par Polanski. Carnage, comme La Guerre des Rose, ravive l'ancestral clivage homme femme. Autour d'un bon whisky, les hommes se rabibochent subitement, oubliant leur combat de coq en une seule gorgée. Délaissées, leurs épouses se mettent à boire à leur tour. Les camps se reforment, les hommes contre les femmes, le match peut commencer : Penelope reproche à Michael d'avoir abandonné le hamster de leur fille ; Nancy noie avec une jouissance non dissimulée le portable d'Alan, lors d'une castration téléphonique épique ; Michael, exaspéré, regrette son célibat ; Alan revendique le désintérêt total qu'il éprouve pour son sauvage de fils... Les querelles de couple s'enveniment, les surnoms ridicules (Toutou, Darjeeling...) fusent entre réprimandes amères, allusions désobligeantes et désillusions à répétition. Dans le mariage, tous les coups sont permis !

Avec Polanski, Carnage déménage


« Combien de parents prennent fait et cause pour leurs enfants de façon elle-même infantile? » (Le Dieu du carnage, Yasmina Reza)

Kate WinsletCarnage va loin, très loin, mais sans jamais s'enferrer dans la vulgarité, la facilité ou la caricature. Quand la belle Nancy vomit partout, retapissant le salon de leurs hôtes d'une immonde matière granuleuse après avoir goûté un gâteau maison peu ragoutant, on reste bouche bée. Tout est filmé, pendant et après, nettoyage compris. Cette scène d'anthologie rondement menée par une Kate Winslet totalement décomplexée n'aurait pas pu être plus réaliste, à l'image de l'indécision des trois autres personnages tiraillés entre dégoût, colère et compassion. En résumé et pour terminer, le jeu des acteurs est époustouflant, le scénario, admirablement ficelé, la mise en scène, minimaliste et impeccable ; c'est certain, avec Polanski, Carnage passe avec maestria des planches de Londres, Paris ou encore Broadway, au grand écran !

Auteur : Cécile Duclos

La fiche du dernier film de Polanski, Carnage :
Titre original : Le Dieu du carnage
Pays de production : Allemagne, Espagne, France et Pologne
Sortie en France : le 7 décembre 2011
Durée : 1h 20mn
Réalisateur :  Roman Polanski
Scénario : Yasmina Reza, Roman Polanski
Synopsis : Tiré de la pièce écrite par Yasmina Reza.
Acteurs : Christoph Waltz (Alan Cowan), Kate Winslet (Nancy Cowan), Jodie Foster (Penelope Longstreet), John C. Reilly (Michael Longstreet)…


Mon espace conso
Carnage (le film en DVD)
Carnage, avec jodie Foster, Kate Winslet, Christoph Waltz et John C. Reilly, Roman Polanski (Réalisateur), sortie le 7 avril  2012.
Le dieu du carnage
Le dieu du carnage, Yasmina Reza, Magnard, avril 2011.
La Guerre des Rose (le film en DVD)
La Guerre des Rose, avec Michael Douglas et Kathleen Turner, Danny Devito (Réalisateur), sortie en février  2011.



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