Chanteur, compositeur et interprète (il dessine aussi les livrets de ses disques), Syrano nous pose quelques problèmes, dont un qui n'est pas des moindres : on ne sait pas comment le classer. On retrouve des influences world, slam ou encore chanson française, avec toujours cette même constante, l’engagement de ses textes. Mais ce n'est pas tout puisque Syrano est aussi poète, sensible et authentique. Inventer une nouvelle catégorie Slam-Poète-Authentique-Engagé ? Trop long pour un chanteur qui va à l'essentiel ! Ce sera donc Syrano, comme il se présente lui-même, avec un S pour Sylvain. Après Musiques de Chambre, Le goût Du Sans et A la fin de l’envoi, Syrano revient avec un magnifique album, Les cités d’émeraudes, qui relate son dernier voyage dédié à la découverte de pays et de sociétés auxquels il a voulu se confronter, pendant deux ans, pour trouver des réponses à ses questions.
Avant son concert au Café de la Danse, Syrano s'est prêté au jeu des « questions / réponses » sur son nouvel album. Généreux comme ses chansons le laissaient présager, ce n'est pas 20 minutes qu'il nous accordées mais 1 heure 30... Et encore ! C'est la rédaction, dans sa grande bonté (et non sans regrets !), qui s'est vue contrainte de mettre fin à la conversation pour lui accorder une demi-heure de répit avant le spectacle. Il fallait bien qu'il se sustente quelque peu avant de nous mettre le feu, et quel feu (la veste eighties façon X-Or de l'un de ses musiciens, dont nous avons pu débattre dans les loges, était judicieusement choisie) ! Sous le charme, on vous invite, que dis-je, on vous enjoint à aller voir Syrano en concert ! Mais assez « parlé », il est temps de découvrir le personnage... Interview de Syrano, artiste et homme avant tout.
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Le saviez-vous ? Le saviez-vous ? Le disque de Syrano Les cités d'émeraudes est accompagné d'un journal de bord de ses voyages (sous la forme d'un livre), voyages dont vous pourrez avoir un aperçu en vous rendant sur le blog de Syrano consacré à cette formidable aventure.
Le saviez-vous ? Le saviez-vous ? Le disque de Syrano Les cités d'émeraudes est accompagné d'un journal de bord de ses voyages (sous la forme d'un livre), voyages dont vous pourrez avoir un aperçu en vous rendant sur le blog de Syrano consacré à cette formidable aventure.
Syrano en voyage dans les cités d'émeraude
« Le son a une mémoire particulière. »
Vous avez travaillé deux ans sur votre dernier album, Les cités d'émeraude.
C'est exact.
L'album – la musique et les textes – s’est fait au cours de voyages ; comment vous est venue cette idée ?
Simplement, j’ai toujours eu envie de voyager. Ce sont mes concerts qui m'ont permis de partir au début. Dans un premier temps, j’ai visité mon pays. J’ai découvert la France et ses régions. Puis nous avons fait des tournées à l’étranger et je n'ai eu qu'une envie, retourner dans ces pays à la découverte d'autres cultures. C'est comme ça que je suis allé en Allemagne, au Brésil. Ensuite, nous avons choisi les pays dans lesquels nous voulions nous rendre. Je voulais partir avec un vrai prétexte, pour une vraie raison. En mars 2010, j’ai fait un concert caritatif à Madagascar organisé par l’association Voisins d’ailleurs. Sur place, j'ai pris contact avec l'association SPV Felana et je suis allé voir ce qu'il se passait sur le terrain. Par la même occasion, j’ai rencontré le groupe Tr'ombi. J'avais envie que cet album concrétise la découverte de pays et cultures musicales. Au début, c’était un peu à tâtons. Je voulais orchestrer les différentes compositions avec des instruments traditionnels. Mais je ne pouvais pas savoir, lorsque j’allais dans un pays, si cela allait fonctionner ou pas. Tout dépend de l’approche qu’ont les gens de la musique. Au Brésil, par exemple, la musique n’est pas institutionnalisée ni intellectualisée, elle est viscérale. Son approche est vraiment humaine, les gens dansent dès qu’il y a de la musique.
Pour entrer dans la 3ème dimension, une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan suffit (n'hésitez pas à cliquer sur l'image pour l'agrandir).
Parlez-nous de votre rencontre avec le groupe Tr'ombi.
A Madagascar, tout le monde joue de la musique. La tradition orale se perpétue par la musique. Les musiciens apprennent plusieurs instruments avec leurs cousins, leurs amis. Lorsque nous avons enregistré notre morceau là-bas, ils étaient adossés à un mur et ils nous accompagnaient avec des rythmiques très compliquées et parfaitement calées. A la batterie, ils utilisaient des bouts de bois qu’ils venaient de casser à la place des baguettes. Le valiha, l’instrument traditionnel du pays, est construit avec des freins de vélo dénudés et tendus pour former une sorte de harpe autour d’un bout de bambou. Et ça sonne ! Ça sonne car c’est authentique.
L’inspiration vous venait en fonction des rencontres ?
Si je n'avais rien préparé au préalable, je n'aurais pas obtenu ce résultat-là. Je suis parti avec des morceaux que j’avais déjà composés, même si sur le terrain, il m’est souvent arrivé de prendre un lecteur mp3, de mettre le casque sur les oreilles d'un musicien et de lui dire « vas-y, lâche-toi ». Les gens improvisaient, chantaient… De retour chez moi, j’ai réenregistré toute cette matière.
Aviez-vous préparé votre voyage ?
Ça dépend des pays. Pour les États-Unis, c’est un ami qui m’a appelé, il voulait enregistrer un jeu vidéo. Deux jours après, j’étais à Dallas.
L'album Les cités d'émeraude est beaucoup moins cynique que les précédents, bien qu’il ait toujours un côté dénonciateur...
C’est viscéral (rires) ! Les albums précédents étaient sur fond de constats sociaux. Le non-sens de notre société m’échappait, alors j’ai voulu me confronter au monde pour comprendre. Je suis donc allé à Madagascar, et je voulais que ce voyage ait un sens pour moi. C'est la même chose pour l’Arménie. Je parraine des petites filles depuis 6 ans là-bas et j’ai voulu les rencontrer. Finalement, cet album est plus introspectif que les précédents, je m'y livre beaucoup plus.
Est-ce que les cartes postales sonores qui accompagnent l'album Les cités d'émeraude racontent des instants particuliers de vos voyages ?
Les cartes postales sonores correspondent à des moments où j’étais seul. Je souhaitais ajouter aux témoignages photos un fond sonore. On entend des gens parler, des fritures de restaurant, mes pas... Lorsque je réécoute les cartes postales, beaucoup d’images me reviennent, bien plus que ce que les vidéos ou les photos peuvent me restituer. Le son a une mémoire particulière.
Interview de Syrano : son dernier album, Les cités d'émeraude
« La cité est ma quête, l’émeraude est la couleur de mes yeux, parce que ce que l’on trouve dans un voyage, ce n’est qu’un peu de soi. »
Pourquoi le titre « Les cités d’émeraude » ?
Pour moi, ce voyage était une sorte d’exploration, comme on en faisait au 19ème siècle. Je voulais un nom mythique. La cité est ma quête, l’émeraude est la couleur de mes yeux, parce que ce que l’on trouve dans un voyage, ce n’est qu’un peu de soi. Le vrai voyage, c'est lorsque l’on revient, lorsque l’on réalise ce que l’on a vécu. Ce qui a changé en nous, ce que l’on a laissé, ce que l’on a rapporté.
Même si l'on revient avec les mêmes questions, finalement ?
Oui, ça, c’est clair, il y a des bagages qui nous suivent !
La première fois que j’ai écouté Le prix des choses, j’ai pensé à Brassens. Vous a-t-il inspiré pour cette chanson ?
Oh, si peu (rire) ! J’ai grandi en écoutant autant de rap, de world, de rock que de chanson française. Ce morceau-là, c’est clairement Brassens, son vocabulaire et sa petite ritournelle. Pour moi, le slam est dans la continuité de Brassens et de Ferré, ne serait-ce que dans la diction. Ferré, à l’époque, déclamait des textes sur des titres de 18 minutes ; c’était une forme de slam. Évidemment, j’ai ces influences-là.
Ça se ressent dans les précédents albums, mais beaucoup plus dans celui-là.
Je trouve aussi !
Que s’est-il passé dans la chambre 802 (NDLR : Chambre 802 est le titre de l'une des chansons du dernier album de Syrano, Les cités d’émeraude) ?
Ah, je ne peux pas le dire (rires) !
Ça restera en off (rires)...
C'était à l'occasion d'un concert que nous donnions à Porto Alegre. Nous avions chacun une suite – un F2 –, mais nous n'étions pas souvent sur place. Avec notre sac à dos, nous nous promenions dans les rues. A Porto Alegre, nous avons commencé par visiter les alentours. C’était magnifique avec les arbres, les fleurs – une partie de la ville a été refaite – ! Mais à force de marcher, nous avons fini par nous perdre dans une favela, et là, c’était autre chose !Sur la plage de Porto Alegre (c'était notre objectif), il y avait des toxicos dans une espèce de parc qui faisait office de jetée. La plage elle-même, sur 10 à 20 mètres de long, n'était plus qu'une déchetterie. En face, l'une des décharges de Porto Alegre occupe l’île aux fleurs. Il faut savoir que les déchets sont distribués aux porcs élevés sur l’île ; ce que les porcs ne veulent pas est distribué aux gens qui vivent sur l’île. Les détritus restants sont ensuite jetés dans la mer et rejetés sur la plage de Porto Alegre. Sur la jetée, des espèces de terrains de foot et de basket avaient été aménagés, et ils étaient surplombés par des pancartes indiquant que la baignade était interdite. Faire du sport, c’est génial ! Porto Alegre sponsorisé par Pepsi ! Cette chanson exprime ce décalage : ce panneau Pepsi – cliché ultime ! – , et nous, dans cette suite d’hôtel... Il y avait un côté indécent. Quant au numéro 802, c'était celui de ma chambre.
Un nouveau sujet est apparu dans l'album Les cités d’émeraude : l’écologie.
Il y a un gros problème de déforestation à Madagascar, qui engendre des glissements de terrain. On y brûle les arbres pour enrichir en carbone la terre que l'on va cultiver. Grâce à l’association SPV Felana, les collines autour de la ville sont régulièrement reboisées. C’est une forme de sensibilisation par la force des choses. Depuis Fukushima, une prise de conscience s’est opérée. Je trouve tellement ahurissant et illogique de produire de l’énergie avec des matières dangereuses ! On se croit encore supérieur, une sorte d’anthropocentrisme... Des restes de religion, de dogmes judéo-chrétiens nous laissent penser que l’homme n’est pas un animal, qu'il est au-dessus de tout et qu'il doit se servir de la terre. En revanche, quand il y a un tsunami, on fait moins les malins !
Y-a-t-il un morceau dans votre album qui vous touche plus particulièrement ?
Ça dépend des jours (rires) ! Selon moi, une chanson est l'écho de ce que l’on est à l’instant où on la crée. Chaque morceau est en résonance de façon différente avec ce que je suis. Je n’ai pas – et heureusement ! – de préférence. Quant au public, il est toujours plus ou moins touché par certains titres – sur cet album, C’est toi, qui est très autobiographique mais auquel je n'attache pas plus d’importance qu’aux autres, semble avoir un impact particulier – cela leur donne une deuxième vie. En concert, c’est l’émotion du live qui fait vivre un morceau. Une fois enregistré, j'en suis un peu dépossédé ; c’est parce les gens l’écoutent qu’il existe.
Ça vous fait quel effet d’être dans le top 10 iTunes ?
Je suis conscient de ce que cela représente, mais c’est éphémère, c’est juste une sorte de petite gloire sur le moment. En revanche, savoir que la sortie de l'album était attendue, c’est au-dessus de tout ! J’ai quitté mon producteur il y a un an et demi, je voulais faire plus de choses en indépendant. Cet album était une sorte de test : soit j’y arrivais, soit j’arrêtais.
Alors, vous allez continuer ?
(Sourire) Pour l’instant, oui !
Pour entrer dans la 3ème dimension, une paire de lunettes anaglyphes rouge / cyan suffit (n'hésitez pas à cliquer sur l'image pour l'agrandir).
Interview de Syrano, un artiste libre et audacieux
« Évidemment, le disque est un beau support, c’est génial, mais la musique, ça se vit, ça ne se grave pas ! »
Parlez-nous d’Anonymous...
Au départ, je voulais juste faire un morceau pour soutenir le mouvement, soutenir la liberté de faire ce que l’on veut. Internet est un espace de liberté qui permet de créer autrement. Il peut paraître paradoxal de proposer en téléchargement libre des disques que je vends. Sauf qu'aujourd’hui, si je suis 8ème des ventes, c’est en grande partie grâce à ces téléchargements. Un lien s’est créé avec le public et ce n’est pas une démarche calculée. Simplement, moi aussi, je télécharge ! Si ça me plaît, j’achète ; si ça ne me plait pas, eh bien… je n’achète pas. Mais cela ne plaît pas aux labels. Toute la synergie qu’il y avait autour du disque se casse la figure et les lois qui voient le jour, ACTA comme HADOPI, répondent aux plaintes des majors et des gros producteurs. Pourtant, avant les années 60, le business du disque n'existait pas. Des artistes comme Aznavour, Brassens, Piaf, faisaient des tours de chants. Évidemment, le disque est un beau support, c’est génial, mais la musique, ça se vit, ça ne se grave pas ! Ceux qui, comme Zazie, revendiquent leurs droits à la SACEM, gagnent beaucoup moins d’argent car ils vivent essentiellement de la vente de leurs disques. Moi, je ne conçois pas la musique comme ça, je n'en vis pas. Ça met du beurre dans les épinards et ça me permet de faire le suivant, c’est tout. Et si je partage ma musique, c'est pour que les gens l'écoutent, pour qu'elle existe. Alors oui, je dis : « allez-y, prenez, faites ce que vous voulez, échangez, donnez, et le jour où vous voulez le disque, achetez-le ! ». C’est pour la même la raison que je fais des livrets travaillés et que j’encourage les gens à venir me voir sur scène.
Avez-vous reçu des plaintes des maisons de production de vos précédents albums ?
Non, je produis moi-même mes albums (sourire).
Vous êtes libre alors ?
Oui, j'ai cette liberté-là. Je connais des artistes qui ont « signé » et qui doivent acheter leur album à 13-15 euros pour les revendre 20 euros pendant les concerts, ce qui permet au label de vendre un disque deux fois. C’est inacceptable ! Et ce sont ces mêmes personnes qui parlent de valeurs et d’humanisme, de l’importance de promouvoir les artistes, et qui disent que le téléchargement, c’est mal.
Interview de Syrano, en plein chaos électoral
« On a beau dire, quand Sartre et de Gaulle se frittaient, c'était d'un autre niveau ! »
Avez-vous vraiment brûlé votre carte électorale ?
Oui, je n’ai pas envie de donner une légitimité à ces gens-là. Ils méprisent le peuple comme l’être humain. Je ne parle pas du peuple dans le sens prolétaire car même à gauche, ces écueils existent. Et puis il y a un aspect vraiment sale et vulgaire, cette absence de débat d’idées en grande partie due à Sarkozy. On a beau dire, quand Sartre et de Gaulle se frittaient, c'était d'un autre niveau ! Je ne dis pas cela par nostalgie, je n’ai pas vécu cette époque-là. Mais les personnes qui nous gouvernent devraient être exemplaires. Elles ne devraient être ni des banquiers, ni des gestionnaires.
Quel message passeriez-vous aux candidats à la présidentielle ?
« Rentrez chez vous ».
Et aux Français, « restez chez vous » ?
Non, « partez ».
Quel serait pour vous le scénario catastrophe ?
Choisir entre la peste et le choléra ; et ce choix, je ne le ferai pas. La classe politique réalise qu’elle ne maîtrise plus rien – le triple A, les erreurs monumentales des banques... – ; mais lorsque je parle ainsi, on me taxe de populiste. Et quand, dans mes chansons, je dis : « à droite, à gauche, tous les mêmes, tous pourris », on me taxe de bien-pensant.
Le concert ne va pas tarder, je vous libère (sourire). Merci pour cette interview.
Mais de rien !
Interview réalisée le 3 avril par Magalie Puente
Syrano, Les cités d’émeraude, 26 mars 2012
Retrouvez Syrano sur le web : sur son site officiel, sur twitter, sur facebook et sur le blog de ses voyages pour son album Les cités d'émeraude.
Syrano sera en concert le :
14 Mai : Orléans (45) L'Astolabe (privé)
24 Mai : Puteaux (92) Conservatoire Jean-Baptiste Lully
Syrano sera en concert le :
14 Mai : Orléans (45) L'Astolabe (privé)
24 Mai : Puteaux (92) Conservatoire Jean-Baptiste Lully
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Le dernier album de Syrano : Les cités d’émeraude, Syrano, Les Doigts Dans l'Zen, mars 2012. Voir tous les produits (CD, mp3, collectors...) autour de Syrano |
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