Paris, mars 2012. Le soleil s'écrase sur les vitres et danse sur les instruments qui, partout, s'amoncellent dans la pièce (mandoline, banjo, ukulélé, guitare sèche...), un véritable paradis pour Thea Hjelmeland ! Tout sourire, la jeune Norvégienne répond à nos questions dans un excellent français. Elle nous parle de son premier album Oh, The Third... et de Bernhoft, des Beatles et de Nina Simone, de fado et de flamenco, de Beyoncé, de Rihanna, de Britney Spears et de Madonna, de rencontres Internet et de myspace, de voix et de Mélissa Laveaux, de la France et de la Norvège, de puzzle et de journal intime, de pop acoustique bleue, d'orgue et d'accordéon, d'instruments de cent ans d'âge et de cuvettes de toilettes, de valises et de voyages, de carnet et d'enregistreur... Interview de Thea Hjelmeland, une artiste émouvante et talentueuse qui vit de musique et d'eau fraîche.
A lire : La chronique du premier album de Thea Hjelmeland, Oh, The Third...
A écouter : Thea Hjelmeland en session acoustique
Pour ouvrir la boîte de Pandore, c'est ici...
Bonus : A la question « Y a-t-il un autre instrument dont vous aimeriez savoir jouer ? », Thea Hjelmeland répond :
Bonus : A la question « Y a-t-il un autre instrument dont vous aimeriez savoir jouer ? », Thea Hjelmeland répond :
Le violoncelle, oui. J'adore le son du violoncelle, mais c'est difficile ! Je crois que c'est l'instrument qui se rapproche le plus de la voix humaine ; c'est un instrument qui me touche vraiment.
Interview de Thea Hjelmeland : Oh, The Third..., un album puzzle
« Mon album est vraiment un puzzle des différentes périodes de ma vie. »
Pouvez-vous nous parler de la création de votre album Oh, The Third... : avez-vous tout fait vous-même ?
Oui, mais j'écris depuis longtemps ! J'ai commencé à écrire des chansons quand j'avais 13 ans, et mes premiers concerts, je les ai donnés il y a 12 ans déjà. Dans Oh, The Third..., l'un des morceaux date de mes 16 ans, et les autres ont été écrits de mes 17 à mes 25 ans – c'est mon âge ! –. Oh, The Third... correspond à toute cette période, et donc, à plusieurs modes d'écriture. Au fil des ans, j'ai essayé de nouvelles choses, j'ai cherché d'autres moyens d'expression pour pouvoir raconter tout ce que je voulais dire. Pour la musique, j'ai toujours un enregistreur sur moi. Je crée des sons un jour, je chante un peu le lendemain...
Pour entrer dans la 3ème dimension, une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan suffit (n'hésitez pas à cliquer sur l'image pour l'agrandir).
Comment l'enregistrement s'est-il passé ?
J'ai enregistré Perfume, le premier morceau de l'album, avec un producteur norvégien qui s'appelle Jørgen Træen. Puis j'en ai eu marre de la Norvège, alors je suis partie à Cuba, en France, au Maroc... Pendant 6 à 8 mois, j'ai voyagé, et quand je suis rentrée, j'étais vraiment prête. Mais c'était mon producteur qui n'était plus disponible ! Alors j'ai appelé Jarle Bernhoft que je connaissais depuis quelques années. Je savais qu'il avait de nombreux contacts et qu'il pourrait me conseiller. Mais au lieu de m'indiquer un confrère, il m'a dit : « Ah mais je veux bien, moi, avec un ami – Jostein Ansnes –, faire un album avec toi ! » (rires). Je suis donc allée en studio avec eux pour enregistrer une première chanson, et c'est là que l'on a su que l'on travaillerait ensemble. Au final, l'album a été enregistré dans trois studios différents ! Nous avons essayé d'y rassembler toutes les chansons, tous les sons que j'avais préparés ; et le résultat, c'est vraiment un puzzle des différentes périodes de ma vie.
Composez-vous les paroles en même temps que la musique ?
Ça dépend, ça ne se passe pas toujours de la même façon, mais j'ai toujours un carnet avec moi. Quand je me promène et qu'il y a une phrase que j'aime bien, j'essaie d'écrire des rimes. Je note toujours des petites choses comme ça, j'ai peut-être une ou deux phrases au départ, et quand je retrouve mes instruments, j'essaie de faire quelque chose avec. Dans cet album, il y a beaucoup d'harmonies vocales ; la voix, c'est ce qui compte le plus pour moi, c'est fondamental dans tout ce que je fais.
Et les arrangements, c'est aussi vous ?
Oui, j'ai tout fait !
Bravo !...
Merci (rires) !
Quels thèmes abordez-vous dans les paroles de votre album ?
Oh, The Third... regroupe plusieurs histoires ; certaines sont réelles, d'autres fictives ; certaines me concernent, d'autres non. La communication entre les gens y tient un rôle important. On y parle de frustration, aussi, et du barrage de la langue. Depuis que je suis en France, je dois vivre avec ; il y a une multitude de codes, de malentendus, de quiproquos... Lorsque j'écris, c'est d'abord pour moi-même, pour développer ou dépasser quelque chose – un problème, par exemple –, pour tourner une page. Dans certaines chansons – comme I Need No Other –, je m'observe de l'extérieur et j'essaie de comprendre ce qu'il se passe, de rassembler les pièces. C'est une sorte de journal intime, un recueil de réflexions.
Depuis combien de temps habitez-vous en France ?
Depuis 2008 – cette année-là, j'ai commencé à jouer à Paris avec des musiciens –, je voyage entre les deux pays.
Vous parlez de « pop acoustique bleue » à propos de votre album Oh, The Third...
Quand quelqu'un me demande ce que je fais comme musique, je réponds « de la pop », parce que c'est simple et qu'il existe plein de styles différents dans la pop. Mais la question suivante, c'est souvent : « Comme Madonna et Britney Spears ? ». Alors je réponds : « Ah non, pas vraiment, c'est plus acoustique ». Et là, on me dit : « Ah ! C'est plus folk. ». Mais je ne fais pas de country ou de blues, alors je précise que c'est « bleu », pour expliquer que j'essaie de faire quelque chose de profond.
Pouvez-vous nous parler du premier single de l'album Oh, The Third..., I Need No Other ?
J'ai écrit cette chanson parce que voyager beaucoup est une source de frustration. Normalement, lorsque l'on voyage, on se sent libre, cela nous ouvre quelque chose dans la tête. Mais pour moi qui suis musicienne et qui suis sans cesse par monts et par vaux, c'est différent. C'est mon travail, et depuis plus de dix ans, j'habite un peu dans ma valise. J'aimerais vraiment avoir un appartement, un endroit à moi, et ne plus dormir dans tous les canapés du monde entier ! Cette chanson parle de ça, de cette envie de changer quelque chose alors que, dans le même temps, j'aime bien cette vie (rires). C'est un peu paradoxal !
Interview de Thea Hjelmeland, musicienne dans l'âme
« La musique, c'est vital pour moi. »
Sur cet album, vous jouez de la mandoline, du banjo, de la guitare, du ukulélé... Vous jouez du piano aussi ?
Oui, sur I Need No Other, et je joue des petites percussions aussi. Et de l'orgue. En fait, nous avons utilisé tout ce que le studio mettait à disposition et il y avait plein d'instruments ! J'ai toujours été attirée par les sons, les instruments. J'ai commencé à faire de la musique parce que mon père est musicien et qu'il avait beaucoup d'instruments à la maison. J'ai donc essayé de jouer un peu de tout. Mais je ne joue pas de la mandoline, du ukulélé ou du banjo comme un joueur classique. Je les accorde comme une guitare. Et sur l'album, il y a d'autres sons. Par exemple, nous avons fait des percussions dans les toilettes, avec le radiateur et la cuvette. Et le résultat est super ! J'aime bien chercher différentes couleurs et j'adore les vieux instruments, même si c'est vraiment difficile de voyager avec. Hier, j'ai découvert juste avant que le concert que ma mandoline, qui a plus de cent ans, était cassée... Parfois, j'aimerais bien juste chanter (rires) !
Et vous jouez de la batterie aussi ?
J'ai commencé la batterie à 12 ans et j'en ai fait pendant 5 ans. Mais je n'y ai plus touché depuis, je joue plutôt des percussions maintenant.
Et du violon ?
Non, je ne joue pas de violon, ni de trompette d'ailleurs... Mais j'ai un accordéon par contre (rires) ! Avec un clavier, comme le piano.
Quel est votre premier instrument ?
La voix. J'ai commencé mon apprentissage de la musique par le chant. A 3 ans, j'écrivais déjà des chansons – ma mère m'a enregistrée sur une cassette – ! J'ai vraiment commencé très tôt (rires) ! Puis à 7 ans, je me suis mise au piano ; et à la guitare, à 13 ans.
Quelles sont vos influences musicales ?
Mon père est musicien de blues, j'ai donc grandi avec du blues et de la soul, des morceaux des années 40-50, des incontournables. Ma mère, de son côté, écoutait beaucoup de musique du monde, de tous les pays. Quand j'ai commencé à écrire des chansons, je me suis intéressée de plus près aux song writers comme Jeff Buckley. Et puis il y a la pop et les Beatles, Nina Simone... En ce moment, j'écoute du fado et du flamenco. Je suis très attirée par les voix, quel que soit le style de musique – de la country aux chansons de Rihanna ou de Beyoncé, par exemple –, à partir du moment où j'aime ce que l'artiste fait. C'est vraiment la voix qui compte pour moi.
Comment votre carrière musicale a-t-elle commencé ?
J'ai écrit mes premières chansons à 12/13 ans. Pendant plusieurs années, j'ai joué et fait des concerts avec un groupe, que j'ai quitté depuis pour développer ma carrière solo et aussi parce que je faisais un peut tout : j'étais le manager, l'organisatrice, je m'occupais du booking, je faisais les affiches, j'écrivais les chansons... Tout cela prenait énormément de temps, et c'était très compliqué à gérer – pour les voyages, notamment, il fallait que tout le monde soit libre en même temps – ! J'ai donc décidé de continuer seule pour être libre, et pour me prouver que je pouvais faire un concert seule. Ça m'a pris des années, au final, pour en arriver là où j'en suis aujourd'hui !
Et sur scène, vous jouez seule ?
Oui, depuis 6 ans environ. Hier soir, je jouais à nouveau avec des musiciens – un batteur et un bassiste – pour la cinquième fois seulement [NDLR : au Nouveau Casino] ! Et cela fonctionne super bien, je suis très contente. Parce que c'est bien de jouer seule, mais avec des musiciens, c'est encore mieux (rires) !
Thea Hjelmeland en concert au Nouveau Casino le 26 mars 2012 :
Quel rôle la musique tient-elle dans votre vie ?
C'est mon travail et j'adore faire de la musique, être avec mes instruments, chanter... La musique, c'est vital pour moi. Elle m'accompagne à chaque moment de ma vie – dès le petit déjeuner, avec la radio ! –, elle me permet d'exprimer tous mes sentiments. Parfois, je me demande ce que je deviendrais si je devenais sourde... Comment je survivrais... Oui, la musique, c'est vraiment vital !
Interview de Thea Hjelmeland, une Norvégienne à Paris
« Je suis contente, je joue avec plein de gens différents ! Nous partageons beaucoup de choses ensemble et nous essayons de nous rencontrer dans la musique, c'est très enrichissant. »
Comment avez-vous eu l'idée de venir vivre en France ?
Dans le village norvégien où j'ai grandi se tient un festival international de musique folklorique. C'est à cette occasion que j'ai rencontré Nawal, une chanteuse qui vient des Comores et qui habite à Paris. J'étais leur contact artistique et ils habitaient à Paris, donc nous avons passé un week-end ensemble. Puis ils m'ont demandé de les rejoindre pour jouer avec eux et avec d'autres artistes, pour visiter la ville, aussi. Alors je suis venue à Paris et un jour, je suis allée au cinéma avec des amis pour voir un film français. C'est là que j'ai découvert Hugh Coltman, qui chantait sur la bande annonce. Il avait une voix tellement belle ! En rentrant, je suis allée sur Internet. J'ai appris qu'il venait d'Angleterre et qu'il habitait à Paris, puis j'ai trouvé son myspace et je l'ai demandé en amitié. Quelques jours après, il m'a envoyé un message : « Ah ! J'adore Perfume ! Il faut qu'on se voit ! », etc. Puis j'ai reçu un message de son manager : « Ah ! Il faut qu'on se voit ! », etc. J'ai vraiment eu de la chance ! Quelques mois plus tard, je chantais avec lui à la Cigale, et en ce moment, je travaille avec son management. Aujourd'hui, cela fait presque 4 ans que je suis en France, alors je connais beaucoup de musiciens, je joue avec des personnes très différentes et je fais pas mal de concerts.
Et vous vous plaisez à Paris ?
Oui, beaucoup ! Comme j'ai grandi dans un petit village, à Førde, où la nature est très présente, voyager entre les deux, c'est parfait !
Pouvez-vous nous parler de vos projets avec Mélissa Laveaux ?
Un jour, lors d'une fête, nous avons chanté une chanson ensemble – alors que nous étions amies depuis des années puisque nous nous rencontrées en 2008 ou en 2009, aussi grâce à myspace ! –. Nos deux voix sont complètement différentes, mais toutes les deux, nous avons trouvé qu'elles allaient très bien ensemble. Mélissa m'a alors demandé si je voulais faire un concert avec elle. Le 3 mars 2012, j'ai donc joué avec elle à la Maroquinerie, et c'était une magnifique ! Nous partageons quelque chose de très profond musicalement : nous utilisons beaucoup de métaphores, nous prenons du temps pour écrire nos chansons, notre appréhension de la musique a de nombreux points communs. Et nos voix, qui sont pourtant à l'opposé, fonctionnent très bien ensemble ! C'était une belle expérience, et j'espère que l'on pourra à nouveau jouer ensemble.
Et avec MaJiker ?
MaJiker – c'est un ami de Mélissa –, s'intéresse beaucoup à la musique scandinave. Il a remixé plusieurs titres de chanteuses norvégiennes, suédoises, et il mène en parallèle un projet folklorique de chansons scandinaves pour lequel je chante une chanson. Il va peut-être, aussi, faire un remix de l'une de mes chansons. On expérimente plein de choses, c'est super !
Avez-vous d'autres projets ?
Avec mon nouveau batteur, qui vient de Norvège et qui est aussi producteur, nous faisons beaucoup de musique. En ce moment, nous travaillons sur une chanson, celle qui a ouvert le concert d'hier soir. Je suis contente de jouer avec plein de gens différents ! Nous partageons beaucoup de choses ensemble et nous essayons de nous rencontrer dans la musique, c'est très enrichissant.
Une tournée est-elle prévue pour la sortie de l'album Oh, The Third... ?
Oui, à partir d'août, septembre, nous jouerons en Norvège et probablement en France. En attendant, j'ai plusieurs concerts de prévus. En avril, je ferai la première partie de Bernhoft en Allemagne et à Zurich, et je jouerai aussi au Printemps de Bourges.
Interview réalisée le 26 mars 2012 par Cécile Duclos
Thea Hjelmeland, Oh, The Third..., sortie digitale le 24 février 2012
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Le premier album de Thea Hjelmeland : Oh, The Third..., Thea Hjelmeland, Téléchargement MP3, Øra Fonogram, 24 février 2012. Voir tous les produits (CD, mp3, collectors...) autour de Thea Hjelmeland |
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